Conn Iggulden

Les Prodiges de l’Empire, tome 3 : Le Saint des Lames

Roman, fantasy
Publié en VF le 12 février 2020 chez Bragelonne
Publié en VO le 08 août 2019 Chez Penguin Books (« Empire of Salt 3 : The Sword Saint »)

Jaloux de sa prospérité, un regard de glace s’est braqué sur Darien. Celui d’un faux roi assoiffé de conquête. Ses soldats apporteront le désespoir et la désolation dans la cité. En proie à la trahison, l’antique capitale semble près de s’effondrer. Mais entre les murs de cette grande cité, une petite troupe s’assemble. Tellius les connaît tous : un chasseur, un joueur, un revenant, un colosse, une sorcière… et le saint des lames de Shiang. Lorsque Darien elle-même est menacée, Tellius leur demande de la défendre. Une cité est aussi importante que la vie de ceux qui y habitent. Les rues, les cours, les maisons et les tavernes de Darien sont comme un feu de joie sur la colline, un symbole de vie et de lumière dans un monde implacable. C’est pourquoi ils sont prêts à mourir pour la sauver.​

On ne change pas une équipe qui gagne, et dans ce tome 3 intitulé Le Saint des Lames l’auteur Conn Iggulden continue de rendre hommage à son mentor David Gemmell en reprenant une formule qui marche bien : Darien Delenda Est ! Après le général félon puis les super-vilains échappés de l’outre-monde, voici donc le conquérant suprématiste dénommé Jean Brieland avec ses génocides et ses camps de viols conçus comme des fermes de repeuplement. L’Histoire étant écrite par les vainqueurs il veut vaincre tout le monde pour que personne ne dise du mal de lui, sauf que malgré tout l’argent dépensé pour corrompre ses dirigeants la Cité de Darien n’agit pas comme il l’entend… C’est donc tout naturellement qu’il demande à ses sicaires de mutiler le prince héritier Louis Brieland pour lui donner un prétexte pour tout détruire et de tout massacrer. Face à lui Androvanus Yuan Tellius président du conseil de Darien, Roi de Shiang par intérim suite aux événements du tome précédent, qui a longtemps connu la pauvreté avant de profiter de la prospérité. Ce dernier réunit des « Dirty Dozen » pour faire la peau au tyran ou à défaut défendre sa cité bec et ongles ! Alea Jacta Est : les dés sont jetés, Oh Yeah !!!

Le récit commence par un game of thrones républicain (= un débat d’idées) autrement plus intéressant qu’un game of thrones monarchique (= Jupiter décide et Jupiter vous emmerde). On pourrait croire que l’auteur caricature le Brexit avec son histoire de traité commercial / truandage international, mais on le sait suffisamment intelligent et cultivé pour comprendre qu’il vise les crimes passés de l’Empire Britannique qui sont aujourd’hui ceux de la ploutocratie mondialisée (l’OMC n’étant que le bras armé des milliardaires du Forum de Davos). S’ensuit une phase de recrutement, avant de procéder à la phase commando et à la phase siège… Et c’est quand même déplaisant qu’on prenne le temps de remettre en scène tous les personnages de la trilogie, pour que finalement tout se décante dans les 30 dernières pages du récit à coups d’ellipses qui malheureusement sont presque autant de hiatus. C’est d’autant plus déplaisant que l’auteur parvient à susciter de belles émotions, mais que l’ensemble reste un peu vain… (Quelle est l’entité immatérielle qui souffle à l’oreille du conquérant ? OSEF ! Comment a-t-il obtenu sa ceinture d’invulnérabilité ? OSEF ! D’où sortent ses légions noires biomécaniques ? OSEF !)

L’occasion était trop belle pour qu’il la laisse passer, et Deeds avait eu l’impression d’être un ange vengeur lorsqu’il s’était rapproché pour lui tirer une balle dans la tête. Il avait déjà tué un roi. Tout était plus facile la deuxième fois, disait-on.

Une trilogie qui donc se lit bien sans pour autant laisser un souvenir impérissable ? Je m’interroge : Conn Iggulden a-t-il voulu se faire plaisir en revenant à ses premières amours ou a-t-il préparé le terrain pour quelque chose de plus ambitieux ? Parce qu’en l’état je suis obligé d’écrire qu’il est plus à l’aise dans le roman historique que dans le roman fantasy… (argh les noms de personnages et de lieux typiquement anglais voire londonien dans un univers résolument fantasy, ça met en péril la suspension d’incrédulité !)

On utilise tous les éléments, tous les ingrédients et tous les gimmicks du maître anglais de l’heroic fantasy David Gemmell. Et pourquoi ça marche toujours là où des auteurs autrefois plus talentueux ne dépassent pas voire n’atteignent pas le plafond de verre de la SFFF ? Parce qu’au lieu de se perdre en soap nobiliaires qui n’ont d’intérêt que pour « ceux qui sont tout » (macron copyright) David Gemmell comme Conn Iggulden se passionnent eux pour « ceux qui ne sont rien » (macron copyright) qui constituent 97% de l’humanité au grand dam des 3% restants !
Comme le disait le camarade BazaR ces personnages sont très en empathie les uns avec les autres. Beaucoup de discussions, de secrets de l’âme dévoilés à demi-mot, de compréhension, de générosité. C’est donc tout naturellement qu’on vibre avec eux pour haïr avec eux Jean Brieland le pervers narcissique parfaite incarnation de la crevardise ! Mais allons un peu plus loin…

* Avec son pouvoir absorber toutes les formes de magie et de les restituer sous la forme de flammes destructrices Nancy est sans doute l’être le plus puissant de tous les temps, pourtant son plus grand kif est de chiner sur les marchés malgré son peu d’appétence pour le commerce…

* Avec son pouvoir de précognition Elias est doute sans l’homme le plus redoutable du monde, mais tout ce qu’il souhaite c’est vivre sa vie loin des turpitudes du monde avec ses filles Jenny et Alice…

* Hondo est le « saint des lames », autrement dit l’artiste martial ultime, et loin de son pays il se met à douter du bien fondé des traditions qu’on lui a imposées. Il pourrait tout avoir, mais il veut seulement que le colosse Bosin retrouve sa joie de vivre pour avec lui boire et manger, jouer et chanter…

* Même Louis Brieland est un individu comme les autres avec une soif immense des plaisir simples mais infinies qu’offre la vie. Pendant des dizaines de pages ont nous le fait détester, puis on découvre qu’il aurait pu être Arthur (ou Arslan, les vrais savent), mais pas de bol pour lui son père n’est pas Uther (ou Andragoras, les vrais savent) mais un alter ego de ce gros crevard de Joseph Staline (ou Mao, ou Mussolini, c’est tous les mêmes)…

 

Un début doit avoir une fin, et une vie bien remplie n’a pas besoin de rechercher l’immortalité. C’est ainsi qu’après le Seigneur Canis le Président Tellius renonce à l’usage de la magie pour prolonger sa vie. Après avoir tant donné à sa patrie d’adoption il peut partir tranquille, car les dépositaires de ses dernières volontés sont ses Dirty Dozen chapeautés par un androïde humaniste devenu souverain par un caprice du destin. David Gemmell peut reposer en paix, mais également Robert A. Heinlein et Isaac Asimov ! Parfois la vie est belle !!!

note : 6+/10

Alfaric

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