Brandon Sanderson

Fils des brumes,
Tome 1 : L’empire ultime

Roman fantasy publié le 17 mars 2010 chez Orbit

Vin ne connaît de l’Empire Ultime que les brumes de Luthadel, les pluies de cendre et le regard d’acier des Grands Inquisiteurs. Depuis plus de mille ans, le Seigneur Maître gouverne les hommes par la terreur. Seuls les nobles pratiquent l’allomancie, la précieuse magie des métaux. Mais Vin n’est pas une adolescente comme les autres. Et le jour où sa route croise celle de Kelsier, le plus célèbre voleur de l’Empire, elle est entraînée dans un projet fou : renverser l’Empire.

Le très bon 1er chapitre nous immerge d’emblée dans un univers sombre et désespéré au sens propre comme au sens figuré (univers que le personnage principal n’aura de cesse de détruire, comme Paul Atréides dans « Dune »). Et avec le recul, ce 1er tome de Mistborn ressemble fort à un remake fantasy de « V pour Vendetta ». Kelsier, transfiguré par son martyr, à la fois fantasque et tourmenté, combat seul contre tous un système totalitaire auquel tout le monde s’est résigné.
N’y-t-il que lui pour résister au vil oppresseur ? Que nenni, mais c’est bien le seul à croire en une possible libération. Mais Vin l’adolescente, qui alterne séances de level-up et atermoiements de midinette, n’arrive pas à la cheville d’Ivy. Fin du rêve…

Quels miracles, quels progrès pourrait-on accomplir, si l’humanité devait mettre à jamais ses chamailleries de côté pour unir ses forces ? C’est trop irréaliste, j’imagine, pour l’espérer seulement.

Ne revenons pas sur le duo Kelsier / Dockson et leurs équipiers, qui rappelle le duo Locke Lamora / Jean Tannen et leurs amis, qui rappelait le duo Georges Clooney / Brad Pitt et leurs camarades, qui reprenait les rôles de Frank Sinatra / Dean Martin et leurs compères du Rat Pack… Mais on peut regretter que nombre de personnages potentiellement très intéressants ou à défaut très sympas ne soient qu’esquissés alors qu’on subi l’impératif de besoin de mettre en avant une héroïne adolescente (censée amener un lectorat adolescent ?).

Ne revenons pas sur les références aux kung-fu movies : les lignes bleues de l’allomancie remplacent les lignes vertes de 0 et de 1 de la Matrice, et les tractions / répulsions allomantiques remplacent les câbles du cinéma HK… Mais cela fait plaisir de voir des auteurs de chorégraphier leurs scènes d’action pour rendre leurs récits immersifs et donc captivants. Dommage que l’auteur abuse quelque peu de la ficelle au point de rendre parfois ses combats illisibles, et pire encore répétitifs.

Et je vous laisse le plaisir de la découverte concernant le très réjouissant système de magie : l’allomancie et la ferrochimie. Simples, cohérentes, efficaces et fascinantes… On se surprend presque à trouver tout cela très naturel !

Un autre point fort du roman c’est de dépeindre une révolution et donc de développer des thèmes sociopolitiques de bon aloi. La tyrannie du Seigneur-Maître s’appuie sur des aristocraties collaboratrices bouffies d’orgueil pour asservir les masses laborieuses. On s’inspire plus volontiers des luttes des classes du XIXe siècle que du médiéval fantastique, même si aux niveaux économiques et technologiques on doit naviguer quelque part entre la Renaissance et le XVIIIe siècle. En tournant les pages, on peut revoir « Les Misérables » de Victor Hugo, « Le Germinal de Zola », « Les Mystères de Paris » d’Eugène Sue… Mais avec l’économie de plantation et les problèmes de métissage l’auteur doit davantage se référer aux États-Unis esclavagistes.

Toutefois 3 bémols viennent ternir une chouette histoire et un fort bel ensemble :
– un vraie hétérogénéité de rythme (défaut constant dans tout le cycle et dans tous les livres de l’auteur : un truc vraiment très pénible)
On papote, on magouille mais finalement on agit très peu, du coup s’installe une routine avec le schéma préparatifs / palabres / mission d’espionnage / boulette / cata / rattrapage de la cata avant d’enchainer sur un autre cycle du même acabit.
Bref les 500 premières pages contrastent avec les 100 dernières truffées de twists, de révélations et de nouvelles interrogations.
– le personnage de Vin, qui fait ici office d’héroïne adolescente douée de grands pouvoirs latents qui ne demandent qu’à se révéler… On ne connaît que trop bien la chanson.
– c’est ballot de développer tout un univers pour quasiment le laisser quasiment de côté : on nous tease avec un univers post-apocalyptique où domine un soleil rouge caché par les pluies de cendres diurnes… on nous tease avec un cadre urbain où dominent des palais-cathédrales aux tours gothiques masquées par les brumes nocturnes… Mais on ne va pas plus loin ! Cela pourrait se justifier par les personnages underground, mais c’est un défaut récurrent à tous ses livres.

On peut aussi faire de nombreux parallèles entre l’Empire Ultime et le « Dune » de Franck Herbert : le Seigneur Maître = l’Empereur Dieu, Les Grandes Maisons = le Landsraad, l’atium = l’épice, les Ferrisiens = les mentats, le programme de reproduction = le Bene Gesserit, les Kandras = les golems teilaxu, et je ne parle même pas des citations de début de chapitre qui ressemble beaucoup aux mémoires de l’Empereur-Dieu !!!

Si on creuse, on pourrait découvrir qu’il s’agit d’un efficace attrape-tout (« Matrix », « V pour Vendetta », « Dune »…) Mais il ne faut pas bouder son plaisir, l’ensemble est de fort belle facture.

note : 8/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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