Hiroki Endo
(scénario & dessin)

Éden, tome 1 :

Prologue

(pour public averti)

Manga, science-fiction / cyberpunk 
Publié en VF en janvier 2004 chez Panini
Publié en VO entre 1997 et 2008 par Kodansha dans Afternoon (« Eden – It’s an Endless World! / エデン イッツアンエンドレスワールド »)

Un mystérieux virus ravage la population humaine, rendant la peau dure comme de la céramique et entraînant la mort. Parmi les survivants : deux enfants (Hana et Enoa), naturellement immunisés, vont se trouver emportés dans la tourmente de la guerre. Le couple va quitter la base et se lancer dans un monde ravagé qui pourtant va commencer à se reconstruire, sous la botte des militaires, après qu’un moyen de bloquer le virus ait été découvert. Une vingtaine d’années plus tard, Elijah, l’enfant du couple, doit à son tour faire face à ce monde désolé et hostile…

La série Éden du mangaka Hiroki Endo a rencontré le succès en Italie et aux États-Unis, mais est passé un peu sous les radars en France. C’est une très bonne idée de la part des éditions Panini de lui redonner une chance avec une version deluxe en 2021 (des tomes doubles en sur-format de qualité auxquels il ne manque que la numérotation des pages)…

Sur la forme Hiroki Endo adopte un style très réaliste qui colle bien à des récits très sérieux et très sombres. Ses personnages sont travaillés et chaque de ses cases pleines de détails. Pour ne rien gâcher le découpage n’est pas en reste, sachant être de bruit et de fureur quand il le faut ou rendant hommage à la célèbre lenteur japonaise quand il le faut aussi… A la limite, on pourrait le qualifier de copycat de Katsuhiro Ōtomo tellement c’est une réussite !

Sur la fond Hiroki Endo emprunte aux enfants prodiges du cyberpunk japonaise : Katsuhiro Ōtomo encore et toujours, mais aussi Masamune Shirow et Yukito Kishiro. Son œuvre est à la fois cyberpunk et post-apocalyptique (donc d’anticipation ?). Car dans un monde ayant survécu à une pandémie grâce aux nouvelles technologies « bio » ou « cyber », on assiste à un choc des civilisations entre occident suprématiste et tiers-monde terroriste, donc entre un pouvoir prônant la ploutocratie et une rébellion adepte de l’anarchie…

– Tu crois que Dieu nous observe avec amour et compassion ou bien qu’il nous méprise ?

J’aurais pu et j’aurais dû m’emballer pour cette série de qualité, mais pourtant le cœur n’y a pas été… Car j’ai trouvé l’ensemble très froid. Pourtant il y a de l’action, de l’émotion, et beaucoup de réflexions pertinentes (l’auteur intelligent et cultivé a une vision du monde très intéressante). Mais il y a quantités de choses qui laissent à désirer, que je vais regrouper en trois thèmes :

* La narration est laconique. Au bout de quatre tomes, impossible de savoir ce que raconte le manga. Les personnages ne disent rien ou presque, à part leurs dialogues et leurs monologues philosophiques, donc impossible d’identifier les tenants et les aboutissants de l’intrigue. C’est grâce aux internautes qui sont allés au bout de la série qu’on arrive à comprendre le schmilblick que n’arrive pas à nous exposer l’auteur qui ne fait pas grand-chose pour se rendre accessible lui, son histoire et ses personnages… Parce qu’il y a un vrai univers avec de vrais enjeux, mais on ne nous les expose pas, donc il y a quantités de passages où on ne comprend pas tout (voire rien du tout) !

* OK l’auteur veut nous balancer à la figure toute la misère et toute la violence du monde, car toutes les atrocités vécues par les personnages se réalisent en ce moment quelque part IRL… Mais je trouve qu’on se vautre un peu trop facilement dans la violence morale, physique et psychologique. On passe constamment des games of thrones de la délinquance d’en haut à la loi de la jungle de la délinquance d’en bas, où tout n’est que mafia, drogue et prostitution… En plus bourreaux ou victimes on a n’a quasiment que des personnages névrosés, alors les voire balancer de grandes réflexions philosophiques entre deux boucheries, c’est contre-productif ! Et tous ces gens mutilés et déchiquetés, tous ces membres tranchés qui volent dans tous les sens, toutes ces tripes et tous ces viscères qui se répandent partout, était-ce vraiment nécessaire ? On pourrait raconter exactement la même chose sans ce fétichisme pour le gore…

* Et on retrouve quand même la mauvaise habitude de la SF japonaise à faire de la métaphysique (mauvais habitude qu’on retrouve peu ou prou chez tous les auteurs intello). Grosso modo si le monde est insatisfaisant, c’est parce que dieu n’a pas fait correctement son boulot. Donc il faut créer un nouveau dieu qui lui sera capable de créer un nouveau monde. Et bien sûr tout cela ce fait sur fond de transhumanisme et de post-humanité telles que les prophétisent à leur profit les milliardaires comme Bill Gates, Mark Zukerberg, Peter Thiel ou le nabab apatride Elon Musk. A quoi ça sert d’être intelligent et cultivé si c’est juste pour être misanthrope ?

 

Dans ce tome 1 tout commence sur une île dans l’Océan Pacifique, où les adolescents Enoa Ballard et Hana Meyol se prennent pour Adam et Eve dans le pseudo-jardin d’Eden, sous la houlette de Morris Rain survivant du monde d’avant cloué en fauteuil roulant. Débarque alors un commando du Propater, privatisation de l’ONU placée sous consortium anglo-saxon. Il est dirigé par Chris Ballade le père d’Enoa et cela déclenche un droit de quota de flashbacks…
Car le pseudo-jardin d’Eden était un « safe space » de la ploutocratie mondialisée où était rassemblés les gens naturellement immunisés à une pandémie qui menaçait l’humanité. Et que ce pseudo-jardin d’Éden placé sous la direction de Chris Ballard et Morris Rain a été anéanti par un fanatique religieux persuadé qu’il fallait accomplir coûte que coûte le châtiment divin (la plaie soit de la religion, cette béquille traître des âmes boiteuses). Par égotisme Morris Rain est passé de gay humaniste très « amour de son prochain » à gay misanthrope très « colère de dieu », et il a élevé ses protégés dans une religiosité chelou dont il était le prophète (que voilà un détestable personnage, on n’est qu’au prologue du tome 1 !). Par un caprice du destin le droïde de combat responsable de perte du paradis réalise un nouveau carnage, et sans le savoir le fils tue le père (il y avait tellement à faire avec cet émule de Jason et Œdipe, mais visiblement le mangaka connaît la mythologie chrétienne mais pas la mythologie païenne)…

Sans aucune transition on enchaîne vingt ans plus tard avec un adolescent qui avec son droïde de combat déambule au milieu de villes et de campagnes dépeuplées par les ravages de la pandémie. Entre pratiques survivalistes et réflexions métaphysiques, ledit adolescent qui est Elijah Ballard (on l’apprendra plus tard, c’est encore plus tard qu’on apprendra qu’il est en fugue et en cavale après une tentative d’assassinat) tombe sur un commando de « combattants de la liberté » (on apprendra plus tard qu’il s’agit du Nomad, et c’est encore plus tard qu’on apprendra ce qu’est le Nomad)… To Be Continued…

note : 7/10

Alfaric

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