Thibaud Latil-Nicolas

Roman fantasy
publié le 21 février 2019 chez Mnémos

Au nord du Bleu–Royaume, la frontière est marquée par une brume noire et impénétrable, haute comme une montagne. De mémoire d’homme, il en a toujours été ainsi. Mais depuis quelques lunes, le brouillard semble se déchirer. Tandis que ce voile enfle et reflue tel un ressac malsain, de violents éclairs strient ses flancs dans de gigantesques spasmes. La nuée enfante alors des créatures immondes qui ravagent les campagnes et menacent d’engloutir le royaume tout entier.

La neuvième compagnie des légions du roy, une troupe de lansquenets aguerris au caractère bien trempé, aspire à un repos bien mérité après une campagne éprouvante. Pourtant, dernier recours d’un pouvoir aux abois, ordre lui est donné de s’opposer à ce fléau. Épaulée par des cavalières émérites et un mystérieux mage chargé d’étudier le phénomène, la troupe s’enfonce dans les terres du nord, vers cette étrange brume revenue à la vie.

Tous, de l’intendant au commandant, pressentent qu’ils se mettent en route pour leur dernier périple. Tous savent que du résultat de leurs actions dépendra le destin du royaume. Entre courage et résignation, camaraderie et terreur, ces femmes et ces hommes abandonnés par le sort, devront consentir à bien des sacrifices face à la terrible menace. En seront-ils capables ? Les légendes naissent du sang versé, de la cendre et de la boue.

On démarre d’agréable manière – à la première personne – un récit conté au sein d’une compagnie militaire, membre de l’armée royale. Le tiers de ses forces marche sur cette contrée désolée, à l’ouest du royaume, en direction de la mer. Elle affiche végétation morne et rachitique, ainsi que tribus barbares des plus inhospitalières.
Le style est familier, néanmoins truffé du vocabulaire adéquat, fluide et générateur d’une proximité avec le lecteur.
Notre narrateur se voit provisoirement promu à la tête de sa compagnie suite au décès du noble incompétent qui tentait de faire fonction.
La compagnie vient de participer à quelques conquêtes territoriales qui tiennent lieu d’exemple quant à la population nomade et son inclination aux raids et au pillage.
On se croirait presque de retour dans la compagnie noire de Glenn Cook avec le docteur à la narration…
On a même le droit à une petite escarmouche avec une horde barbare, ce qui nous permet de faire connaissance avec différents membres importants de cette compagnie de par leurs fonctions.

J’ai compris que s’élever au-dessus des siens ne se fait pas par l’exercice du pouvoir et l’usage de la violence, mais en apprenant à aimer les vicissitudes de son destin. Vous autres, fils des batailles, partez au combat en craignant d’être tués, blessés, perdus. Nous, femmes de Longemar, risquons la capture, la souillure, le rejet, le mépris de ceux qui pensent que le combat n’est qu’une affaire de muscles. Mais nous agissons de la sorte parce que nous voulons assumer les mêmes responsabilités que les vôtres et, de ce fait, obtenir les mêmes droits et la même reconnaissance. Nous ne voulons pas être celles qui pleurent et qui geignent quand on renverse sur la paille. Nous porterons le fer là où on nous le demandera, avec toute la vigueur nécessaire. Alors ne craignez pas que nous reculions devant quelques flocons de neige et les morsures de blizzard. Nous saurons tenir.

