Max Landis (scénario)
Giuseppe Camuncoli (dessin)

Green Valley

Comics, fantasy / science-fiction
Publié en VF le 05 septembre 2018 chez Delcourt
Publié en VO en 2016 chez Image Comics (« Green Valley »)

Les Chevaliers de Kélodie sont les plus grands et les plus valeureux de leur contrée. Mais avant ce jour, ils n’ont jamais eu à faire face au pouvoir qui réside au cœur de la Vallée d’Émeraude. Ils vont devoir reprendre du service et s’embarquer pour une aventure sans pareille : mettre fin aux agissements d’un sorcier malfaisant et anéantir ses dragons. Mais un instant… En réalité, les sorciers et les dragons, nous sommes bien d’accord que cela n’existe pas, n’est-ce pas ?…

Cet album parfaitement réalisé par les éditions Delcourt regroupe les 9 épisodes de la mini-série Green Valley, mais de quoi ça parle ?

Les Chevaliers de Kélodie sont des légendes vivantes qui n’ont connu que la victoire, et qui ont balayé et détruit toutes les menaces qu’on leur a opposées… Sauf une, et ils ruminent leurs regrets et leurs remords dans dans les ruines de ce qui fut jadis le Royaume d’Erskine dont ils étaient les champions et qu’ils avaient juré de défendre au péril de leur vie. Réduits à l’inaction et la pauvreté, leurs failles resurgissent violemment :
– Ralphus qui a tout perdu et qui n’a jamais voulu être un leader se demande s’il n’aurait pas mieux fait de ne jamais être un héros et s’il n’aurait pas mieux vécu en ayant opté pour une vie paisible…
– Bertwald qui a toujours été son loyal second se demande s’il n’a pas toujours vécu dans son ombre, et si tout ce qu’il a ressenti pour lui n’a pas été entaché du sceau de la jalousie…
– Gulliver l’homme à la hache qui a toujours raconté des histoires ne distingue plus la fiction de la réalité et se demande s’il n’a jamais été autre chose qu’un mythomane…
– Indrid l’archer bon vivant se rend compte que rien ne l’a jamais satisfait, et se demande si quelque chose peut encore lui donner des frissons à défaut de donner un sens à vie…

Quand le jeune Perceval vient quémander leur aide pour délivrer les siens du mage maléfique Cyril le Noir et sa meute de dragons, ils savent au fond d’eux qu’il s’agit de leur dernière occasion d’échapper à la dépression… Sauf qu’on mélange allègrement Le Morte d’Arthur de Thomas Mallory et Retour vers le futur de Robert Zéméckis !

– Je pensais que les chevaliers étaient nobles, vertueux, et inébranlables…
– Je ne suis pas un chevalier, là ! Je ne suis qu’un homme, d’accord ?

ATTENTION SPOILERS Cyril le Noir est un fait Douglas Christy, un branlou spatio-temporel en rade qui rackette les paysans en métal avec ses imachins, ses nanotrucs et ses dinosaures apprivoisés, et que les failles dimensionnelles se multiplient dans le ciel à cause de ses conneries alors que la Patrouille du Temps désespère de lui mettre la main dessus avant que son prochain saut ne détruise définitivement le continuum espace-temps… Les Chevaliers de Kélodie sont le dernier rempart de l’Histoire, mais Ralphus est soumis à la tentation : la machine à voyager dans le temps pourrait lui permettre de sauver le Royaume d’Erskine et sa tendre et chère Amalia ! FIN SPOILERS

C’est super sympa et j’ai passé un bon en compagnie des Chevaliers de Kélodie, et j’aurais pu lâcher 1 étoile de plus mais mais il y a des trucs qui ne sont pas passés :

– si j’ai bien aimé les dessins dynamiques de Giuseppe Camuncoli bien encrés par Cliff Rahtburn et chouettement colorisés par Jean-François Beaulieu, mais on reste dans le cahier des charges castrateur des comics américains : découpage très classique, peu d’arrière-plans, peu de décors, peu de détail, mais par contre un maximum de gros plans avec peu de personnage qui en plus ont une fâcheuse tendance à se ressembler quand ils ne semblent pas clonés… ça et des onomatopées en vraiment très gros et trop gros caractères parfaitement superfétatoires (« VRRRRRRRRRRRRRRRRRR », « SKAKOOM! » « WHAM ! », « POW! », « FWOOSH! », « KRASH ! », « KRACK ! », « BAM! », « SHUNK! », « CRACKLE! », « KRAGA DOOM ! » : c’était déjà très kitsch il y a 50 ans, mais aujourd’hui c’est carrément ridicule)… en bref ni plus ni moins que les défauts et les limitations habituelles des comics mainsteam yankees, et je comprends leurs yeux ébahis quand ils tombent sur un top dessinateur européen de bandes dessinées

– dans les genres de l’imaginaire comme ailleurs, la règle d’or est que « si on croit à ton univers, on croira à ton histoire » : ici c’est galère entre le Moyen-Âge de pacotille qui semble sorti de chez Disney Corporation, et un futur proche daté de 2035 où les super-technologies sont si communes que n’importe quel branlou peut cartjacker une machine à voyage dans le temps… Alors si on ajoute un niveau de langage moderne et/ou familier parfois too much pour être honnête, ça le fait pas vraiment d’autant qu’au début les rafales de private jokes venant de personnes qu’on ne connaît ni d’Eve ni d’Adam c’est particulièrement frustrant

Bon je vais tomber sur le dos du pauvre Max Landis (fils de John Landis), mais sa postface est effrayante et j’ai comme l’impression qu’elle est représentative de la génération actuelle de scénaristes yankees : on veut à tout prix être hype donc on veut innover à tout prix pour se démarquer des autres et se distinguer de ses aînés… Mais originalité n’est aucunement synonyme de qualité, et à force de vouloir renouveler pour renouveler on finit par faire du réchauffé de chez réchauffé (or on peut très bien faire du bon neuf avec du bon vieux, et s’assumer entièrement en assumant ses héritages totalement)… Il nous explique qu’il a hanté le moteur de recherche google des nuits durant pour être sûr que personne d’autre n’avait déjà écrit la même histoire avant lui, donc il est très fier de son récit 100% original et 100% imprévisible… Monstres, mago psycho, voyages dans le temps, chevaliers dépressifs, buddy movie et epicness to the max : j’ai déjà lu tout ça, et en mieux, et il y a bine longtemps déjà !

PS: j’ai repéré avec ce titre un gros défaut qui n’appartient qu’au monde des comics, à savoir que l’auteurs sont tellement habitués à des séries qui durent depuis des décennies et que tout le monde connaît que dans de nouvelles séries ils ne se donnent même plus la peine de présenter, camper et développer les personnages !

note : 6/10 (malgré ses défauts j’avais envie de laisser sa chance au produit comme on dit)

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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