Nicolas Jarry & Jean-Luc Istin (scénario)
Stéphane Créty (dessin)

Conquêtes tome 5

Enorus

Bande dessinée, science-fiction
Publiée le 18 mars 2020 chez Soleil

Les vaisseaux de la flotte canadienne gravitent autour d’Enorus pendant que les autorités recherchent le meilleur endroit possible afin d’y implanter une première colonie. C’est du moins la version officielle. La vérité ? Un phénomène de glaciation aussi brutal qu’inattendu a étouffé tout espoir de pouvoir un jour y vivre ! Enorus est morte et la flotte n’a pas suffisamment de ressources pour rallier une autre planète, à moins qu’elle ne sacrifie la moitié de ses vaisseaux, soit 200.000 personnes. Le gouverneur Murphy doit trancher…

Que se passe-t-il quand Nicolas Jarry auteur écœuré par le macronisme instrument de la ploutocratie mondialisée travaille en collaboration avec Jean-Luc Istin auteur écœuré par le macronisme instrument de la ploutocratie mondialisée ? Un récit noir c’est noir il n’y a plus d’espoir, où la fin du monde a lieu avant celle du capitalisme !

Après la destruction de la Terre (par les Humains eux-même nous a-t-on dit dans les tomes précédents, mais peut-être par les mystérieux Conquérants évoqués dans ce tome), c’est chacun pour soi et chaque peuple a tenté sa chance dans les étoiles… Pas de bol, la planète Enorus choisi par la flotte canadienne s’avère inhabitable prétendument à cause d’un phénomène glaciaire impossible à prévoir… *

L’Amiral Murphy est comme l’Adjudant Édouard Mahuzard dans le film Les Morfalous : dans l’accomplissement d’une mission tout perte inférieure à 100% est négligeable, et après avoir laissé crever des millions de ses compatriotes sur Terre il n’est plus à quelques centaines de milliers de victimes en plus ou en moins (en fait il a tout perdu, et il est prêt à tout et au reste pour sauver ce qu’il lui reste : son petit-fils génial mais autiste). Le gouvernement ment aux gens comme toujours, ici pour avoir le temps d’exfiltrer les « premiers de cordées », « les créateurs de richesses » et les « ressources nécessaires » à tenter sa chance ailleurs en laissant crever 85% des survivants. Mais les gens ont oublié d’être con, et c’est la révolution y compris parmi ceux qui avaient été sélectionnés pour faire partie de « ceux qui ont réussi leur vie ».

C’est Sean Carpenter le vieux de compagnon d’armes du Général Murphy qui le premier a proposé les mesures les plus désespérées. C’est un mec qui a tout vu et tout vécu, il est usé et fatigué, blasé et misanthrope, mais pour lui il y a une ligne rouge qu’aucun n’être humain ne doit franchir : on ne touche pas aux gosses qui incarnent l’avenir ! Ceux qui s’en prennent à eux perdent leur droit de vivre et leur monde ne mérite pas de survivre ! Il est trop tard pour être Jiminy Cricket, alors il sera Noé !!! (il y a malaise : ses faux airs de Denis Barjam sont-ils conscients ou inconscients ? on sait qu’il vient de démissionner de représentant syndical des auteurs de BD, exténué se heurter au mur des sinistres de la culture)

On venait de s’en prendre plein la gueule contre les Conquérants, sur Terre. Et maintenant, on s’en foutait plein la gueule entre humains. Est-ce qu’à un moment, on apprendrait de nos erreurs, putain ? Est-ce qu’à un moment on serait capables d’être solidaires ? De vivre ensemble ?

L’Amiral Murphy croit agir pour le mieux, mais chaque ordre donné rempli le vase de l’apocalypse, chaque être humain qu’il va envoyer en enfer au nom de l’intérêt général va devenir un domino prêt à faire tomber les autres. Et puis arrive ce qu’il doit arriver : la fin de monde survient une fois encore sans qu’on remette en cause cette saloperie de suprématisme teinté d’hypercapitalisme et d’ultralibéralisme. Non l’homme n’est pas un loup pour l’homme, car les loup ne se mangent pas entre eux : l’homme est un rat pour l’homme, car les rats sont des mammifères qui s’exploitent les uns les autres jusqu’à laisser crever de faim les leurs… Car alors que le compte à rebours est lancé, la nouvelle idée lumineuse des élites c’est d’attaquer la flotte de la Corée Unifiée encore en hibernation pour cannibaliser les « ressources nécessaires » à l’« optimisation de leur opérations ». Et comme il existe de gens qui préfèrent trahir leur camp que d’être complices de génocide, quelqu’un les prévient.

