Mathieu Mariolle (scénario)
Guénaël Grabowski (dessin)
d’après Rudyard Kipling et Jules Verne

Nautilus, tome 1 : Le Théâtre des ombres

Bande dessinée, espionnage / science-fiction 
Publiée le 19 mai 2021 chez Glénat

Kimball O’Hara est un agent des services secrets britanniques au destin bouleversé un soir de l’année 1899 à Bombay. La filature d’un agent russe l’a mené sur un paquebot du gouvernement anglais qui sera victime d’un attentat quelques instants après son arrivée. Dans le chaos général, il est désigné coupable du drame. Pour prouver son innocence, désamorcer les tensions diplomatiques et espérer un jour revoir son fils, Kim va devoir récupérer des documents secrets restés dans l’épave du bateau tombée au fond de la baie. Malheureusement, aucun homme n’est capable de s’enfoncer aussi profondément dans les fonds marins. Aucun, sauf peut-être un seul, son nom est Némo. Fuyant les autorités indiennes, Kim se met en quête de ce personnage légendaire à qui appartient le sous-marin le plus performant de tous les temps, le nautilus.

J’adore ce que fait Mathieu Mariolle (en dehors de ses piges pour Foot 2 Rue et PSG Academy, mais il faut bien de tout pour faire un monde). Ici il nous livre un projet personnel qui a mûri pendant plus d’une décennie : marier le meilleur de la littérature populaire dixneuvièmiste anglaise et le meilleur de la littérature populaire dixneuvièmiste française…

Nous retrouvons en Inde un Kimball O’Hara plus que jamais pris au piège du Grand Jeu, à savoir la partie d’échec qui se joue entre le « sea power » de l’Empire britannique et le « land power » de l’Empire russe (plus les choses changent et plus elles sont les mêmes au vu des guéguerres sans fin aussi débiles que stériles qui ont lieu entre les forces de l’Otan aux ordres des États-Unis et le régime poutinien qui ne peut compter que sur lui-même)…

En voulant démasquer un agent double œuvrant pour le compte de la Russie, il tombe dans un piège visant à faire de lui le bouc-émissaire du déclenchement de la WWI ! Dès le départ il pris en tenaille entre la dénommée Jaya une intime connaissance qui veut lui faire la peau et son mentor le Colonel Creighton qui veut le protéger. Pour se disculper, son seul espoir est de récupérer des documents qui ont coulé au fond de la mer, et seules les technologie du Capitaine Nemo pourraient lui permettre d’y accéder. C’est ainsi que Kim use et abuse de tous les trucs et astuces des services secrets pour infiltrer une prison de l’oubli russe (autant en mode Château d’If qu’en mode Grande Illusion) pour délivrer un prisonnier sans nom qui ne rêve que de revanche sur les courtiers du chaos et les rentiers du néant…

La vérité est toujours écrite par les vainqueurs…

Mathieu Mariolle utilise le récit d’espionnage pour passer de Rudyard Kipling à Jules Verne. Mais bon sang ne saurait mentir et apparaissent bien vite les héritages de Jack London et d’Alexandre Dumas. Tous ces auteurs sont méprisés par les élites autoproclamées, donc relégués au rang de « littérature jeunesse » parce qu’ils parlent au peuple jugé irrémédiablement teubé et non au petit monde des gens l’entre-qu’eux persuadés que le monde autour d’eux…

En postface Mathieu Mariolle explique très bien la caractérisation de ces personnages, mais quand on a déjà lu ses autres œuvres on n’est aucunement surpris par la richesse de sa démarche. Par contre tout œuvre de fiction demande une part de suspension d’incrédulité, et je m’étonne que personne chez Glénat ne lui ait dit que le fil directeur de son intrigue reposait sur un gros « What The Fuck »… Kim doit s’allier à Nemo pour récupérer les preuves de son innocence, mais celles-ci ont coulé dans le port de Bombay donc sont à quelques dizaines de mètres de fond et non à quelques centaines de mètres de fond comme c’est montré dans l’introduction. Donc Kim se met martel en tête d’accomplir l’impossible, alors que n’importe quel plongeur, scaphandrier ou ingénieur en caisson / cloche sous-marine aurait pu accomplir la normalité. Tout cela aurait pu être évité si on avait montré que le paquebot anglais torpillé était en mer et non à quai, mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Les bons voire très bons graphismes volontiers réalistes de Guénaël Grabowski nous montrent toutes les différences qui existent entre l’art de la bande dessinée et l’art du cinéma. Car on utilise toute la technique du cadrage et du découpage pour insuffler le souffle et le mouvement qui manque aux artistes œuvrant dans le photo-réalisme…

La double-page finale est incroyable : plus que jamais le Nautilus est l’Arcadia (remember Albator, alias Nemo dans l’Espâce), mais qui est l’Abbé Faria et qui est Edmond Dantès ? Plus que jamais l’un comme l’autre peuvent devenir dieu au devenir diable… To Be Continued, Oh Yeah !!!

note : 8+/10

Alfaric

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