Stephen Deas

Les Rois-Dragons, tome 2 :

Le Roi des cimes

Roman, fantasy
Publié en VF le 19 janvier 2011 chez Pygmalion
Publié en VO le 01 janvier 2010 chez Gollancz (« Memory of Flames 2: The King of the Crags »)

Jehal est parvenu à ses fins : Zafir, sa maîtresse, occupe le trône de l’Orateur, la reine Shezira croupit dans les geôles du Palais Adamantin, et son mariage avec la princesse Lystra, l’une des filles de cette dernière, lui J assure la jouissance d’un des plus puissants royaumes. La seule chose qu’il n’avait pas prévue, après ces années d’empoisonnement et de trahisons en tout genre, c’est… l’ennui ! Pourtant, entre les manigances coupables de Zafir, la menace constante des armées du Roi des cimes et la rébellion des Écuyers Rouges, les royaumes ne sont pas près de connaître la paix. D’autant moins que le dragon blanc, sevré du traitement alchimique qui abrutit ses semblables, est toujours en liberté. Et il semble bien décidé à se venger…

Misère de misère pour une fois qu’on a un tome de transition qui échappe à la malédiction du tome de transition, le mal vient d’ailleurs…

 

Game of Thrones redux ?
Dans le mal nommé Le Roi des Cimes, puisque ce dernier fait un petit tour et puis s’en va, on est toujours dans un TdF like (un peut trop like) d’assez bonne facture mais qui souffre d’incroyables inégalités et/maladresses. Défaut chiant de JRR Tolkien comme de GRR Martin, ils ignorent peu ou prou le concept universel « show, don’t tell ! » : on nous fait raconter les événements principaux par une pelletée de personnages, mais ils ne nous les montrent jamais ou presque. Dans on commence ce tome 2 par les conséquences de « La Nuit des Couteau » : on a accusé le Roi Valmar d’avoir voulu assassiner la nouvelles oratrice Zafir et on a accusé la Reine Shezira d’avoir tué l’ancien orateur Hyram. En sous Cersei Zafir veut la tête de tout le monde au bout d’une pique, mais tout le monde lui conseille la modération puisque la grande purge ayant échoué on est au bord pour pas dire à veille de la guerre civile.

Évidemment elle n’en fait qu’à sa tête et on se retrouve avec les crevards du Sud en guerre contre les justiciers du Nord, avec un royaume montagneux qui se déclare neutre après avoir jeté de l’huile sur le feu : c’est Le Trône de Fer sauf que tous les camps ont plein de dragons… Pour ne rien gâcher on retrouve la Fraternité sans Bannière de Béric Dondarrion et Thoros de Myr, sauf qu’ici on les appellent les Écuyers Rouges !
Alors outre les 2 crevards en chef dans la série têtes à claque on a :
– la Princesse Lystra, alias Sansa bis, qui se pâme devant son époux sociopathe qui a provoqué la mort de sa mère, qui veut tuer ses sœurs et qui a clairement laissé entendre qu’il la tuerait elle aussi en temps opportun (en plus d’avoir empoisonné son géniteur et poignardé plusieurs membres de sa famille rapprochée)…
– la Princesse Jaslyn qui en plein guerre civile nous fait une crise antispéciste, et alors que tout le monde lui demande de prendre le commandement des Nordistes, elle chouine dans son coin qu’elle veut retrouver Silence son poney à écailles…
– on a également l’Écuyer Sémian, alias Bâton-dans-le-cul, qui en 2 pages passe de soldat pragmatique à fanatique religieux parce qu’il a eu une vision…
– et pour finir on a le mage de sang Kéthryr qui change de camp de chemise et qui trahit plus vite que son ombre, mais on ne sait toujours pas qui il est et ce qu’il veut…

– Ils emmenèrent Soleil du Matin comme si c’était un poney ailé géant. Parfois le coeur de Jaslyn saignait pour eux, pour tout ce que les alchimistes leur faisaient subir. Il devait bien y avoir un autre moyen, non? Les dragons et les hommes ne pourraient-ils jamais vivre en bonne intelligence sans que l’une des deux espèces réduise l’autre en esclavage?

