Wyctor (scénario)
Bruno Dumézil (historienne)
Paolo Martinello (dessin)

Ils ont fait l’Histoire,

Clovis

Bande dessinée, histoire / antiquité / moyen-âge
Publiée le 10 novembre 2021 chez Glénat

Du personnage historique de Clovis, né vers 465 et mort en 511, on ne connaît que quelques tranches d’Histoire qui nous sont parvenus, porteuses d’une très forte charge symbolique. Clovis est un souvenir. Un souvenir réactivé dès le VIe siècle par Grégoire de Tours, pour convoquer le grand homme, un roi des Francs parmi d’autres qui unifia par les armes et la ruse un territoire grand comme la France. Un roi païen qui eut l’intelligence politique d’un baptême, choisit Paris comme capitale et fonda une dynastie.

​Selon l’adage consacrée, la France est la fille aînée de l’Église. Dans le roman national, Clovis est bien sûr son père !

Pas facile de résumer toute la vie d’un homme en moins de 48 pages. D’autant qu’on sait très peu de choses sur Clovis, qui n’a laissé qu’un seul document écrit de sa main. L’essentiel on le tient de l’hagiographie réalisée par Grégoire de Tours à la fin du VIe siècle après J.-C. soit presque un siècle après les faits. On n’a si peu de sources que même les lieux et les dates des événements sont sujets à caution… Heureusement que les sources matériels fournies par l’archéologie nous permet de dresser un tableau de l’ascension du roi des Francs sur son propre peuple, et de son peuple sur l’Europe de l’Ouest.

Le scénariste Wyctor que je découvre avec vous a fait le choix de la simplicité. Clovis vient de mourir, et il a décidé d’être enterré à Paris aux côtés de Sainte Geneviève qui lui avait fait grande impression lors de leur rencontre. Nous sommes presque dans une pièce de théâtre avec trois personnages qui en discutant entre eux nous retrace les heurs et malheurs du roi des Francs : la reine Clothilde, l’évêque de Reims Rémi, et le personnage fictif de Mundéric qui représente les « leudes », les compagnons d’armes du roi…

Les funérailles païennes de Chidéric, l’affaire du Vase de Soissons, la guerre avec Syagrius, sa conversion sur le champ de bataille contre les Alamans et son baptême à Reims sont parfois des étapes vers la gloire, parfois des non événements voire des faux événements fabriqués de toutes pièces. Tous les rois germains qui se sont installés en Europe de l’Ouest, et Catholiques comme Ariens veulent l’assentiment et l’alliance de Byzance, la superpuissance de l’époque. Et Clovis qui lorgne sur le Sud de la Loire trouve à qui parler avec Théodoric le roi ostrogoth qui entend bien gouverner l’Europe à travers une confédération familiale. C’est amusant que Clovis va parvenir au même résultat avec les mêmes méthodes, mais avant cela il va falloir se farcir Alaric le roi wisigoth.

C’est aux actes qu’on juge l’homme.

Clovis n’a pu tirer les fruits de sa victoire sur les Alamans en fuite protégés par Théodoric. Comme César s’immisçant dans les affaires gauloises, il va s’introduire dans la guerre civile burgonde pour y gagner une allié, Gontran, et une seconde épouse, Clothilde sa nièce. Et c’est reparti pour un tour : tandis que Gontran assiège Arles pour empêcher Théodoric de venir au secours d’Alaric, Clovis traverse la Loire pour marcher sur Toulouse… Maître des Gaules après la Bataille de Vouillé, le nombre d’évêques ralliant sa cause est inversement proportionnel au nombre de cousin rencontrant de tragiques accidents de chasse ou d’omelettes aux champignons… Thierry fils aîné de Clovis issu d’un premier lit trouve un arrangement avec Clothilde et ses trois fils : ils vont chacun apporter leur pièce à l’édifice du « regnum francorum » dont ils vont doubler la superficie en une seule génération ! Ainsi naît le « Frankistan » !!!

Wyctor parvient à tout faire rentrer dans le format imposé. Et il le fait en évitant les écueils du roman national ou de l’hypercriticisme (malheureusement de plus en plus souvent d’origine gauchiste, infiltration wokiste des universités oblige). D’ailleurs pour un récit d’hommes, les deux principaux personnages sont féminins, donc quand des Titiou Lecoq viennent nous expliquer que les femmes sont aujourd’hui exclue des livres d’histoire c’est qu’elle ne doit pas en lire beaucoup, et qu’elle ferait mieux de le faire au mieux de régurgiter sa soupe woke made in USA…

Véritable homme protée, le travail de Paolo Martinello est ici incroyablement « sage ». A la fois froid et bouillant, Clovis est impénétrable bien qu’habité par le poids de sa propre destinée. Tout lui paraît égal, mais il semble ne rien laisser au hasard jusque dans les plus petits détails. Les dessins sont plus réalistes, les couleurs plus froides, mais de temps en temps vient le bruit et la fureur et dans ces moments ça déchire grave ! (il ferait un duo du tonnerre avec notre Ronan Toulhoat national).

Les appendices de Bruno Dumézil, professeur à la Sorbonne Université et l’École polytechnique sont autrement plus intéressants et instructifs que les blablas de Luc Ferry dans la collection La Sagesse des Mythes

note : 8/10

Alfaric

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