Mike Baron (scénario)
Mike Mignola et Jackson Guice (dessin)
d’après Michael Moorcock

Les Chroniques de Corum, tome 2 :

La Reine des Épées

Comic, fantasy
Publié en VF le 09 octobre 2019 chez Delcourt
Publié en VO entre septembre 1987 et mars 1988 chez First Comics (« The Chronicles of Corum #5–8 »)

Après sa défaite contre le seigneur Arioch, Corum a peu de temps pour se reposer. Il a provoqué la colère de la sœur d’Arioch, surnommée la Reine des épées. La prince à la robe écarlate doit poursuivre son combat contre les armées de Mabden et affronter la puissance de la Reine des épées elle-même. Confronté à d’immenses pouvoirs diaboliques de tous les côtés, Corum doit atteindre la Cité de la pyramide.

Coincé entre la dark fantasy baroque d’Elric de Melniboné et le post-apocalyptique décadent d’Hawkmoon, le prince Corum Jhaelen Irsei n’est pas la création la plus populaire de Michael Moorcock le Prométhée des genres de l’imaginaire, mais elle n’en reste pas moins très intéressante. Dans l’univers de Corum, les Vadghaghs et les Nhadraghs disposent d’une longévité qui fait la jalousie des humains nommés Mabdens, et il se sont fait la guerre guerre pendant des siècles sinon des millénaires avant de conclure à la la stérilité de leur affrontement, de faire la paix et de vaquer chacun de leur côté à leur occupation collectives ou personnelles au point de ne plus savoir faire la guerre et laissant à leur sort les Mabdens à la vie brève et au taux de reproduction élevé plus proche de la barbarie que la civilisation…

Il est étonnant que Michael Moorcock qui a toujours revendiqué sa tolkienophobie parte d’un Silmarillion transposé en Science-Fantasy…

La Reine des Épées suit en grande partie le schéma du Chevalier des Épées, mais les différences qui distinguent les deux récits n’en sont que plus intéressantes ! Corum n’agit plus seul mais en groupe, et sa quête de vengeance pour lui seul devient une quête de liberté pour tous (ce qui va faire de lui une légende dans son propre univers chez moult peuples qui ne sont pas le sien), il est de moins en moins donc de plus en plus acteur de son destin, et il maîtrise de mieux en mieux les pouvoirs néoromantiques de l’Oeil de Rhynn et de la Main de Kwll qui finissent par faire de lui un sacré grosbill. Mine de rien, ce récit fait la part belle aux personnage secondaires donc j’ai envie de rendre hommage parmi tant d’autres à Noreg-Han le roi sans royaume maudit par le chaos mais qui n’a jamais perdu l’espoir d’améliorer le sort de ceux qui lui ont été loyaux… Graal Forever !!!

– La haine ne doit-elle engendrer que la haine ? L’amour est-il incapable de proliférer ?
– Si le Seigneur Arkyn a raison, il n’en ira pas toujours ainsi. Mais ceux qui croient en l’amour doivent être prêts à mourir pour lui.

Dans un 1er temps, nous sommes dans un récit d’exploration. Grâce aux exploits héroïques de Corum, Arkyn de la Loi a remplacé Arioch du Chaos dans 5 des 15 plans. Si dans Le Chevalier des Épées, le Prince Corum découvrait un monde devenu humain par ses yeux d’elfes, dans La Reine des Épées il découvre le monde des yeux humains avec des yeux neufs… Dans chaque royaume, chaque, ville, chaque village, les s’affrontent les partisans de la Loi et les partisans du Chaos. Mais que peuvent l’amour et le pacifisme contre la haine et le bellicisme, surtout quand la haine et le bellicisme sont soutenus par une puissance étrangère impérialiste disposant d’une écrasante force de frappe ? (ce ne serait pas la première fois que l’auteur anglais Michael Moorcock dézingue la politique de l’Oncle Sam qui fut autrefois celle de la perfide Albion) C’est ainsi que Corum, la Margravine Rhalina et l’éternel compagnon qui porte désormais le nom de Jhary-a-Conel (et qui est lui-même accompagné du chat volant nommé Moustache) font route vers Halwyg la Cité des Fleurs du roi Onald pour organiser la résistance contre les hordes du chaos menées par Lyr-a-Brode le roi de Kalenwyr.

Dans un 2e temps, nous sommes dans un road trip science-fantasy voire Sword & Planet. Pour sauver le dernier bastion des plans naguère dominés par Arioch, la Team Corum doit s’allier au dernier bastion des plans toujours dominés par Xiombarg. C’est ainsi que pour trouver la Cité dans Pyramide la Team Corum affronte le lac aux voix, les plaines de sang, la rivière blanche, la brume jaune, l’armée figée, les chariots du chaos et les karmanaux de zert… Et au final nous découvrons les descendants des Vadghaghs qui n’ont rien oublié du savoir de leurs ancêtres (énergie nucléaire, rayons lasers, générateurs de gravité et machines quantiques) !

C’est là qu’on ajoute un 3e acte, avec le retour de la Team Corum sur leur plan d’origine pour soutenir le siège d’Hawyg mené par le Prince Gaynor le Damné, ancien champion de la loi damné pour toute l’éternité car ayant rejoint le camp du chaos pour l’amour d’une femme. Corum et Gaynor sont diamétralement opposés : le premier malgré tout ce qu’il a subi n’est qu’espoir, optimisme et loyauté, le deuxième en raison de tout ce qu’il a subi n’est que désespoir, cynisme et déloyauté. Leur duel a mort permet de faire pencher la Balance Cosmique en faveur des forces du bien. Les hordes du chaos composés de barbares, de molosses de guerre et d’ours-démons déferlent sur les derniers défenseur de la liberté, de l’égalité et de la fraternité (les véritables amateurs de fantasy auront immédiatement identifié le schéma récurrent du Cycle Drenaï de David Gemmell, maître anglais de l’heroic fantasy ayant su réconcilier les héritages de JRR Tolkien et Michael Moorcock qui pourtant ne se supportaient pas l’un l’autre). Les renforts d’outre-monde arriveront-ils à temps, Xiombarg du Chaos tombera-t-elle dans le piège tendu par Arkyn de la Loi ? Le suspens est total jusqu’au dernier moment !

Pouvait-on faire mieux en comics dans les années 1980 : je n’ai sais fichtrement rien, mais bon cela aurait été bien dur quand même… Coincé entre le texte de Michael Moorcock et les dessins d’un Mike Mignola en début de carrière mais déjà très mature et qui a tout compris en mélangeant science et magie, le scénariste Mike Baron livre une adaptation très fidèle mais très efficace. Alors en cours de route Mike Mignola est remplacé par Jackson Guice : le 2e essaye de rester fidèle au style du 1er, mais avec un peu moins de talent on sent fatalement la différence… Je reste très inquiet pour l’adaptation du Roi des Épées qui ésotérique, mystique et métaphysique pour ne pas dire cryptique est loin d’être le meilleur opus de la série…

note : 7/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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