Mathieu Gabella (scénario)
Etienne Anheim & Valérie Theis (historiens)
Mickaël Malatini (dessin)

Ils ont fait l’Histoire,

Philippe Auguste

Bande dessinée, histoire / moyen-âge
Publiée le 21 novembre 2018 chez Glénat

À sa naissance en 1165, Philippe II est accueilli comme un véritable miracle par son père Louis VII déjà âgé de 45 ans. En grandissant, il apprend ce qui structure le rôle d’un roi : le système féodal et l’idéal chevaleresque. Mais il découvre également les rapports ambigus faits de respects et de défis qu’entretient son père avec Henri II, roi d’Angleterre et d’Aquitaine. À son accession au pouvoir, dès l’âge de 15 ans, il entreprend de réformer en profondeur le royaume mettant fin à l’époque féodale tandis que perdure La rivalité avec le souverain anglais. D’autant que Philippe surnommé « Auguste » découvre avec le fils d’Henri II un adversaire de choix : le célèbre Richard Ier, héros des Croisades, surnommé « Cœur de Lion ».

Après Philippe le Bel et Saint Louis, la collection IIs ont fait l’Histoire revient aux « Rois qui ont fait la France » avec la figure de Philippe Auguste. Évidemment on est loin du roman national des historiens de garde, et une fois de plus les auteurs déconstruisent le mythe pour nous mieux dévoiler un homme et son âme…
Si Louis VII avait été élevé pour consacrer sa vie au Royaume de Dieu, Philippe II a été élevé pour consacrer sa vie au Royaume de France : enfant gâté, adolescent impatient, roi imprudent, le challenger des Plantagenêts a eu le temps de changer pour passer du « valet mal peigné » à l’auguste souverain. En divorçant du roi de France pour épouser le roi d’Angleterre une génération avant, Aliénor d’Aquitaine a jeté de l’huile sur le feu des relations franco-anglaises : il soutient Richard, Geoffroy et Jean contre leur père Henri II, puis il soutient Jean contre son frère Richard, puis Arthur contre oncle Jean. Et force est de constater que la confrontation fut longue entre Auguste et Cœur de Lion, le deuxième entraînant le premier dans les aventures des croisades et ce dernier qui a finalement a toujours vécu à l’ombre de sa gloire s’en empresser d’ajouter la honte au déshonneur en le plantant sur place pour conquérir ses terres en son absence…

On ne peut pas aller plus vite que les hommes.

Le roman national a fait de Philippe Auguste un roi guerrier, un grand réformateur, un fin calculateur et un administrateur hors-pair qui aurait planifié de main de maître le destin de la France. Il en est ici tout autrement car il est impétueux au point de plusieurs fois manquer de tout perdre sur un de ses nombreux coups de tête / coups de sang, en voulant diviser pour régner il est pris au piège de ses propres machinations par retour de bâton (en m’alliant avec la Flandre je déclare la guerre à la Champagne, et en me réconciliant avec la Champagne je déclare la guerre à la Flandre), à de multiples occasions il est obligé de raviser car ses décisions sont improductives voire dangereuses, et il a foutu le gros bordel dans son pays et dans sa famille en répudiant pour des raisons encore inconnues l’épouse qu’il avait mis très longtemps à choisir parmi tous les partis d’Europe (la mystérieuse affaire Ingeburge de Danemark)… Tout aurait pu très mal tourner, mais il survit à son meilleur ennemi, celui qui le remplace brille par son incompétence, les matadors flamands ne cessent de se tirer dans les pattes, et l’empereur allemand est tellement lâche qu’une escarmouche heureuse devient la bataille épique du Dimanche de Bouvines ! C’est le fil conducteur du tome : les chroniqueurs rivalisent d’emphase et d’imagination pour chanter les louanges de la Fille Aînée de l’Eglise et de son royal protecteur. Le personnage n’est pas dupe et prend tout cela avec autodérision et deuxième degré, ce qui rend particulièrement plaisant les dialogues de Mathieu Gabella. Il y a ainsi la mise en valeurs de moments clés que le roman national a oublié : le calvaire du Siège d’Acre en 1191 où il perdit ses illusions, ses cheveux et un œil, le Siège de Gisors en 1198 qui ouvre cet album où dans une fuite éperdue suivant un assaut aussi précipité que mal préparé il faillit se noyer dans une rivière, la chance qui change de camp quand la mort de Jean sans Terre empêche son fils de conquérir l’Angleterre, ou ce passage où il ne prend au sérieux son petit-fils qui affirme haut et fort qu’il fera mieux que lui (il s’agit du futur Saint Louis).

Pour en rien gâcher les graphismes de Mickael Malatini colorisés Arancia Studio sont très sympas et collent bien au sujet, avec quelque fulgurances qui laissent entrevoir de belles promesses pour le suite de sa carrière, et les appendices intéressants réalisés conjointement par Etienne Anheim directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et Valérie Théis professeure d’histoire médiévale à l’Ecole normale supérieure de Paris. Après j’en attendais plus et j’ai eu l’impression qu’il manquait un truc pour être dans le dépassement de fonction, mais pouvait-on faire mieux en 48 pages ?

PS : qu’est-ce que c’est que cette pastille jaune rouge sur la tranche qui indique une œuvre consacrée à l’époque contemporaine au lieu d’un œuvre consacrée à l’époque médiévale ?

note : 7,5/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

 
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