Simon R. Green

Darkwood, tome 5 :

Sang & Honneur

Roman, fantasy / dark fantasy
Publié en VF le 18 février 2011 chez Milady
Publié en VO en 1992 (« The Forest Kingdom #2 : Blood and Honor »)

Jordan s’est toujours targué de ses talents de comédien, mais est désormais confronté au plus grand défi de sa carrière. Transformé par magie en un double parfait du prince Viktor, fils cadet du roi Malcolm récemment assassiné, il a été engagé pour interpréter le rôle de son sosie dans la guerre de succession qui déchire Château Minuit.

Comme feu David Gemmell, qui a toujours revendiqué marcher dans les pas de Louis L’Amour, Simon R. Green écrit toujours la même histoire que désormais je connais par cœur… L’auteur est fan de Roger Zelazny, donc on passe joliment du Dallas Fantasy à l’Agatha Christie Fantasy, et il est pote avec Terry Pratchett et avec Grant Morrison donc il passe leurs méthodes à la moulinette Dark Fantasy (sans parler de toutes les références à la littérature anglaise assez cool et aux films et séries populares qu’on aime bien, genre Dr Who et James Bond, ainsi qu’un esprit comics toujours de bon aloi )
Pour ne rien gâcher l’auteur est entré en résistance contre cette saloperie de reagano-thatchéro-macronisme* ! (comme la quasi intégralité de la SFFF anglaise en fait)

 

Sept années se sont écoulées depuis la Guerre des Démons (cf. La Lune bleue) et le Grand Jordan, célèbre ménestrel désormais réduit au rang de romanichel, est engagé pour être la doublure du prince Viktor de Rougemont en raison de ses talents de prestidigitation… Le guerrier Gawaine de la Tour Rouge (oui on t’a reconnu Druss à la Hache), le Comte Roderick Crichton et le négociant Robert Argent lui servent de chaperons pour tenir son rôle dans le panier de crabes qu’est la cour de Rougemont… Lewis le géomancien, Viktor le pyromancien et Dominic l’aquamancien, sans compter Gabrielle l’aéromancienne mariée au régent William Howerd plus intègre tu meurs, se disputent la succession du roi Malcom mort si subitement et si mystérieusement…

Et pour ne rien gâcher, le Château Minuit a été construit sur un tumulus sidhe, et sans roi pour la domestiquer la frontière entre les mondes devient dangereusement poreuse (le trône de Rougemont jouant à la fois le rôle de la pierre qui hurle et du siège périlleux : remember la Quête du Graal)… Au début les fantômes sont plutôt drôles, puis arrive un bestiaire gothique plus ou moins patibulaire avant que ne déboulent en masse des horreurs cauchemardesques sortant directement du The Thing de John Carpenter…

Pendant que les princes et les aristocrates jouent à leurs petits games of thrones à la con (quitte à user et à abuser de la théorie du choc pour hâter les événements), Jordan lui lutte avec Catriona Taggert, Damon Cord, Matthew Doyle et tous les autres défenseurs du château pour sauver autant les les aristos que les prolos… Au fur et à mesure de ses choix Jordan gagne des alliés des deux côtés du voile qui sépare le monde des morts de celui des vivants, et quand vient l’heure de vérité c’est le peuple tout entier qui est prêt à se rallier à la cause de l’imposteur… Quand il n’existe plus personne de bien c’est à vous qu’il revient de devenir une personne plus grande et plus noble ! Jordan sait qu’il est la doublure d’un connard revanchard qui n’hésite pas à exécuter plusieurs dizaines de personnes sur un coup de tête et qui ne perd pas une occasion de cracher tout son venin sur les sans-dents censés se reproduire comme des lapins, mais il sait aussi que ses concurrents sont pires encore avec Lewis qui aime violer, torturer et tuer les femmes qui lui tapent dans l’œil, et Dominic l’hyperactif sociopathe qui finit par détruire tout ce qui suscite son ennui… Il est complètement déchiré car il sait que finalement c’est de lui que dépend la sauvegarde du monde !

Comme d’habitude avec l’auteur, on a droit à un super dramatis personae mis en scène comme la Duchesse de la Mort savait si bien le faire :
– Catriona Taggert occupe un rôle qui ne lui était pas dévolu à cause de son père et de son frère trop tôt disparus…
– Damon Cord se bat de tout son cœur pour une cause qui n’est pas la sienne en sachant que dans la défaite comme dans victoire il est voué à disparaître…
– c’est sans hésitation que Timothy Sang et Davey le Gris s’enfoncent dans les ténèbres pour sauver ce qui peut l’être…
– c’est sans hésitation que Matthew Doyle et Mère Donna suivent leurs traces pour s’enfoncer eux aussi dans les ténèbres…
– l’ancien bandit Brion DeGrange prisonnier d’un geis attend que les astres soient propices pour exercer sa vengeance…
– Gawaine hésite entre ses valeurs qui lui disent d’embrasser la cause du peuple et son honneur qui lui dicte d’obéir à celui à qui il a juré fidélité (quel excellent vassal, s’il seulement son seigneur en était digne !)
– Cœur de Fer, ancien parangon de chevalerie victime d’une trahison, attend désespérément sa rédemption…
– Geordie Mini le petit fantôme apeuré prend sur lui pour faire triompher la cause de la justice…
– et le Moine est prêt à tout et au reste pour que l’Irréalité triomphe de la Réalité !

 

Il n’y a pas de justice dans ce bas monde. En tout cas, pas de justice dont on peut s’accommoder.

On démarre comme dans Le Prisonnier de Zenda, classique la culture anglaise, et on poursuit comme dans Ghostbusters, classique de la culture populaire, pour enfin balancer entre révolution et coup d’État… Reste à savoir si on est dans Le Cuirassé Potemkine qui relatait l’année 1905 ou dans Octobre qui relatait l’année 1917 : l’aristocratie puante et arrogante, ce cancer de l’humanité dont on aimerait bien se passer, va-t-elle encore accoucher d’un nouveau Seigneur des Cendres ?

Au final le sort du monde se joue en l’âme d’un seul homme, et celui-ci pourrait être vous ou moi : êtes-vous prêt à laisser triompher les forces obscures de la crevardise, quitte à dérouler le tapis rouge à la Bête Immonde, ou êtes vous prêts à vous battre pour faire triompher la liberté, l’égalité et la fraternité ?…

Est-il utile de préciser que j’ai kiffé, voire surkiffé ??? On frôle le Rhââ lovely…
J’ai certes trouvé un peu moins de clins d’œil, de private jokes et de coolitude que d’habitude, mais cela est sûrement dû à la traduction de Benjamin Kuntzer qui doit être moins averti que Cédric Perdereau concernant les spécificités des univers déjantés de l’auteur punk…

* Le reagano-thatchéro-macronisme c’est l’arnaque du siècle ! Tous les politiques corrompus et les tous économistes dévoyés ont célébré les prétendus vertus d’un système qui a doublé le taux de chômage et triplé le taux de pauvreté de la population tout en faisant exploser les inégalités… Oui mais non, les grands théoriciens à la con continuent à agir comme les propagandistes staliniens : qu’on se le dise, la théorie du ruissellement vers le bas c’est bidon de chez bidon ! (les miettes qui tombent de la table du maître sont censées permettre au reste de la population de subvenir à ses besoins alors qu’on pourrait répartir équitablement les victuailles de la table du maître, qui rappelons-le pour les économistes à la con ne peut manger que 3 fois par jour) Si quelqu’un se réclame de ces merdes, jetez-lui des cailloux à la gueule et vous vous protégez ainsi du Mauvais Œil !

note : 8/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

 
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