Le Sang des 7 Rois, tome 2

Roman, fantasy
Publié le 22 août 2013 chez L’Atalante

– Tu n’es pas une fille Rosa, tu es un miracle. Fernest se pencha et cueillit une petite fleur qu’il lui glissa dans les cheuveux.
– Pourquoi m’aimes-tu?
– Je t’aime… parce que tu en as besoin.
– Ce n’est pas une raison.
– Alors je t’aime parce que j’en ai besoin.
Rosa essaya de voir les voyageurs en contrebas. Ils étaient trop loin, et dissimulés par le relief. Elle ferma les yeux et sentit leur présence, leurs émotions, leurs douleurs et leurs peines. Elle s’écarta pour regarder Fernets, puis elle détourna le regard comme pour se mesurer au glacier, colossal nuage pétrifié sur le flanc de la crête. Elle resta ainsi longuement avant de reprendre la parole.
– On ne m’a jamais aimée, Fernest.

Un peu d’appréhension du fait de perdre le plaisir de la découverte, mais encore une fois j’ai trouvé cela vraiment très rafraîchissant. Tous poursuivis par les Gardiens, on retrouve Orville et Pétrus en cavale maritime dans la Mer Intérieure, et Rosa et ses compagnons en cavale terrestre dans la Crête. Pendant ce temps on nous montre le coup d’Etat des Gardiens vu de l’intérieur, tandis qu’on découvre enfin la Résistance à la fin du roman… et que de nouvelles résistances apparaissent un peu partout ! Ce sont sûrement là de nouvelles graines semées pour le tome 3 !
L’auteur sait se rendre accessible avec un style simple, mais fluide donc efficace (même si j’ai regretté de perdre les descriptions montagnardes du tome 1), une résumé du tome précédent, une carte du monde, un dramatis personae et un glossaire. Difficile donc de se perdre en cours de route.
D’un côté le ton et l’atmosphère sont très différentes du « tout venant » fantasy. D’un autre côté j’apprécie le mélange entre comédie et tragédie qu’on retrouve souvent dans la Fantasy française.
Pas mal de running gags comme Orville qui fait passer l’improvisation pour la préparation, la chance pour de l’expérience, tout en masquant ses pouvoir de mage de façon abracadabrantesque, les prisonniers du Goulet qui se font passés pour benêts à moitié fous alors qu’il s’agit tous de génies dans leur domaine d’expertise qui jouent finement la comédie (comme en faisant mine de croire à la légende du fantôme du Goulet), les anciennes amantes jalouses de Pétrus qui rappelle le Sieben de Gemmell…
En outre il y a vraiment un parfum seventies pas déplaisant du ton, notamment dans les thématiques sociales.
On retrouve l’opposition entre sang bleu et sang rouge, mais on développe avec le peuple honteusement trompé et exploité, les théocrates quoi doivent maintenir le peuple dans l’ignorance et l’obéissance, les aristocrates qui sont là pour prendre du bon temps, les monarques qui sont là pour prendre encore plus de bon temps, les Gardiens qui se sentent au-dessus du commun des mortels et qui vont bien le faire sentir, les mystérieux commanditaires du leader des Gardiens dont on ne sait pas encore grand-chose… et les rebelles qui veulent rester à l’écart de ce jeu de dupes mais qui servent d’épouvantail aux crevards !
Tout cela fait très lutte des classes, concept suranné et erroné d’après les prescripteurs d’opinion. C’est marrant parce les gens les plus concernés pensent être en train de la gagner (cf. Warren Buffet).
Et on ne sait plus trop si Lothar, Rufus et leurs sbires finissent pas gober leurs propres bobards. On pille, on viole, on tue… pour contrer une rébellion dont on ne voit même pas le bout du nez. Aristocrates et monarques n’y voient que du feu et marchent à fond dans le truc par peur de perdre leurs privilèges dans un très hypothétique Grand Soir. Impossible de ne pas penser au garde à vous des nations occidentales suite au « War against terror » de George Walker Bush.
Il y a une aussi une véritable ligne de démarcation entre les Gardiens qui sont puissants et veulent le rester sinon l’être davantage pour profiter des plaisirs simples de la vie, cad « écraser ses ennemis, les voir mourir devant soi et entendre les lamentations de leurs femmes », et les Rebelles qui déplorent être porteurs du fardeau de l’immortalité. le récit de la vie de Léo m’a beaucoup touché alors qu’il ne s’agit que d’un aparte. D’un côté je retrouve des thèmes humanistes développés par David Gemmell, de l’autre je retrouve la célèbre configuration d' »Highlander » avec Orville McLeod, Léo Ramirez et Cravan Kurgan !

Les armées fortes sont faites de caractères forts, obéissants malgré leur tendance indocile. Il voyait en eux une armée de moutons. De beaux et puissants moutons, mais il ne sentait pas la présence d’un fauve.

Quelques trucs m’ont empêché d’être pleinement convaincu :
– le grosbillisme : On nous a répété à l’envie que les mages n’existaient plus et là il en apparait toute une fournée d’un coup…
– l’autospoil : quelle horreur ce chapitre « Pour le Pire » qui spoile tout et rien à la fois tout en démystifiant le cycle…
– au bout de 800 pages effectivement, la caractérisation des personnages manque quand même de tassiture
On est dans du Gemmell light. Mais est-ce vraiment gênant pour trouver cela plaisant ?
J’ai adoré par exemple l’évolution d’un Sylvan (lui, c’est un pote un Waylander à Olek Skilgannon !), et j’espère qu’on le reverra par la suite. le jeune érudit prodige Aldemond qui n’est pas dupe du tout est lui aussi assez intéressant.
J’ose espérer que les rebelles immortels comme Jof le flibustier seront du même acabit dans le tome 3.
– des méchants très méchants qui recourent aux pires bassesses pour satisfaire les caprices de leurs égos !
C’est un peu dingue que des moines-guerriers semi-immortels se transforment presque du jour en lendemain en brutes fourbes et sadiques qui se complaisent dans l’assouvissement de leurs plus bas instincts… Ils étaient en manque ou quoi ?
– quelques points amenés de façon un peu rapide pour ne pas dire abrupte
– le coming out de Pétréus sort un peu de nulle part quand même
– Lulius Never : WTF, deus ex machina, hommage à son anagramme, rebondissement feuilletonnesques ou autre chose ?
Maintenant arrivé à la fin du tome 2, je saisis mieux l’ampleur du projet : la résurrection du roman-feuilleton !
D’ailleurs les tribulations maritimes d’Orville sont d’inspiration clairement vernienne (avec un soupçon de filouterie). L’hétérogénéité des POVs passe mieux, mais pourrait mieux passer quand même. On quitte trop souvent avec regret Orville ou Rosa et les autres POVs sont trop dilués pour qu’on puisse encore vraiment accrocher. Reste que le gros du roman, cela reste les tribulations d’Orville qui continue à explorer les limites de sa métamorphose tout en étant en quête d’Armine, l’élue de son coeur qu’il n’a vue une seule fois dans vie.

SPOILER
amusant d’ailleurs qu’Orville quitte le Goulet pour la retrouver alors que cette dernière fait le chemin en sens inverse en étant envoyée au Goulet

Se dirige-t-on vers une guerre des mages avec Orville, Rosa, Braseline, l’enfant de Jean et Eliette, Oldarik et les armes secrètes des Gardiens, des Rebelles ou des Compagnons du Verrou ? Vivement la suite !

note : 8/10

Alfaric

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