Puis patatras ! L’on pénètre, d’un coup d’un seul, dans un scénario bas de gamme pour partie de jeu de rôles… La neuvième compagnie se voit confier mission de reconnaissance à la frontière nord, celle marquée par une brume colorée à priori impénétrable. En effet, une tempête issue de cette brume semble se déplacer… La dixième ne la précède que de peu. Ils ne la rejoignent qu’une fois cette dernière massacrée. Et l’on comprend que ces tempêtes de brumes dégueulent des meutes démonoïdes… Les alentours sont ravagés et seule la forteresse désignée comme leur point de chute résiste, sous la houlette d’une mage intercesseuse.
Un deuxième chapitre plutôt artificiel nous a en effet expliqué que le roi était un gosse, qu’un régent ami du défunt père assurait l’intérim et que la magie, opposée au clergé dans des conflits de pouvoir et d’influence, se divisaient en trois branches. L’une dévolue à l’architecture, l’autre à la nature ainsi qu’aux soins et la dernière à la manipulation de la force magique en présence pour réaliser ce que potentiel et imagination permettent.
Cette mage accueille donc la neuvième, leur explique que les monstres proviennent bien de la brume, donc des tempêtes et que leur énergie décroît à mesure qu’ils s’en éloignent. Elle leur fait part également d’une observation : au loin, grâce à sa lunette, entre deux éclairs, elle a discerné une tour qui pointait, à l’abri dans la brume, au-delà de la frontière… La fameuse tour du magicien ?
L’on sent poindre tout de même, au détour des phrases, la jeunesse de l’auteur, qui verse plus facilement dans l’emploi d’un cliché que dans l’expression d’une originalité ou d’un style propre, voire un brin de profondeur.
Les intentions demeurent bonnes et le prétexte d’un aller-retour à la capitale pour renseigner le roi et se ravitailler, offre la possibilité de camper davantage certaines figures colorées de la compagnie, au gré de l’évocation d’un passé ou d’une escapade de carabins farceurs en débauche.
On abandonne cependant la première personne pour se cantonner à la troisième. Dommage ? On introduit également le mage à la tête des intercesseurs, son apprenti et de fameuses amazones qui constituent la garde royale rapproché.
Ce beau petit monde remonte fissa dans le nord, direction les murs de Crevet. Les archétypes des personnages développés et leurs interactions s’avèrent bien menés, non sans humour, les personnalités plutôt attachantes.
La jonction s’opère à nouveau, alors que la forteresse subit un assaut massif qui permet à Isore, l’intercesseuse, de s’illustrer. Le flot ennemi demeure trop dense cependant, les rejoindre deviendrait suicide malgré l’aide apportée… Mais combien de temps tiendront-ils ? Probablement juste celui de contourner le siège, gagner la tour mystérieuse… Mettre fin à la magie qui génère l’apparition de ces bêtes monstrueuses… Retour au scénar’ bateau de la partie ?
Les pages défilent et la progression dans l’intrigue stagne un peu. Comme les scènes d’action sont réussies, les pages défilent vraiment. Et donc, les persos fonctionnent bien.
Pas grand chose de plus à dire sur l’intrigue, si ce n’est qu’elle s’offre un contre-pied. Ainsi, elle se prolonge… et la partie continue… Avec ces joueurs que tout le monde connaît, du genre à flécher une bestiole au corps-à-corps avec un allié, dans le noir, au moyen d’un projectile empoisonné… Qui en concours de bite permanent, à défier tout et n’importe quoi, de manière suicidaire… Tel autre, toujours prompt à briser un mécanisme plutôt que de le comprendre…
Ce qui, dans un récit, manque malheureusement de finesse et nuit à la crédibilité, que l’on fasse fi du réalisme.
Ceci vaut pour certains comportements, comme pour l’ingéniosité supposée d’improbables stratagèmes.
Bon d’accord, fort Alamo pouvait s’en sortir. Davy Crockett aurait pu tenir davantage face aux affreux bronzés mexicains et l’emporter avec le renfort de quelques cavaliers…
Tout cela s’essouffle cependant. Le manque de nuances, voire de complexité dans les caractères ou la narration, se fait cruel. Cela devient presque bourrin, au mauvais sens du terme. Même les saillies durant les combats chutent dans la platitude et la vulgarité. Je précise que la grossièreté ne me dérange pas. Je salue par ailleurs les jurons «verge molle !» ou «foutre verge !».
J’aurai donc découvert par inadvertance ce que l’on désigne désormais par littérature jeunesse… Globalement insuffisant. Mais je ne représente pas la bonne cible. Au temps pour moi.
A défaut de félicitations, pour cette première publication, ne boudons pas les encouragements, à progresser et hausser le niveau d’exigence.

note : 5/10

Julien Schwab

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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