Tout le monde trahit tout le monde, mais pour quoi faire ?
Rompre avec le côté trop propre sur lui de la fantasy épique, c’est pas nouveau du tout : dans l’entre-deux-guerre, R.E. Howard expliquait qu’il ne voulait pas de chevalier blanc, et que dans ses histoires tout le monde trahissait tout le monde. Mais il le faisait pour raisons concrètes : le pouvoir, l’argent et le sexe. Tous les crevards qui fleurissent dans le grimdark martinien ont déjà le pouvoir, l’argent et le sexe, donc comme ils s’emmerdent ils se trahissent les uns les autres pour grimper quelques marches de plus vers le sommet sur lequel ils sont déjà pour toiser d’un peu plus haut leurs rivaux perçus comme des jouets à casser et des victimes à martyriser.

L’homme n’est pas un loup pour l’homme (d’ailleurs les loups ne se mangent pas entre eux) : cette maxime n’existe que pour donner bonne conscience à tous les monstres à visages humains qui ne comprennent pas que dans un monde bien fait ils seraient éliminés sans pitié. En Occident on les appelle pervers narcissiques, et on considère qu’il est normal de ne penser qu’à soi et ses désirs quitte à faire souffrir les autres, ailleurs dans le monde on les appelle sociopathe quand ils arrivent à passer sous le radar, psychopathe quand les masques tombent, ou tout simplement « monstres ». Dallas est un soap nobiliaire qui n’a rien à envier à « la fantasy dynastique », et c’est cool et c’est fun parce les rivaux des héros et des salauds les obligent à se remettre en cause pour mettre en avant leurs bons ou leurs mauvais côtés, mais si tu réécris Dallas avec un JR et une Sue Ellen qui tuent tout le monde avant de s’entre-tuer ce n’est pas génial, c’est juste malsain et finalement vain…
Et malheureusement c’est exactement ce que Stephen Deas fait ici :
– tous personnages à potentiel crèvent salement les uns après les autres. Ah machine est en quête de vengeance, et en plus on lui donne un coup de pouce pour la réaliser : cool un twist intéressant qui redistribue toutes les cartes… ah ben non, elle crève salement et le crevard s’en sort gentiment, donc on retrouve bêtement avec un Ned Stark bis… Ah machin il a l’air pas mal du tout comme personnage, il y a plein de trucs à raconter avec lui… Ah ben non, on le fait crever salement avant même de l’avoir vraiment utilisé…
– par contre les crevards en chef complètement overcheatés avec leur palantirs mécaniques survivent à tous les coups du sort en dépit du bon sens. Qu’il agissent ou qu’ils n’agissent pas, ils font souvent n’importe quoi mais ils ont la chance du diable donc ils s’en sortent toujours sans coup férir. Pour avoir une bonne série il faut un bon méchant, mais c’est tellement déséquilibré qu’ici cela ne marche pas très bien…

 

En route vers le chaos ?
Neige est toujours dans sa révolution spartakiste mais est en cavale durant tout ce tome 2. Du coup Kémir le paria révolté se demande bien à quoi il sert dans ce gros bordel (surtout qu’on bute tous ses side-kick kes uns avec les autres donc il n’a même pas droit à beaucoup de conversions humaines). Je l’avais dit pour le tome 1, je le redis pour le tome 2 une convergence des luttes entre les esclaves à écailles et les esclaves à la peau rose aurait été une tellement bonne idée, avec d’intéressantes réflexion antispécistes… Par contre pas l’idée des dragons télépathes disposant d’une mémoire collective et du don de métempsychose, et les dragons bouddhistes qui font la grève de la faim pour atteindre le Grand Néant ou à défaut une autre époque plus favorable à leur espèce est pas mal non plus. Parce que mine de rien, nos dragons ressemblent à la Créature de Victor Frankenstein, sauf que si les humains les ont asservis ce n’est pas eux qui les ont créés (hum ça sent le 2e cycle ça !)
Et malgré tous les défauts cité, ce n’est pas chiant… Car l’auteur reprend une idée de GRR Martin développée à fond par Joe Abercrombie : la double pensée, à savoir que les personnages disent des trucs mais qu’on lit juste après ce qu’ils pensent vraiment. Si avec Kémir et Neige cela ne va pas très loin, Jehal la Vipère présente de faux airs de Glotka, Vale Tassan le commandant adamantin de faux airs de Gorst et Meterora l’oncle de Jehal faute de rejouer le rôle de Tywin Lannister rejoue celui de Kevan Lannister… Les twists de fin redistribuent toutes les cartes pour tout le monde donc j’ai quand même bon espoir pour le tome 3 !

note : 6/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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