Nicolas Jarry & Jean-Luc Istin (scénario)
Zivorad Radivojevic (dessin)

Conquêtes, tome 7

Tanami

Bande dessinée, science-fiction
Publiée le 24 mars 2021 chez Soleil

Tanami est une planète hostile bloquée au jurassique où des Australiens font figure d’amuse-gueule. Les dinosaures ne sont pas le seul ennemi, il y a cette chose qui s’apparente à un symbiote et qui était là bien avant. Une poignée de survivants se réveille au milieu d’une jungle à bord d’une chaloupe extraterrestre. Tout ce dont ils se souviennent c’est de leur fuite pour échapper à la destruction de la Terre. Il leur faudra recoller les morceaux du puzzle qui les a menés jusque-là pour espérer survivre. Mais à mesure que le voile de l’amnésie se déchire, ils découvrent que l’ennemi n’est pas qu’à l’extérieur.​

Autant j’ai adoré le tome 6, malgré un macguffin en dérapage contrôlé donc on aurait pu se passer, autant ce tome 7 commence très bien . On enchaîne les retournements de situation à 180°, et passé un cap de twist en twist on finit en « jump the shark ». Du coup on met à mal la suspension d’incrédulité au lieu d’exploiter tout un tas de bonnes idées… Je retrouve la désagréable manie de Jean-Luc Istin à s’éparpiller dans tellement de direction différentes voire divergentes qu’on ne sait même plus ce qui est raconté… Donc je préfère prévenir : c’est ici une critique à charge pas très charitable !

Tout commence avec un paquet de gens qui se réveillent amnésiques en pleine jungle. Le premier twist spoile pas mal de trucs puisque nous sommes en présences de naufragés de l’espace qui ne se souviennent plus comment ils y sont arrivés là, voire même comment ils ont quitté la Planète Terre…
– on aurait pu développer le côté exploration et survie, puisque qu’on retrouve tout un tas de gros lézards herbivores et carnivores (remember Le Monde Perdu, les vrais savent)
– on aurait pu développer le côté enquête et thriller, car la dénommé Anderson se souvient qu’elle a été victime mais ne se souvient plus du nom et du visage de son bourreau
La mise en place est centré sur le dénommé Taylor, du coup j’ai mis du temps à piger qu’en fait c’était le dénommé Wilson le narrateur du récit (je pense qu’il y a forcément quelque chose de maladroit à ce niveau-là). Alterner leurs points de vue sans que le lectorat ne sache de qui sont les pensées qu’on lit en phylactères aurait été génial : on est encore au tout début, et cette BD ne va pas arrêter de passer à côté d’excellentes idées…

Tout deuil passe par sept étapes. Du déni à l’acceptation, il peut parfois s’écouler beaucoup de temps… toute une vie n’y suffit pas toujours…

Allez c’est parti pour la ZONE SPOILERS !

On nous explique au début dans une chouette double page, peut-être clin d’œil au film Predators, qu’il y a d’autres groupes de naufragés de l’espace. Leur principale préoccupation aurait été de reprendre contact aux eux, mais c’est pas hasard que nos personnages tombent sur une navette remplie d’aliens morts, avant toujours par hasard de tomber sur une autre navette remplie d’aliens vivants mais eux aussi amnésiques. On aurait pu cultiver l’ambiguïté avec des groupes différents confrontés aux mêmes problèmes, mais n’arrivant pas à communiquer autrement que de manière non-verbale. On aurait pu avoir humains et aliens se soupçonnant mutuellement, avec plein de fausses pistes pour perdre lecteurs et lectrices, tous manipulés par une troisième force. Oui mais non, pourtant c’est un peu ça quand même !

Là on nous refait le bon vieux coup de la tempête, et tout le monde retrouve la mémoire d’un coup. Nos personnages ont fui la Terre après que les Conquérants aient mis la raclée à l’humanité, et en route vers la Planète Tanami ils se sont eux-mêmes pris une raclée par les Ka’ar. Le capitaine Wilson avait décider de se rendre, pour mieux continuer la lutte avec des prisonniers transformés en bombes humaines. Et à la première occasion d’évasion ils ont fait sauter leur vaisseau prison avant que matons et mutins ne se retrouvent sur la Planète Tanami.
On a la clé du mystère en nous disant que c’est les phéromones de la flore locale qui sont responsables de l’amnésie collective. Donc on aurait pu avoir une course pour retrouver la mémoire, pour ne pas perdre à nouveau la mémoire, ou pour empêcher les autres de retrouver la mémoire. Il y avait plein de situation d’action, de tension et d’émotion à mettre en scène mais on a fait le choix du blockbuster hollywoodien…

C’est là que commence le « jump the shark ». Alors sur la planète il y a des symbiotes techno-organiques qui ont se sont emparés du bourreau et de la victime, et c’est très « #meetoo » et « balance ton porc » même si au niveau psychologique des personnages c’est brut de décoffrage. On mélange la Venom Family de Marvel Comics et le film Hidden de Jack Sholder, car l’un des symbiotes est un criminel à la recherche d’un hôte en quête de crime et l’autre un justicier à la recherche d’un hôte en quête de justice. On use la grosse ficelle des mutations, des évolutions et de la régénération infini, du coup j’ai soupiré quand les personnages militaires chevronnés s’enfuient car ils ne parviennent pas à achever le psychopathe de service (la guerre du feu bordel, l’humanité maîtrise le feu depuis l’âge des cavernes).

Et c’est pas fini ! Nouveau plot twist, car les symbiotes ne sont pas des aliens mais des armes de guerre créées par les aliens appelés « Atha’i » pour se venger des aliens appelés « Conquérants ». La Planète Tanami est leur lieu d’expérimentation, mais les créatures ont échappé à leurs créateurs et comptent bien utiliser les humains et les aliens comme hôtes pour échapper à leur prison. Car ils ont été conçu avec cette limitation pour éviter de réitérer l’incident « Berserkers » (Fred Saberhagen, les vrais doivent savoir que James Cameron lui a tout piqué pour réaliser sa saga Terminator). Du coup on passe de la saga Spiderman à la saga Ironman avec des T-Machins avec super armures et super rayons lasers. Non, les nanotechnologies ne peuvent pas transformer la chair et le sang en plaques de titane et en torches à plasma (sauf dans Power Rangers, et encore)… Donc exit les naufragés de l’espace, on ne s’intéresse qu’à trois cyberguerriers qui comme dans la saga Halo ne pensent qu’à zigouiller des aliens (les Ka’ar d’abord, les Conquérants ensuite) : THE END !

 

En bref, ça commençait bien mais le récit ne tient pas ses promesses et n’exploite pas ses potentialités. Comme d’habitude chez les auteurs des éditions Soleil il y a pas mal de références, mais de turbulences scénaristiques en turbulences scénaristiques on n’y perd son latin. Heureusement que les dessins de Zivorad Radivojevic colorisés par Vincent Powell sont réussis. Non seulement l’artiste a bien progressé depuis le tome 1, mais il a tellement progressé que son travail parvient à faire du damage control dans ce tome 7…

 

note : 6-/10

Alfaric

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