Gou Tanabe
(scénario & dessin)
d’après H.P. Lovecraft

Les chefs-d’œuvre de Lovecraft :

Celui qui hantait les ténèbres

Manga, horreur / fantastique
Publié en VF le 04 mars 2021 chez Ki-oon
Publié en VO en 2016 par Enterbrain chez Comic Beam (« Yami ni Hau Mono / 闇に這う者 »)

Pendant la Première Guerre mondiale, un officier évadé se retrouve perdu en pleine mer. Épuisé, il s’évanouit dans sa barque et, à son réveil, s’aperçoit qu’il s’est échoué sur une île inquiétante, recouverte à perte de vue de carcasses de bêtes marines…
Dans la ville de Providence, le jeune écrivain Robert Blake semble fasciné par une étrange église abandonnée. Alors qu’il finit par s’aventurer dans ce lieu de culte perverti, il y découvre le Necronomicon, un ouvrage maudit de magie noire, et invoque sans le vouloir des forces maléfiques qui dépassent l’entendement…

Dagon est une nouvelle de H.P. Lovecraft (c’est d’ailleurs la première écrite par le Maître de Providence, rédigée en 1917 et publiée en 1919). Dans un récit à la première personne, un narrateur au bout du rouleau nous livre son testament en nous expliquant comment il en est arrivé là, et en nous mettant en garde contre une terrible réalité pleine de secrets blasphématoires. Capturé par les Allemands durant la WWI, il s’échappe pour se perdre quelque dans l’Océan Pacifique….

Les astres étant propices il a atterri sur un bout de fond marin remonté à la surface par la grâce d’un accident tellurique. Il explore un environnement lugubre avant de rencontrer d’étrange ruines pré-humaines (forcément « cyclopéennes »), puis l’un des titans qu’adoraient les créatures qui les ont construites à une époque antédiluvienne… Il s’agit bien évidemment du « brouillon » de L’Appel de Cthulhu, donc son intérêt est plus historique que littéraire. Néanmoins il s’agit d’un texte phylogénique majeur du genre horrifique…

Pour aller plus loin, j’avais déjà parlé du récit d’origine ici :
https://www.portesdumultivers.fr/dagon-h-p-lovecraft/
Le travail d’adaptation de Gou Tanabe est une fois de très bien en plus d’être très fidèle. Il nous met dans la peau du narrateur en commençant directement par son évasion en plein milieu de l’Océan Pacifique. Et c’est avec lui qu’on explore l’île mystérieuse, avant qu’il ne croise le chemin d’un Grand Ancien. Pour ne rien gâcher la chute du récit est d’une grande efficacité. L’ensemble souffre toutefois comme l’adaptation de la nouvelle de Je suis d’ailleurs d’une grosse lacune qui l’empêche d’être un chef-d’œuvre : elle est trop courte et trop rapide, donc on n’a pas le temps d’installer l’ambiance lourde et pesant qui caractéristique tout grand récit d’horreur…

– Les lumières se sont éteintes ! Que Dieu me vienne en aide…

Celui hantait les ténèbres est une nouvelle de H.P. Lovecraft écrite en 1935 et publié dans Weird Tales en décembre 1936 (il s’agit de l’avant dernier texte du Maître de Providence avant sa mort prématurée). Lovecraft offre ici une suite à un récit de son ami Robert Bloch, donc on se sait que le narrateur emprunte à Lovecraft, à Robert Bloch ou à Clark Ashton Smith qui leur était très proche. Et on commence par la fin en nous annonçant la mort aussi horrible et mystérieuse du narrateur. Nous suivons donc à rebours le triste sort de Robert Blake, romancier et peintre féru d’occultisme qui fasciné par l’étrange office dans le genre fantastique…

Robert Blake vient de s’installer dans la ville de Providence, et la vue de la ville offert par son nouvel appartement l’inspire beaucoup et lui apporte beaucoup de succès. Son regard finit par être attiré par une église désaffectée du quartier italien dont les habitants font semblant d’ignorer l’existence en faisant d’étranges signes cabalistiques avec les doigts quand on mentionne sa présence… Le narrateur fait face à une véritable légende urbaine, et il décide de faire sa propre enquête. Il découvre ainsi des livres interdits, des artefacts dangereux, et un savoir blasphématoire qui lui ouvre les portes d’un autre monde. Mais ce faisant, il pense aussi avoir réveillé un mal ancestral…

J’avais aimé la nouvelle d’origine, mais elle ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable. Cette adaptation de Gou Tanabe en trois partie joue avec nos peurs primales, et a réveillé en moi des souvenirs de Stephen King, de Clive Barker, de Dean Koontz, de Graham Masterton ou de tant d’autres ! (d’autant plus que le mangaka lâche du lest sur la traditionnelle narration indirecte pour se concentrer sur le point de vue direct du narrateur)

Il y a la peur de l’inconnu avec le narrateur qui découvre en recoupant plusieurs témoignages un monde dont il ne soupçonnait pas l’existence. Il y a la peur de soi quand atteint de somnambulisme il s’aperçoit que ses rêves et ses cauchemars débordent sur la réalité (avec le trilogie classique du fantastique : folie, fièvre, sommeil). Il y a la peur de l’autre quand il comprend que quelque chose s’est immiscé dans son esprit et a commencé à le traqué. Et enfin il y a l’ancestrale peur du noir, quand il devient clair que la créature enfermée dans la sinistre église ne peut agir que dans l’obscurité la plus totale… Le film Pitch Black de David Twohy avait transposé tout cela dans un cadre space-opera, mais c’est la même chose ici : on compte d’abord sur l’éclairage public, puis on se jette sur les lanternes, et après avoir allumé du feu on espère que les éclairs d’un orage suffiront pour éloigner le mal…

 

En conclusion l’auteur déclare qu’il peut faire mieux, et qu’il compte bien refaire ces adaptations pour aller plus loin encore : et bien tant mieux !!! (car les récits datent de 2016, et l’auteur s’est bien amélioré depuis)

note : 8+/10

Alfaric

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