Nicolas Jarry & Jean-Luc Istin (scénario)
Kyko Duarte & Bertrand Benoit (dessin)

Conquêtes, tome 6

Adonaï

Bande dessinée, science-fiction
Publiée le 07 octobre 2020 chez Soleil

La flotte russe a atteint Adonaï et découvre qu’une jungle s’étend sur toute la surface de la planète. Après avoir établi une tête de pont, les commissaires lancent une offensive contre les Caméléons, des humanoïdes presque invisibles qui ont mené des raids meurtriers contre les humains. Après des mois de campagne, l’armée s’est enlisée dans une guerre d’usure et les morts se comptent en milliers. Alors, lorsque le sous-lieutenant Orlov et son escouade se retrouvent coupés de leur ligne avec pour seul équipement ce qu’ils portent sur le dos, pour eux, pas d’autre alternative que d’avancer ou de crever…​

Et c’est partie pour une saison 2, et de 5 nous passons à 10 mondes condamnés par la folie des élites autoproclamées. Nous avions laissés les flottes canadiennes et coréennes en train de entre-tuer mutuellement parce que les élites autoproclamées avaient préféré la fin du monde à la fin du capitalisme, en sacrifiant délibérément 85% de la population dans l’espoir de maintenir un peu plus longtemps leurs privilèges de parasites.

Je vais résumer ce 6 intitulé Adonaï consacré aux réfugiés russes en une seule formule : OMG ce n’est pas Avatar + Predator, non mieux encore c’est Platoon dans l’Espâce !!! (J’ai pleuré et vous pleurerez sans doute, donc préparez à l’avance vos mouchoirs, hein !)

Donc l’humanité a joué à « qui a la plus grosse ? » avec les aliens appelés Conquérants, et après avoir pris une grosse raclée elle se résume maintenant à des flottes de réfugiés sillonnant les étoiles. Mais chassez le naturel il revient au galop, et les élites autoproclamées au lieu de remettre en cause leurs mentalités de merde décident de se refaire la cerise en exploitant les faibles et les déshérités qu’ils soient humains ou extraterrestres…

Nous retrouvons donc sur la planète tropicale Adonaï ce qu’il reste de la Russie, avec 1 million d’hommes et de femmes rassemblées à Novaya Moskva, et 1 autre million d’hommes et de femmes toujours en orbite dans les vaisseaux de migrations intersidéraux. Et l’âme slave est mise à la rude épreuve d’une sale guerre, avec des soldats russes coincés entre un peuple pacifique et la faction radicale des « caméléons » qui a décidé de bouter l’envahisseur hors de sa planète quel qu’en soit le prix… Orlov (Chris Taylor ou Alexander Asimov revenu d’entre les morts ? Les vrais savent !) et Stigler (Bob Barnes ou Sylvester Asimov revenu d’entre les morts ? Les vrais savent !) sont les seuls survivants de leur section, et après les avoir promus on leur demande de repartir en enfer avec une nouvelle section :
– l’infirmière Mila Kraievski qui pour échapper à un supérieur hiérarchique adepte du droit de cuissage va effectuer un voyage au cœur des ténèbres
– Najla Tsaatan, jeune mongole en quête de vengeance depuis la mort de son frère aîné
– Tachika Tkatecheko, prostituée parricide devenue soldate de métier
– Tokarev Vasnev, professeur d’histoire et de lettres devenu sniper
– le mystérieux Yuri va jouer du violon et de la kalachnikov
– Boris Volinski, psychopathe expulsé des Gardes Rouges
– Odine Kroutev, un rescapé de la mafia russe
– Pietr Volkov, le légendaire bricolo alcoolo

Dans la jungle le commando d’Alexei Orlov découvre le secret des indigènes Mais il y a toujours un taré intoxiqué par la propagande suprématiste des élites autoproclamées, ou un pauvre bougre infecté par la peur et l’ignorance des élites autoproclamées, et quand ce n’est ni l’un ni l’autre c’est un gars au bout du rouleau atteint de Trouble de Stress Post-Traumatique à cause des élites autoproclamées. La tragédie est inévitable : ce qui aurait pu être un premier pas vers la réconciliation entre les peuples se transforme en bain de sang, et nos enfants perdus doivent cavaler dans la jungle avant de tomber sur les magouilles des élites autoproclamés. Le poids de la vérité est tel qu’il y a fatalement quelqu’un pour craquer, et ils n’ont même pas le temps de choisir entre sauver leur peau et sauver leur peuple. Et le jeu de massacre qui élimine tous les personnages n’est rien par rapport à un épilogue d’une tristesse et d’un désespoir infinis…

Nous autres, les Russes, on a l’héroïsme discret… Jamais vous verrez un héros russe mettre un slip rouge par dessus un pantalon bleu.

