Alain Ayroles (scénario)
Etienne Jung (dessin)

Les Chimères de Vénus, tome 1

Bande dessinée, science-fiction / steampunk
Publiée le 24 mars 2021 chez Rue de Sèvres

1873, tandis que les empires terrestres s’affrontent pour la maitrise du système solaire, l’actrice Hélène Martin embarque pour Vénus à la recherche de son fiancé, prisonnier des bagnes de Napoléon III. Dans l’univers du Château des étoiles, la conquête de l’espace continue.

Dans l’uchronie steampunk d’Alex Alice avait lieu un Traité de Berlin où les grandes puissances se partageaient le système solaire à la place de l’Afrique : à la Prusse Mars, à la France et l’Angleterre Vénus !

Dans cette série dérivée nous découvrons les chimères de Vénus avec un bon rythme alternant les POVs d’un couple d’amants maudits par le destin. D’un côté nous avons Hélène Martin, actrice d’opéra-bouffe assistée par sa camériste Prudence, qui vamp le gouverneur de Chouvigny pour rejoindre Vénus et l’occasion de délivrer son Aurélien bien-aimé. D’un autre côté nous avons Aurélien d’Hormont, poète et rêveur, défenseur de toutes les causes perdus qui s’évade du bagne de Nouvelle Cythère pour retrouver son Hélène bien aimée… Si Aurélien qui représente l’altruisme est accompagné de Pitaine qui représente l’égoïsme, Hélène est elle entourée de toute une comédie humaine :
– le Duc de Chouvigny est persuadé que dans le monde de l’argent-roi tout est à vendre
– un médecin indochinois devenu malgré lui cornac de tricératops de l’Empire Français
– le Général Mercadet héros de Solférino et Guadalajaja souhaite trouver fortune et gloire
– Bartholomée François et Juste Romain sont véritables Bouvard et Pécuchet dans l’Espâce
– le médium Sar Pélardon semble lire dans les âmes et avoir des projets pour les indigènes aliens
– le Professeur Courbeval, sommité de l’Institut, souhaite dévoiler les secrets de l’étoile du berger

Et si après moult tribulations tout ce beau monde se retrouvait sur la mystérieuse « île magnétique » dont les gisements d’éthérite sont l’objet de toutes les convoitises ?

– Vous, la bonne, raisonnez-là !
– La raisonner ? On dirait que vous avez pas encore compris à qui vous aviez affaire ! Mon Hélène est amoureuse… Rien ne l’arrêtera.
– Tout ceci est ridicule! En vertu des lois naturelles, c’est à l’homme qu’incombe…
– On est sur Vénus… La planète des bonnes femmes… Ici, c’est pas vous qui faîtes la loi !

Au scénario le génial Alex Alice est remplacé par le très bon Alain Ayroles, et ici difficile de dire qu’on perd vraiment au change. On reste dans un hommage à la SF des origines avec Jules Verne, H.G. Wells et Arthur Conan Doyle (la capitale coloniale d’Eugenia perchée sur un plateau au milieu des jungles vénusiennes ressemblant fort à un monde perdu inversé). Bien sûr un hommage peut en cacher d’autres puisque que la cavale d’Aurélien prend des airs de Papillon, et la quête d’Hélène ressemble de plus en plus à Jurassic Park. Et cette histoire d’amour SF n’est sans rappeler les grandes œuvre de René Barjavel et Stefan Wul.

Et qui dit uchronie dix-neuviémistes qui dit lutte des classes, car tout ce qu’a reproché la IIIe République au Second Empire elle l’a refait et en bien souvent en pire, et on retrouve la remise en cause du suprématisme, de l’impérialisme, du racisme, du spécisme et du sexisme, et force est de constater qu’Alain Ayroles aborde tous ces thèmes avec plus de subtilité et de pertinence que les ayatollahs SJW adeptes comme Mao et Staline de la « cancel culture ». C’est à se demander s’il n’a pas lu la nouvelle La Logique de l’Empire / Logic of Empire écrite par Heinlein en 1941 qui abordait elle aussi tous ces thèmes avec plus subtilité et de pertinence.

Au dessin les aquarelles du génial Alex Alice sont remplacées par les couleurs numériques du bon Étienne Jung, et si je ne suis pas spécialement fan du style graphique déployé il a su me convaincre car il colle parfaitement au sujet. Il y a eu manifestement un gros travail de story-boarding, et au final le découpage est fort agréable et la fluidité vraiment excellente : vite la suite !!! (et pour ne rien gâcher, une fois de plus les éditions Rue de Sèvres nous offre un livre-objet magnifique)

note : 8/10

Alfaric

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