Conn Iggulden

Les Prodiges de l’Empire, tome 1 : Darien

Roman, fantasy
Publié en VF le 12 juin 2019 chez Bragelonne
Publié en VO le 13 juillet 2017 (« Empire of Salt 1 »)

La cité de Darien arrive au terme de son âge d’or. Douze familles y maintiennent l’ordre grâce à leurs soldats, leurs artefacts, leurs espions et leurs souvenirs, se cramponnant à une paix qui menace de s’effondrer. La population subit ce qu’elle ne peut changer. Parmi ces vieilles querelles, un complot est ourdi pour éliminer un roi. Des étrangers à la ville seront contraints de s’y rendre : Elias Post, un chasseur ; Tellius, un vieux bretteur banni de chez lui ; Arthur, un garçon qui ne peut parler ; Daw Threefold, joueur et arnaqueur ; Vic Deeds, qui n’éprouve jamais la moindre culpabilité ; et Nancy, une jeune femme dont le pouvoir pourrait les perdre tous. Au coucher du soleil, leur entrée dans la ville va provoquer une succession d’événements explosifs. Avant le lever du jour, six destinées auront été bâties – ou détruites – à Darien. Bienvenue dans le monde des Prodiges de l’Empire, où l’épée et la sorcellerie sont reines…

Conn Iggulden s’est mis à l’écriture après avoir lu le Légende de David Gemmell, le maître anglais de l’heroic fantasy. Et c’est après une belle carrière dans le roman historique qu’il se lance dans l’heroic fantasy : la boucle est-elle bouclée ? L’illustration de couverture simple et efficace de Julien Delval est à la fois élégante et original, mais qu’en est-il du contenu…

En rencontrant le pistolero Vic Deeds le chasseur Elias Post dévoile le pouvoir qu’il voulait cacher et le premier comprend comment l’exploiter. Et c’est ainsi que de fil en aiguille Vic et Elias sont missionnés pour tuer le roi par le général Justan Aldan Aeris qui se présente comme un patriote mais qu’il n’est qu’un carriériste. En rencontrant l’artiste martial Tellius l’orphelin Arthur Quick dévoile le pouvoir qu’il voulait cacher et le premier comprend comment l’exploiter. Et c’est ainsi que de fil en aiguille Tellius et Arthur sont missionnés pour protéger le roi par le capitaine d’Estaing qui se présente comme un loyaliste mais qui n’est qu’un opportuniste. En découvrant que Nancy peut absorber la magie, Daw Threefold entraîne cette dernière dans le pillage d’un tombeau magiquement scellé depuis des milliers d’années, mais quand Nancy découvre qu’elle peut restituer la magie absorbée pour créer mais surtout pour détruire il est entraînée par cette dernière dans son Grand Soir personnel…
L’agent du chaos s’invite violemment dans l’agenda des uns et des autres et en quelques heures l’assassinat devient un coup d’État, et le coup d’État devient une guerre civile ! Le roi n’étant qu’une marionnette, les masquent tombent : le Grand Capital représenté par les douze grandes familles de Darien affrontent la Bête Immonde représenté par le général Justan Aldan Aeris qui se pose bien en apprenti maître du monde. La soldatesque entre dans la ville alors que la ploutocratie sonne le ban et l’arrière ban de leurs partisans. Coincée entre le marteau et l’enclume, la population qui assiste à énième un choc des titans de leurs dirigeants est sommée de choisir entre la peste et le choléra, et au cœur de la folie nos personnages ont le plus grand mal à faire le premier pas vers une troisième voie et faire un fuck au TINA reagano-thatchéro-macronien… Sommes-nous dans le Final Countdown ? Il est trop tôt pour le dire, mais nous sommes dans un game of thrones vu et raconté par le prolétariat donc j’imagine que les choses ne vont pas en rester là !

Si étroit soit le chemin
Si lourd soit le blâme
Je suis le maître de mon destin
Je suis le capitaine de mon âme.
(Nelson Mandela copyright)

Osons le dire : en multipliant les POVs pour se faire plaisir GRR Martin a fini par raconter son histoire de plein de manières différentes (presque toujours indirectes et carrément toujours aristocratiques mais ceci est une autre histoire), avant de se perdre puis de s’emmêler les pinceaux au point de ne plus savoir comment terminer un récit qui risque fort de finir en eau de boudin… Comme dans le Havrefer de Richard Ford, Conn Iggulden reprend la structure en POVs de GRR Martin mais en se recentrant sur les unités de lieu, de temps et d’action : ce qu’on perd en ambition on le gagne très largement en concision et le résultat s’avère d’une grande coolitude (d’autant plus qu’on abandonne les us et coutumes du soap nobiliaire pour prendre le parti des « sans dents » à la fois spectateurs, narrateurs et acteurs du récit) !
Le fait d’écrire en un seul tome ce que beaucoup trop d’auteurs auraient déliter en trilogie voire en machinlogie est tout à l’honneur de l’auteur, mais ça va un peu vite quand même et ça nuit sans doute à l’homogénéité de l’ensemble car des trois duos on voit bien qu’il y en a un qui marche moins bien que les autres… Autres soucis, le worldbuilding et le magicbuilding :
– l’univers dans lequel se déroule le récit est très flou… On évoque voire on nomme l’Égypte, Rome, Carthage, la Perse et la Chine : comme dans La Cité de Stella Gemmell cela donne l’impression que Darien est à la fois Rome, Constantinople et Londres (car Darien est le pire de tous régimes à l’exception de tous les autres)
– on parle d’un empire magique qui aurait régné sur tout ou partie du monde (l’Empire de Sel), avant que la magie ne se perde et ne soit réservée à un moindre degré à quelques privilégiés… j’ai beau en tant qu’aficionados de fantasy avoir été très attentif à la question, là aussi on reste quand même assez largement dan le flou !

Attention Spoilers La ploutocratie jubile : elle met sur le trône une nouvelle marionnette, cette fois-ci immortelle, invulnérable et invincible. Plus d’assassinat et plus de coup d’État avec cette machine obéissant sur commande. Sauf que la machine a une âme car conçue pour aimer sa famille, et elle après plusieurs siècles de solitude la machine découvre que l’humanité toute entière peut devenir sa famille. Pour ne rien gâcher, notre Pinocchio arcanepunk a trouvé en Tellius son Geppetto et en Elias son Jiminy Cricket.

On ne va se mentir, ces derniers sont plus « gilets jaunes » que « foulards rouges » : la ploutocratie va-t-elle pleurer quand elle va découvrir que la marionnette qu’elle a mise sur le trône est en fait un apprenti révolutionnaire immortel, invulnérable et invincible ? Ce n’est pas la fin mais le commencement, et j’imagine qu’avec ce gros con de Boris Johnson la SFFF anglaise va continuer à être plus antisystème que jamais !!! Fin Spoilers.

PS : contrairement à d’autres je ne m’abaisserai pas à écrire des conneries éculées dans le style « qui ne révolutionne pas le genre » (sous-entendu tout nouveau livre doit absolument révolutionner son genre) ou « qui se lit bien sur la plage » (sous-entendu tout ce qui se lit hors de la plage vaut mieux que ce qui se lit sur la plage)… et je ne résiste pas à la tentation d’écrire « suivez monde regard…

note : 7,5/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

 
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