ATTENTION SPOILERS Adonaï ne remplissant pas le cahier des charges des élites autoproclamées, c’est donc tout naturellement que bien planquées elles ont organisé le pillage de la planète avant de faire le grand saut vers Vorana jugé plus rentable (en laissant sur place les troufions et les prolétaires devenus inutiles grâce aux i-machins de Bill Gates et Steve Jobs). Mais les élites autoproclamées ne supportent pas l’idée que troufions et prolétaires puissent éventuellement réussir là où elles ont choisi d’échouer parce qu’elles préfèrent la fin du monde à la fin du capitalisme. C’est donc avec minutie qu’elles ont organisés des massacre sur toute la planète pour être sûr que jamais il n’y aura de paix entre les indigènes et les réfugiés qu’ils comptent laisser sur place… Boris Volinski se sacrifie pour ses compagnons (héros ou salaud ? héros et salaud ? nous ne le saurons jamais car le personnage emporte son passé et ses secrets dans le tombe, pour se venger ou pour faire éclater la vérité ça aussi on ne saura jamais), le Sergent Stigler se sacrifie pour Alexei Orlov, et Alexei Orlov ne rejoint la civilisation pour assister à la sa destruction. La plèbe fait la révolution, mais les riches et les puissants préfèrent tuer plus de la moitié de la population à grand coup d’armes de destruction massive plutôt que de lâcher le grisby… Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire, donc les survivants apprendront que le gentil ordre républicain à triomphé des méchants terroristes… FIN SPOILERS

 

Cela aurait pu et aurait dû être un chef-d’œuvre, mais il y a quelques dissonances qu’à mon grand regret je me dois en toute honnêteté de vous signaler. Déjà le tome semble avoir eu une genèse compliquée : changement de synopsis, changement de personnage, changement de couverture, changement de dates de sorties, tout ça pour aboutir à un tome à 8 mais avec 2 scénaristes et 2 dessinateurs. Kyko Duarte est à la conception des dessins et l’infatigable Bertrand Benoit à la réalisation des dessins, mais il y a inégalités voire des hétérogénéités : certaines planches sont très réussies et d’autres beaucoup moins (la faute quantité de petites choses que j’ai la flemme de lister). On met en scène des Russes dans l’Espâce qui semblent issus de la Garde Impérial de Warhammer 40000, mais on voit bien la mise à contribution de toute la culture américaine consacrée à la Guerre du Vietnam (la faute quantité de petites choses que j’ai la flemme de lister). J’aurais d’autres griefs à faire comme Yuri qui n’est introduit à l’instar des autres personnages alors qu’il ressemble bigrement à Tokarev, ou la dissidente Andreï qui semble sortir de nulle avant de repartir dans le grand néant est à la limite du macguffin… Mais tous ces griefs je vais les rattacher à la malédiction du récit trop grand pour les 60 pages d’une seule bande dessinée (Nicolas Jarry, il faut vraiment que tu écrives des romans à nouveau)…

Je vous avais dit que Nicolas Jarry avait converti Jean-Luc Istin à la lutte des classes, mais maintenant je suis obligé de vous dire qu’Olivier Peru a converti Nicolas Jarry et Jean-Luc Istin au « noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir ». D’un autre côté comment espérer avec la ploutocratie mondialisée qui s’acharne à nous préparer un avenir de merde « parce qu’il n’y a pas d’autre alternative », ou avec notre pays condamné à choisir entre des pestes et des choléras ! (la Macronie qui va sans doute réussir l’exploit de faire élire le FHaine, les Rastignac de pseudo-droite et de pseudo-gauche qui rêvent en se rasant, les khmers verts pour qui un bon sapiens est un sapiens mort, et la nébuleuse anarchiste obnubilée par le passé et aveugle quant à l’avenir). Nous devons tous apprendre à vivre comme des frères ou nous allons tous mourir comme des idiots certes, mais que faire quand les élites autoproclamées qui nous dirigent ne raisonnent qu’en termes de supérieurs et d’inférieurs (« ceux qui sont tout et ceux qui ne sont rien ») ? Tout cela va mal finir : si on ne se débarrasse pas de cette saloperie de verticalité on va tous crever, j’en suis désormais intimement persuadé. Mais qui sait, à force de faire des révolutions l’humanité va bien parvenir par en réussir une…


note : 8+/10

Alfaric

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