Liz Williams

L’Inspecteur Zhen

Tome 1 :

La Traite des âmes

Roman, fantastique / uchronie
Publié en VF le 20 mai 2014 chez L’Atalante
Publié en VO en septembre 2005 (« Snake Agent »)

L’âme de la jeune Perle Dang, fille d’un riche industriel de la Concession de Singapour Trois, morte à l’âge de quatorze ans, n’est jamais arrivée aux portes du ciel qui lui était promis. Une photographie spectrale révèle qu’elle se trouverait quelque part dans la zone portuaire de l’enfer. Détournement ? Par qui ? Pour quoi? Une enquête s’impose. Une enquête confiée à l’inspecteur principal Zhen Wei du 13e commissariat, en charge des affaires relevant du mystique et du surnaturel. Si nécessaire, son domaine d’investigation s’étend jusqu’au monde des démons. Ce qui tombe assez bien car la recherche de Perle le conduira vers des abîmes qu’il n’a jamais explorés. Et lui qui doit déjà composer avec la méfiance de ses collègues, la froideur d’une déesse tutélaire qu’il a offensée et les envies d’escapade d’une épouse enlevée à l’enfer, voici qu’on lui adjoint un homologue démon du bureau du Vice, le sénéchal Ju Yirj. Il faut dire que se dessine l’image d’un complot où tremperait le ministère infernal des Épidémies et dont les enjeux dépassent tout ce qu’on soupçonnait.

Ah ça on sent bien qu’on est dans la SFFF anglaise de Michael Moorcock, Terry Pratchett, Simon R. Green, Jon Courtenay Grimwood, Neil Gaiman, China Miéville, Richard Morgan, Neal Asher… C’est cool, c’est fun, c’est référencé et furieusement Série B ! Dans le donjon d’un alchimiste infernal, un flic humain et un flic démon en bien mauvaise posture doivent coopérer pour survivre : comment en est-on arrivé là ? Lancez le générique !

Dans ce tome 1 de la série intitulé La Traite des âmes, nous suivons l’inspecteur Zhen Wei âgé de 43 ans qui doit veiller à l’équilibre sur Terre des forces du Ciel et des Enfers, qui elles mêmes tentent cherche un équilibre entre les différentes Ministères des Calamités et les différentes Bureaux des Miracles (notez bien que l’infernal Ministère des Finances a clairement le vent en poupe : la SFFF anglaise est toujours en croisade comme cette saloperie de thatchérisme). En gros, on a un mélange de John Constantine et de Chow Yun-Fat dans un mélange des Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin et de L’Arme fatale, sur fond de version asiatique de In Nomine Satanis /Magna Veritas (ou de la version asiatique de Supernatural pour ceux qui n’ont pas connu la belle époque du jdr français)… Quel réjouissant programme qui pioche de chouette manière dans les mythes et légendes d’Extrême-Orient ! (comme le garde du corps d’Inari qui s’avère être une bouilloire-blaireau)
Mais nous sommes également dans un buddy movie vu que le héros doit faire équipe avec le démon Zuo, voir dans un dans un Double Détente inversé, puisque le Sénéchal Ju Yirj de la Brigade du Vice débarque dans le monde des mortels pour en découvrir non les maux mais les vertus…
Versions urban fantasy de la traite des blanches, du trafic de drogues, du trafic d’armes et puis au final d’un monstrueux complot dans lequel des apprentis maître du monde qui veulent utiliser une Arme de Destruction Massive dans un attentat terroriste (c’est dans le 4e de couverture)… Ah ça, on sent bien le pitch d’un serial telévisé, d’un action movie ou d’un bon vieux Hollywood Night ! Et le héros doit sauver autant le monde que son épouse démone quarteronne pourchassée à la fois par les chasseurs d’horreurs du gouvernement de la République Populaire de Chine et les terribles agents spéciaux des rois des enfers…

– Je croyais que les démons aimaient le sang.
– C’est comme les humains et le chocolat : certains aiment ça, d’autres non ; et, de toute manière, en trop grand quantité ça rend malade.

Par contre pourquoi placer le récit dans un univers uchronique si c’est pour ne pas l’exploiter… Oui le Texas a fait sécession, oui l’Asie Centrale unifiée par le Turkestan est en rivalité avec la Chine, oui les Ruscofs sont englués dans le bourbier daghestanais, mais au bout de 400 pages on ne sait pas où est et ce qu’est Singapour 3 ! (après recherches sur le Net, j’ai cru comprendre qu’il s’agissait peut-être d’une concession localisée dans la mégapole de Shanghai, mais vu qu’on ne sait rien de Singapour 1 et 2 rien n’est moins sûr, et pour ne rien gâcher l’auteure nous balance l’existence de Singapour 4, 5 et 6 juste pour le plaisir sans aucune explication sur le schmilblick… soupirs)

Par contre pourquoi placer le récit sous le signe du cyberpunk si c’est pour ne pas l’exploiter… Oui, on a des ordinateurs liquides sur se déverse sur n’importe quelle surface, des nanotechnologies en veux-tu en voilà et des jeunes gens qui sont branchés sur la Matrice pour servir de data center pour un temps contre argent mais qu’est-ce que cela amène au final ? (à part un twist entre Neuromancien et Matrix ?)

Et puis tout le monde traficote le plus naturellement du monde avec les forces du Ciel et/ou des Enfers qui communiquent constamment par mail avec leurs partenaires et leurs subordonnés humains… Au final personne ne s’étonne de quoi que se soit, et cela démystifie complètement le côté fantastique avec ses démons et ses merveilles : ce parti-pris ne m’a pas emballé, mais c’est le choix de l’auteure et je m’y suis donc résolu…
Chacun avance de son côté, et une fois que les pions sont en place, le rythme de l’histoire devient très inégal avec le POV des investigations infernales de Zhen et Zuo, celui plus court d’Inari en cavale dans les abysses qui traîne la patte avant d’avancer à grands coups de deus ex machina et de « c’est trop compliqué, je t’expliquerai plus tard », et celui si court qu’il joue le rôle d’interlude des investigations du sergent Ma et de Nuo Ro Shi le superflic de Beijing. Et malheureusement le dénouement est plutôt plat après toutes les péripéties pulpiennes amenées par l’auteur :
ATTENTION SPOILERS les deux flics emprisonnés par les méchants se libèrent, buttent le sbire en un coup, prennent la tangente, tombe sur le grand lieutenant ennemi et le butte en un coup, tombe sur son arme terrible et la balance dans la base ennemie… Poursuite du Big Boss ennemi qui s’est enfuit sur Terre et deus ex machina des familles avec twist qu’on a venu venir depuis le départ… Tout ça pour ça ??? FIN SPOILERS

Je suis resté un peu sur ma faim, surtout après le très bon 81 Frères du frenchy Romain d’Huissier, mais j’ai vraiment envie de revenir faire un tour dans l’univers asiatique urban fantasy de l’auteure, vraiment cool et fun, voire carrément barré et déjanté… Oui mais non, à tort ou à raison l’éditeur VF a décidé de faire l’impasse sur la série qui compte actuellement 6 tomes en VO, d’ailleurs il est peu probable qu’il ait cru en elle car elle ne précise même pas qu’il s’agit d’un tome 1 !

note : 6/10

Alfaric

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