Fabien Clavel

Le Châtiment des flèches

Roman, histoire / fantastique / fantasy
Publié le 11 septembre 2010 chez Pygmalion

En l’an mil, la Hongrie est le théâtre d’une lutte historique qui oppose les anciennes tribus féodales au roi Istvân. Celui-ci entend, avec l’appui du Vatican, unir son pays sous une seule et même bannière, et convertir ses sujets à la nouvelle religion. Mais la puszta, la lande qui couvre la quasi-totalité du territoire, appartient aux esprits des croyances ancestrales et aux chamanes dont les pouvoirs semblent infinis…

Le Châtiment des Flèches dont l’illustration de couverture est réalisée par Alain Brion est une lecture très intéressante et très enrichissant qui donne furieusement envie de mieux connaître la Hongrie, son histoire et sa culture….

J’ai ressenti un agréable sentiment de déjà vu dans ce Châtiments des Flèches : que les magyarophiles me pardonnent, j’ai retrouvé nombre d’éléments qui m’ont rappelé au bon souvenir d’œuvres inspirées ou issues des cultures slaves.
« Intrigues politiques de grande envergure, batailles épiques à couper le souffle, magie, héroïsme… »
La très marketing gatling à superlatifs a encore frappé : la grande envergure et les batailles épiques à couper le souffle, je les cherche encore… Fabien Clavel n’est pas spécialement à l’aise dans les scènes d’actions : c’est un peu écrit et construit comme une chronique historique romancée, ce qui empêche quelque peu le développement d’un aspect cinématographique d’où des raccourcis et des répétions. Malgré quelques bons moments c’est assez frustrant : ainsi par exemple la grande invasion germanique qui se résume à quelques pages d’un remake de la bérézina et une escarmouche de quelques dizaines d’hommes…

Mais qu’importe puisque l’essentiel n’était pas là dans ces « Rois Maudits » hongrois. Fabien Clavel appartient d’abord et surtout au courant de la Fantasy poétique. Là où la plupart des auteurs de romans historiques aurait écrit une saga en 3 ou 4 tomes, Fabien Clavel a condensé son drame national en 400 pages : on ne nous tient pas la jambe et c’est sympa pour le porte-monnaie !
Car ce récit de l’ethnogenèse de la Hongrie réinventée au prisme de la fantasy est aussi l’histoire d’une guerre civile sinon fratricide entre Magyars et celle de l’agonie de la culture de la steppe avec famille clanique / tribale, nomadisme pastoral, razzia et la vendetta… Istvan et Gisela s’opposent ainsi à Koppany et Duna, comme le peuple hongrois déchiré entre intégration à l’Europe chrétienne (l’avenir) et respect des traditions de la steppe païenne (le passé), et Farkas le guerrier sans-tribu est déchiré entre deux mondes, deux cultures, deux loyautés… Dans cette optique j’ai également bien apprécié l’épilogue.

Cette ambiance crépusculaire où les défenseurs traditions ancestrales mènent finalement un combat d’arrière-garde désespéré rappelle certaines thématiques du western, avec ses Amérindiens nomades complètement dépassés et de plus en plus marginalisés par l’arrivée de la culture chrétienne occidentale. Le passage de Vadasz le chasseur d’aurochs rappelle ainsi la figure de Buffalo Bill le chasseur de bisons.

Lorsqu’on déclare qu’il n’y a qu’un seul dieu, on a vite fait d’affirmer qu’il n’y a qu’un seul maître.

La reprise de la scène culte d‘Il était une fois dans l’Ouest était vraiment un chouette moment. C’est presque dommage de ne pas avoir davantage œuvré dans cette voie du western médiéval. Et les mêmes causes produisant les mêmes effets, j’ai aussi eu en cours de lecture quelques réminiscences de la cultissime saga Castlevania (par exemple, la récupération des morceaux du corps de Koppany en vue de sa résurrection rappelant un certain Castlevania II)…

C’est un roman à la fois ambitieux et abouti car on sent qu’il y a en amont un gros travail de reconstitution et d’adaptation qui se dévoile dans les 25 pages d’annexes. J’aime beaucoup la démarche de Fabien Clavel qui ne se repose jamais sur ses lauriers en s’attaquant à un nouveau sujet à chaque nouvel opus. Sa bibliographie a ouvert de nombreuses voies originales : c’est dommage que personne d’autre ne les ait empruntées. Mais j’ai vraiment un problème d’affinité / d’atomes crochus avec sa prose : je la trouve trop froide, comme s’il y avait de la distance entre mon expérience de lecteur et le travail de l’auteur.
Je l’avais déjà senti à la lecture de L’Antilégende, qui débordait d’esprit mais manquait d’âme, et je l’ai souvent ressenti à la lecture d’autres romans historiques auquel j’ai souvent reproché un manque de personnalité, de souffle, d’immersion, bref de fun pour être vraiment emporté…

En dépit de ses nombreuses qualités ce n’est pas vraiment le genre de livre dans lequel j’aurai envie de me replonger.

Quelques remarques supplémentaires :
1) L’histoire de la Hongrie est suffisamment riche pour envisager une suite : à quand par exemple le récit des hauts faits de Matthias Corvin ?
2) Après avoir lu Chien du Heaume et Le Châtiment des Flèches, je reste convaincu que le Haut Moyen-Âge peut constituer un cadre formidable pour une foultitude de récits.
3) Le western médiéval, j’y crois de plus en plus ! (heureusement que David Gemmell le maître de l’heroic fantasy anglais a suppléé au manque imagination de ses collègues)

note : 7/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

 
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