Gou Tanabe
(scénario & dessin)
d’après H.P. Lovecraft

Les chefs-d’oeuvre de Lovecraft :

Les Montagnes hallucinées

1ère partie

Manga, horreur / science-fiction
Publié en VF le 04 octobre 2018 chez Ki-oon
Publié en VO en 2018 par Enterbrain chez Comic Beam

En 1931, une expédition de sauvetage découvre le campement en ruines du Professeur Lake, parti explorer l’Antarctique quelques mois plus tôt. Son équipe de scientifiques avait envoyé un message annonçant une découverte extraordinaire avant de sombrer dans le silence… Sur place, des squelettes humains dépouillés de leur chair laissent imaginer les scènes d’horreur qui ont pu se dérouler. Plus perturbantes encore : les immenses montagnes noires aux pics acérés au pied desquelles le Professeur Lake et ses compagnons ont rendu l’âme… Ces terres désolées semblent cacher de terribles secrets. Gare aux imprudents qui oseraient s’y aventurer !

Comme vous le savez l’intertextualité est mon dada donc je suis obligé d’écrire que tout commence en 1838, quand Edgar Allan Poe surprend tout le monde en publiant Les Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket, une histoire inachevée racontant une exploration polaire aux frontières du réel : c’est un choc culturel qui marque Jules Verne, Jorge Luis Borges, Gaston Bachelard et Howard Phillips Lovecraft… Le Maître de Providence qui a révolutionné le genre fantastique reprend et transcende le récit d’origine pour le transposer dans son propre imaginaire horrifique : c’est un nouveau choc culturel qui inspire John W. Campbell, Christian Nyby, John Carpenter et Gô Nagai…

Le récit d’HPL se veut une suite directe de celui d’EAP, mais les variations sur le thème sont désormais tellement nombreuses qu’il faut bien connaître toute les œuvres concernées pour identifier les apports de tel ou tel auteur dans les nouvelles versions de ce qu’il faut bien appeler un Mythe (et ici malgré tous les codes du récit d’exploration à l’ancienne, impossible de ne pas être plonger dans le film d’horreur moderne de John Carpenter) : l’homme qui confronté à l’inconnu se retrouve confronté à lui-même ! Et dans Les Montagnes hallucinées c’est loin du soutien et du réconfort de la civilisation qu’en 1931 des pionniers à la fois aventuriers et intellectuels, quelque part les meilleurs des leurs, découvrent dans la douleur que l’homme est immensément loin d’être la mesure de toutes choses, qu’il n’a pas été crée par Dieu à son image et placé au centre d’un univers créé pour son bon plaisir, non face à l’immensité du temps et de l’espace ils ne sont qu’une espèce parmi d’autres et que l’humanité est loin d’être la plus évoluée ou même la plus dangereuse ! A l’image des Martiens de H.G. Wells qui faisaient subir aux Anglais ce que les Anglais avaient fait subir aux Aborigènes d’Océanie, les Choses Très Anciennes d’Antarctique font subir aux Américains que ce que les Américain ont fait subir à leurs découvertes : des tests, des expériences, des dissections et des vivisections… Mais HPL va plus loin encore en s’inspirant du Mythe de Frankenstein avec des êtres antédiluviens à la fois bourreaux et victimes : tout pouvoir rencontre un jour un pouvoir plus grand encore, et en jouant aux apprentis sorciers les Choses Très Anciennes ont donné vie aux créatures qui allaient anéantir leur civilisation toute entière…

– Par nature, la science est toujours incomplète… Elle progresse au fil des nouvelles découvertes… Il est certain que l’exploration du continent Antarctique permettra de grandes avancées ! Messieurs, notre travail fera date dans l’histoire de l’humanité ! Mais cela n’ira pas sans difficultés… Bien des dangers nous attendent, alors tenez-vous prêts !

Après les médiocres romans graphiques d’Ian Culbard, les mangas de Gou Tanabe sont un véritable retour aux sources du mythe : le Japon est un terre de prédilection pour la culture horrifique, et le mangaka très discret semble s’être spécialisé dans les adaptations de qualité de classiques du genre.

Nous sommes dans l’entre-deux-guerres, et les expéditions se succèdent vers le Pôle Sud pour combler sur le continent blanc les derniers blancs des cartes du monde… Nous suivons celle de l’Université Miskatonic du Massachusetts, financée par la fondation Nathaniel Derby Pickman, Quatre professeurs seize, étudiants diplômés, leurs assistants et cinquante cinq chiens qui partent avec deux bateaux et quatre avions. Tout se passe bien, et après avoir établi leur base sur les pentes du volcan Erebus l’équipe du Professeur Lake s’envole pour découvrir un chaîne de montagnes noires, et à l’intérieur des cavernes de celles-ci les reliques de formes de vie inconnues jusqu’à ce jour propres à bouleverser l’Histoire de la Terre ! La découverte aurait eu le même retentissement sur la biologie que les découvertes d’Einstein en avaient eu sur les mathématiques et la physique, si elles ne correspondaient pas à d’inquiétants mythes archéens qui finissent par revenir à la vie…

Ce tome 1 de 300 pages est non seulement très fidèle mais aussi très bien dessiné : malgré les dialogues et les monologues, le premier personnage du récit est l’ambiance lourde et pesante qu’on ne voit même pas s’installer tellement la transition de l’aventure à l’horreur est insidieuse : le silence du continent blanc devient étouffant, on sent le froid mordre, on entend le vent hurler, et la peur, l’angoisse, l’indicible et l’innommable arrivent à grands pas ! C’est vraiment du bon boulot, et je peux à peine regretter un charadesign un peu froid, et un phylactère indiquant plein nord alors qu’on se dirige vers le pôle sud… et pour ne rien gâcher les éditions Ki-oon nous offre une version en grand format reliée cuir (qu’on aurait peut-être pu/dû sortir en 1 seul tome) ! A lire et à relire pour les amateurs d’horreur en compagnie des musiques d’Ennio Morricone composées pour le film culte de John Carpenter…

note : 9/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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