Brian Azzarello (scénario)
 Lee Bermejo (dessin)

Batman : Damned

Comics, fantastique / polar
Publié en VF le 25 octobre 2019 chez Urban Comics
Publié en VO entre novembre 2018 et août 2019 chez DC Comics (« Batman: Damned »)

Le Joker est mort. C’est désormais une certitude. Mais qui, de Batman ou d’une menace autrement plus malfaisante, a pu mettre fin au règne de terreur du clown criminel ? Batman, retrouvé inconscient près du corps de son ennemi, est incapable de mettre ses souvenirs en ordre. Pire, il en vient à douter de la réalité elle-même. Pour l’accompagner, et le perdre un peu plus ?, le justicier reçoit l’aide providentielle de John Constantine au cours d’une enquête qui l’amènera à frayer avec les forces mystiques tapies au cœur de Gotham.

Brian Azzarello grand nom du comic nous dit qu’ici il n’a pas réalisé un comic mais un « graphic novel » : quand on voit le résultat, à savoir une montagne qui accouche d’une souris, c’était bien la peine d’inventer une nouvelle étiquette pour faire genre (et je n’espère pas pour se différencier des autres jugés inférieurs)…

Ne connaissant le dessinateur Lee Bermejo que de nom : ces dessins hyperréalistes sont hyperdétaillés, et perfectionniste il a dû passer des heures et des heures sur cette album qui d’environ 150 pages (après c’est con de faire un label adulte pour censurer à plusieurs reprises le teub de l’homme chauve-souris, d’un autre côté vu comme il agit dans le dénouement on aussi dire qu’il n’a pas de couilles). Après c’est les goût et les couleurs, et peut-être affaire de génération, mais j’ai trouvé que le recours à l’outil informatique se voyait un peu trop… Cela n’en reste pas moins du bonbon pour les yeux et comme le disait un autre fan de comics : c’est quasiment un artbook de l’auteur tant on regarde plus qu’on ne lit quand on fait défiler les pages, d’autant plus que le travail éditorial d’Urban Comics est remarquable…

– Quitte à subir l’humiliation, il vaut mieux que se soit en essayant d’être héroïque !

Parce qu’il faut bien dire que cela ne raconte pas grand-chose. Batman se réveille blessé dans une ambulance et il prend violemment la poudre d’escampette. Il apprend qu’on l’a retrouvé près de l’endroit où on a repêché le cadavre de son vieil ami le Joker, et il se demande s’il n’aurait pas bafoué à l’insu de son plein gré son premier commandement : « tu ne tueras point »…

L’idée que Batman amnésique enquête sur lui-même est très séduisante, tellement séduisant qu’elle a déjà été utilisé dans l’adaptation animée des années 1990. Sauf qu’il n’a pas vraiment d’enquête : John Constantine lui dit qu’il fait l’objet d’affrontement entre des « forces occultes », il a les réponses et se garde bien de les lui donner, et l’auteur le balade dans tout Gotham en lui faisant rencontrer toutes les figures fantastiques de l’univers DC Comics qui ne font que tenir des propos de plus en plus cryptiques. Pour ne rien gâcher Batman hallucine un max, en revivant son enfance agrémentée d’une enfant chelou déguisée comme pour une gothique pour halloween qui lui dit qu’ils partagent un secret et qu’il est à lui…

Oui on est dans univers fantastique, et pour peu on pourrait croire que Bruce Wayne a ouvert une Boîte de LeMarchand (les vrais savent) ou son équivalent (comme dans le JdR suédois Kult), et l’impression est renforcée par le fait que Batman tombe dans les pommes à la fin de chaque chapitre pour se réveiller au milieu de nulle part au début de chaque chapitre sans savoir comment il est arrivé. Cela aurait pu être génial de faire passer Batman de « l’autre côté » (de la Portal Fantasy horrifique comme Clive Barker sait si bien le faire). Oui mais non, malgré les visuels sombres et violent, malgré le ton grinçant et sarcastique on reste dans le fantastique littéraire le plus classique qui soit où entre rêve et réalité s’affronte le moi, le surmoi et le ça du personnage principal. Deadman, Etrigan, Swamp Thing, Zatana et l’Enchanteresse ne sont que des guest-stars qui viennent comme le narrateur compliquer les choses plus qu’autres choses.

Parce que le narrateur c’est John Constantine le roi des menteur, et il n’arrête pas de jacter sur la vie et la mort, le bien et le mal, l’enfer et le paradis, Dieu et le Diable et plein d’autres trucs entre psychanalyse et existentialisme. Ah l’auteur est un bon jongleur de mots : ses phylactères sont des mines à citations, mais ça alambique énormément la narration et ça alourdit un récit qui aurait eu besoin d’autres choses pour décoller…

 

Au final ? Tout ça pour ça !
ATTENTION SPOILERS Ben à la morgue où il aurait dû commencer son enquête mais par laquelle il la termine, Batman a un cas de conscience car sa conscience lui rappelle qu’il a juré de ne jamais tuer. En fait il n’a même pas tué le Joker, le Joker a essayé pour la énième fois de le tuer, le clown tueur s’est mis en situation périlleuse tout seul comme un con, et au lieu d’essayer de le sauver Batman n’a rien fait (parce qu’il en marre de courir après un criminel que quand la justice ne le relâche pas s’échappe et s’enfuie encore et encore pour continuer éternellement ses méfaits)… Pour un dilemme tellement cornélien que les puissances du Ciel et de l’Enfer viennent voir si le Chevalier Noir de Gotham bascule du Côté Obscur, c’est quand même un pétard mouillé : personne n’en voudrait à quelqu’un de ne pas se mettre en danger pour sauver un psychopathe meurtrier… On reste vraiment dans le politiquement correct puisque que Batman dit qu’il regrette et qu’il préférerait que le Joker soit encore en vie (pour tuer et torturer plein de nouveaux gens, hein Batounet), histoire de refermer la parenthèse et d’appuyer sur la touche reset / restart. La vraie bonne idée cela aurait été qu’il continue à vivre en ayant transgressé ses propre lois et qu’il soit encore plus torturé que d’habitude par ses actes et par ses choix. FIN SPOILERS

J’ai lu un récit similaire au début des années 1990 et sur le fond c’était plus simple et plus efficace : le Diable soumettait Batman à la tentation en lui faisant remonter le temps pour sauver ses parents, mais s’il sauvait ses parents alors il n’y aurait plus eu de Batman pour protéger les innocents…
Brian Azzarello a tout compris quand il écrit que l’essence même de Batman est comme nous tous d’avoir été façonné par son passé, lui plus que tout autre puisqu’il en à jamais le prisonnier. Par contre des deux côtés de l’Atlantique personne ne comprend son acharnement à noircir le mythe du Chevalier de Noir, puisque la famille heureuse détruite pas un drame devient une famille déjà détruite par des drames (un père queutard arrogant et méprisant y compris envers son propre enfant, une mère bafouée, battue et dépressive)…

note : non noté (je ne suis pas qualifié pour les romans graphiques, concept arty qui ne me plait pas)

Alfaric

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