Kenzaburo Akechi (scénario)
Yutaka Todo (dessin)

L’Homme qui a tué Nobunaga, tome 4

Manga, histoire / XVIe siècle
Publié en VF le 18 août 2021 chez Delcourt / Tonkam
Publié en VO en 2016 par Akita Shoten dans Young Champion (« Nobunaga wo Koroshita Otoko – Honnouji no Hen, 431-nenme no Shinjitsu / 信長を殺した男 ~本能寺の変 431年目の真実 »)

Oda Nobunaga poursuit sa voie impitoyable vers l’hégémonie. Obsédé par les résultats et désireux d’abandonner le passé derrière lui. Parvenue au paroxysme de sa puissance. Son attaque marque l’apogée e la période Sengoku. Néanmoins un certain projet risque bien de conduire rapidement à une crise sans précédent.​

​C’est passionnant, mais il faut suffisamment connaître la période du Sengoku Jidai pour s’y retrouver et apprécier cette excellente série à sa juste valeur. Chacun a son point de vue, et il y a sa version, la version d’autrui et la Vérité. Mais bien malin celui qui peut y accéder ! En fonction de sa vision chaque historien ou chaque auteur transforme untel ou untel en héros ou en salaud, en tyran ou en libérateur, en conservateur ou en réformateur… Et ici en voulant démystifier l’Histoire, n’est-on pas en train de nous mystifier une fois de plus ? Car mine de rien, est en train de nous refaire l’Affaire Seznec à la puissance 1000 !!!

 

Le fossé se creuse entre l’idéaliste Mitsuhide qui suit les principes altruistes de Confucius, et qui dit toujours la vérité parce qu’il privilégie le bien commun, et le pragmatique Hideyoshi qui suit les principes égoïstes de Han Fei Zi, et qui dit toujours des mensonges parce qu’il privilégie ses intérêts particuliers. L’un et l’autre sont les vassaux d’Oda Nobunaga, qui pris au piège du syndrome du conquérant suit la voie de son modèle chinois en mettant en place le management de la terreur, qui ne mène à rien à part la ruine du genre humain (mais pourtant usités par les grandes firmes du monde entier avec les résultats que l’on sait, parce le pouvoir corrompt et parce que le pouvoir absolu corrompt absolument : remember l’Anneau Unique)…

Donc dans les « hiérarchies » il y a toujours des gens malfaisants qu’on laisse faire parce qu’ils sont « efficaces », et plus il y a de pouvoir et de verticalité et plus on les laisse faire. Ici après avoir faire mourir de faim les habitant de Miki, ce qui a horrifié tout le Japon, Hideyoshi fait mourir de renutrition forcée les habitants de Tottori qui pensait échapper au sort des « Affamés de Micki », ce qui a horrifié le Japon tout entier… Mais le conquérant récompense le monstre et lui octroi encore plus de pouvoir et d’influence, parce qu’il obtient des « résultats » (en sachant que c’est son subordonné qui veut devenir calife à la place du calife a lui-même créé le « problème » qu’il devait « résoudre »)…

Désirer est chose qui s’épanouit lorsque l’on souhaite bien fort ce qui nous manque…

Je me faisais la réflexion que l’auteur pointait du doigt le gros malaise qu’il y a au Japon à propos de l’introduction et de la diffusion des méthodes de « Jack Neutron » au pays des traditions. Mais je suis tombé sur une page où l’auteur lui-même crache à la gueule de l’hypercapitalisme ultralibéral…
Le conquérant récompense les sujets loyaux et punit les sujets déloyaux, en utilisant son pardon comme marge de manœuvre. Mais comme d’habitude, on a ensuite à un conquérant qui se met à croire que sa chance est due à son talent alors qu’il y a 99% de perdants et 1% de gagnants. Du coup on retombe dans la maxime « l’appétit vient en mangeant », avec l’ambition qui nourrit l’ambition, et l’avidité qui nourrit l’avidité. Sincère ou hypocrite, Oda Nobunaga a vendu la guerre civile à ses partisans comme un moyen d’unifier le Japon pour mettre fin à la guerre, mais pour lui être le maître du Pays du Soleil Levant n’est pas à la hauteur de son ego d’enfant pourri-gâté. Il veut donc devenir le maître du monde, et ses victimes désignées sont la Chine et le Corée, quitte à plonger en enfer son peuple tout entier…

Donc « le roi démon » veut passer la vitesse supérieure quitte à tout chambouler dans son propre camp, qui continue de se battre avec le Clan Mori à l’Ouest et le Clan Takeda à l’Est. C’est donc tout naturellement qu’il passe de la méritocratie à l’ordurocratie : la fin aussi minable soit-elle justifie tous les moyens aussi dégueulasses soient-ils. Dans ce système complètement inhumain bien qu’usité par des gens qui se prétendent humains, ceux qui obtiennent des « résultats » sont loués, et ceux qui n’obtiennent pas des « résultats » sont éliminés sont pitié. C’est la fameuse « efficience » de la novlangue managériale, qui a développé à outrage les usines à gaz pour justifier son existence alors que les spécialistes en management ne servent à rien du tout.

On aboutit rapidement au « dégraissage », appelé « cost-kill » en anglais, une pratique de merde acclamé par la ploutocratie mondialisée quoi pourrit les sociétés du monde entier depuis l’avènement de l’idéologie criminelle des « Chicago Boys ». Cette dernière relève de l’imposture : les crevards rêvent de pays sans habitants qui rapportent quand même de l’argent, avec des entreprises sans employés qui rapportent quand même du chiffre d’affaire donc des bénéfices (mieux encore des bénéfices sans chiffre d’affaire : c’est le financiarisme). Ils sont tellement cons que cela pourrait en devenir merveilleux donc on continue de servir la soupe à ceux qui sont suffisamment « tueurs » pour atteindre leurs « objectifs » (que je hais la novlangue managériale, et tant pis si j’offusque des « managers »)…

note : 8+/10

Alfaric

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