Thierry Di Rollo

La profondeur des tombes

Roman SF publié le 3 mars 2005
chez Gallimard, Folio SF

Demain. Le pétrole n’est plus qu’un souvenir. Reste le charbon, et avec lui ses mines titanesques, ses millions de gueules noires efflanquées, ses cieux saturés de poussière grise. Dans ce monde glacé où l’eau potable est devenue la plus convoitée des richesses, où les animaux clonés en masse crèvent au fond des tunnels, où la  » nuit claire  » a remplacé le jour, Pennbaker le porion tente sans grand succès de survivre. Car il a vu la mort de trop près pour ignorer l’ordre qu’elle lui a intimé de sa voix douce: chercher la profondeur des tombes. Assisté dans sa quête par Sarah la hyène et CloseLip, sa fille, si sage dans sa valise, Pennbaker sillonne les chemins incertains de l’U-Zone, ce territoire de non-droit au bout duquel il trouvera, peut-être, l’amour perdu.

Creusons à nouveau du côté de Di Rollo, si j’osais… « Demain. » Ainsi débute le quatrième de couverture de cette édition Le Bélial’, qui nous plonge aussitôt dans le genre littéraire de l’anticipation, chère à notre Thierry.

Le narrateur est un porion, à savoir l’équivalent d’un contremaître dans l’univers minier. L’exploitation du charbon a en effet repris dès l’assèchement des réserves pétrolières. Le monde affiche donc ses gueules noires exploitées, dans une atmosphère glacée, la pollution filtrant les rayons solaires, et l’eau pure devient denrée aussi rare que précieuse.

Notre personnage déambule dans les couloirs sombres, étroits et suffocants, de la mine tout en se promenant dans ses pensées. Il songe à sa solitude, au décès prématuré de sa mère et à l’alcoolisme de son père… Les mineurs qu’il croise ne l’apprécient guère, tout au plus l’éclaireur, qui a remplacé le canari qui meurt en cas de danger gazeux par des animaux clonés tous plus exotiques les uns que les autres.

Le sens. Un être humain est capable d’en donner même au pire de ses actes.

En fin de journée l’on quitte la mine, la nuit claire remplace ce qui s’appelait autrefois le jour et l’on regagne ses pénates, sujet à ces hallucinations qui nous rappelle une histoire de couple révolue… La ville demeure noire, au mieux éclairée par des lumières blafardes, égayée de publicités miteuses.

La référence Blade Runner est assumée, puisque notre porion retrouve celle qu’il désigne comme sa fille – aussitôt rentré dans ses appartements – et qui ne s’avère rien d’autre qu’un réplicant bas de gamme et vieillissant, qui n’en finit plus de se bloquer ou de tomber en morceaux. Ambiance.

Même s’il sort rejoindre des mineurs entre deux cauchemars, ces mineurs qu’il observe parfois depuis chez lui, qui s’attroupent le soir autour de feux de fortune, qui échangent leurs désillusions à l’attente des programmes télévisés, il se voit rejeté dès qu’ils identifient le manteau affilié à sa fonction professionnelle, marqueur social sur lequel l’auteur appuie. Contremaître méprisé par ses employeurs fortunés d’une part et non accepté, de l’autre, par les miséreux employés…

Tout pourrait s’enliser dans le plus crasseux des mondes, se diluer lentement dans les ténèbres, d’autant que Di Rollo n’a jamais manié l’espoir ou le concept de seconde chance.

Mais voilà, Pennbaker a croisé la Mort dans son enfance, avatar Lovecraftien qui possède les yeux de sa mère… qui lui demande s’il connaît la profondeur des tombes… qui revient sans cesse le hanter au creux de ses rêves… Alors la traque à l’inexorable rencontre s’enclenche…

note : 8/10

Julien Schwab

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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