Un homme averti en vaut deux, et il ne faut jamais faire chier un Coréen : rien ne se passe comme prévu et c’est la guerre ! Pire encore, guidé par l’un des leurs rendu fou par la folie des siens, les Coréens englués au combat rapproché avec les pire des machines de guerre créées par l’humanité décide de mettre le cap ers la flotte canadienne pour l’emporter avec eux… Foutus pour foutus on décide de de mourir ensemble comme des idiots, plutôt que de vivre ensemble comme des frères. Et pendant qu’on nous assomme à grands coups de tragicness to the max, c’est la course entre l’ancien bras droit de l’Amiral Murphy qui veut sauver la dernière des innocentes et le nouveau bras droit de l’Amiral Murphy qui veut exécuter la dernière des innocentes… Dans tous les cas ou le premier bond dans l’hyperespace réussit, ou c’est la mort !

Les auteurs s’inspirent énormément de noirceur étouffante et nihiliste de la série Battlestar Galactica de Ronald D. Moore (les vrais savent), et ici j’ai lu un BD difficilement soutenable tellement elle te fout la haine et le cafard.et ici j’ai lu un BD difficilement soutenable tellement elle te fout la haine et le cafard. Entre Murphy archétype du PDG névrosé qui préfère la fin du monde à celles des idées qu’on lui a inculquées, et qui à aucun moment ne se remet en cause pour trouver un autre alternative, Hoffman caricature du DRH sociopathe qui n’est que trop content d’exécuter des ordres de plus en plus cruels et de plus en plus iniques, ou l’autre taré qui ordonnent à ses mecs surarmés et suréquipés de tirer à vue sur les civils c’est la foire aux monstres protégés par les autorités.

On massacre les mutins, on zigouille les fuyards, on exécute sans sommation des gens qui ne demandent que la possibilité de chercher une autre solution de leur côté. Et on se déchire entre ceux qui pensent que l’intérêt privé doit passer avant l’intérêt général, et que le confort de quelqu’un doit passer avant la survie de tout le monde : c’est le couple Ridcharson / Elisa qui illustre ces conflits idéologiques et tout finit mal, mais alors là très très mal… Au fond de la Boîte de Pandore, reste-il encore un peu d’espoir ? Par les temps qui courent, désormais rien n’est moins sûr !!!
Dans l’oreille on m’a soufflé que les dessins de Stéphane Créty seraient de moins en moins bons : ici colorisés par Olivier Héban, ils pètent une classe de ouf ! Même si c’est un ou deux tons en dessous, je n’avais pas autant kiffé la baston dans l’Espâce depuis le travail de Juan Giménez sur La Caste des Méta-Barons : l’artiste a peut-être raté sa vocation de SFiste ?

 

* ça fait partie des bullshits scientifiques du tome qui piquent les yeux mais qui servent à faire avancer l’intrigue (et à la résoudre aussi d’ailleurs), car il fallu 500 millions d’années pour que la Planète Mars change de la manière qui nous est vaguement décrite ici, mais pour les mandarins du petit-monde de l’entre-soi il est plus simple de parler d’un événement extraordinaire et inimaginable, aussi brusque qu’imprévisible, plutôt que d’avouer qu’ils se sont plantés en beauté ! (ça va causer des millions de morts, mais ils en ont rien à secouer puisqu’ils ont « raison ») D’ailleurs si on le voulait on pourrait rendre l’air de la planète Mars respirable en quelques siècles en envoyant des organismes de type algues ou lichens adaptés à son environnement (ça ou remorquer des astéroïdes de glace et la bombarder avec, mais on ne possède pas encore les moyens technologiques de faire ça), mais quand bien même il resterait deux problème de taille : 1) le champ magnétique s’est effondré et la majorité de la planète est balayée par des vents solaire radioactifs 2) au fil des chutes météoritiques, la planète s’est recouverte d’une sorte de couche de limailles de fer et les vents poussiéreux nous poncerait les poumons quand bien même l’air serait respirable…

note : 9/10

Alfaric

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