Eric Nylund
d’après Bungie Studios

Halo, tome 1 :

La Chute de Reach

Roman, science-fiction / guerre
Publié en VF en mars 2004 au Fleuve Noir
Publié en VO en 2001 (« The Fall of Reach »)

Ceci est l’histoire d’une guerre… et d’un homme en particulier. L’humanité a colonisé des centaines de planètes, et forme désormais un immense empire que le Commandement Spatial des Nations Unies a bien du mal à contrôler. Sa dernière chance face à la guerre civile ? Le projet secret du docteur Halsey. Tout commence avec soixante-quinze enfants, parmi lesquels un petit garçon de six ans prénommé John. Personne ne pouvait alors deviner que cet enfant représenterait un jour le dernier espoir de l’humanité face à une invasion extraterrestre d’une ampleur et d’une brutalité sans précédents. Car ceci est l’histoire de John, le Master Chief… et celle des batailles qui ont mené l’humanité au bord de l’extinction !

Je ne connaissais la franchise vidéoludique Halo que de nom, mais au vu du nombre de ses fans et de leur enthousiasme je me faisais une joie de la découvrir par le biais de ses adaptations novelisés : bien installé, bien équipé, avec les musiques du jeu en fond sonore j’avais vraiment envie d’avoir envie mais ce n’a pas marché avec moi… Donc désolé par avance pour les fans ou tout simplement ceux qui ont aimé, mais j’ai bien peur qu’on soit parti pour une critique à charge !

La Chute de Reach est peu ou prou le préquel de la saga, donc on découvre l’univers en même tant que John 117, destiné à devenir l’Adjudant (quel nom pourri) / le Master Chief (quel nom pourri ), ce qui est fait une introduction parfaite. Pris un à un aucun de ses défauts n’est rédhibitoire, mais mis bout à bout le résultat est de la SF militaire mainstream qui souffre de la comparaison avec Jack Campbell qui est pas mal et avec David Weber est bon, et on n’arrive pas à la cheville de Dan Abnett qui est excellent (il offre plus de bruit et de fureur en 20 pages qu’Eric Nylund en 500 pages, et lui ne loupe pas ses descriptions et ses caractérisations !). L’origin story du super-soldat SPARTAN qui avec sa super-armure MOJLNIR et sa super-IA Cortana va combattre les hordes Covenants sur un Anneau-Monde pour sauver une humanité en état de siège et dépassée en nombre et en technologie, emprunte beaucoup et parfois en frôlant dangereusement avec les limites du plagiat :

– à Etoiles garde-à-vous ! de Robert Heinlein (d’ailleurs les héros des deux romans s’appellent John), mais sans narration à la première personne donc sans immersion dans ses pensées et ses sentiments, et sans toutes les réflexions de l’auteur sur l’autorisation et la militarisation de la société (le roman d’anticipation pouvant se lire comme un manifeste crypto-fasciste, mais pouvant encore plus se lire en creux comme un manifeste antifasciste avec les petits cailloux blancs semés çà et là)

– à La Stratégie Ender d’Orson Scott Card, mais sans quête d’apprentissage, sans relationship drama, sans empathie et sans humanisme… je crains fort que la démarche ne soit sans intérêt puisqu’on garde tout ce qui est bourrin pour oublier tout ce qui est humain !

– à Captain America, mais si les super-soldats durant la WWII c’était cool, à l’époque des IAs qui gèrent des vaisseaux entiers qu’est-ce qu’on s’emmerde avec programme militaire douteux sur le plan éthique et inutile sur le plan pratique, au lieu de monter à la chaîne des drones de combats téléguides par des êtres de chair et de sang ou de métal et de plastique ?
Dans tous les cas on se retrouve avec des Spaces Marines, mais si cela marche très bien dans « Warhammer 40000 » c’est parce qu’on est dans la dystopie et dans le 2e degré, alors que là on a affaire à un américanisme très sérieux et on insiste bien sur les valeurs yankees alors que cela ne semble pas gêner grand-monde qu’elles soient bafoué en partie ou en totalité : on enlève des enfants, on leur lave le cerveau, on leur fait subir des modifications physiques et physiologiques à fortes probabilités de mortalité pour défendre « le monde libre »… Et je ne parle pas du fétichisme des autorités pour les bombes nucléaires : on dirait les généraux McArthur et McNamara qui à chaque problème réclamait l’usage de l’arme atomique, et on sent les gros frustrés qui aurait bien aimé utiliser l’arme atomique en Corée, au Vietnam, en Irak, en Iran, en Afghanistan et tutti quanti…

– J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles d’importants combats auraient été menés à proximité de la colonie de Harvest.
– Vos informations sont périmées, Adjudant-chef. Les combats ont pris fin sur Harvest. Car Harvest n’existe plus.

* Sur le fond :

Si on croit en ton univers on croit en ton histoire, et moi je n’ai cru ni à l’un ni à l’autre… Les fans d’Halo présente l’univers de la franchise comme étant hyper riche mais il est hyper simple en fait : l’humanité galactique du XXVIe siècle c’est l’Empire Américain d’aujourd’hui avec colonies extérieures = far west, colonies intérieures = middle west et système solaire = nord-est industriel, et on insiste bien sur les rôles joués la Navy 100% américaine, sur les Marines 100% américains et les dollars 100% américains (et sur le placement de produits 100% américains, mais j’y reviendrai). Pire les WASP se taillent la part du lion, et c’est à peine si quelques noms à consonance ethniques slaves, asiatiques ou latino-américaines rappelle que les États-Unis sont un pays d’immigration : donc dans l’avenir les USA ont annexé et absorbé tout l’Occident et les Chinois, les Indiens, les Arabes, les Africains et les Latino-Américains n’existent plus ! (On sait maintenant depuis longtemps que les Américains son autocentrés, que la SF américaine est autocentrée, que la SF militaire américaine est autocentrée, mais là c’est la énième série yankee qui semble ignorer que le monde existe en dehors des 50 États de la bannière étoilée : ce n’est plus affligeant, c’est carrément flippant)

Bien sûr les Américains sont les « gentils » qui protègent « le monde libre », et les autres sont des « méchant » donc après les méchants nazis, les méchants soviétiques et les méchants terroristes c’est tout naturellement qu’ils doivent lutter contre les méchants aliens, et je trouve assez douteux qu’après les attentats du 11 septembre 2001 (d’ailleurs il y a un méchant qui s’appelle « Laden ») les scénaristes du jeu ait choisi comme streums à génocider une alliance multiethnique de fondamentalistes religieux (qui « jacassent », « poussent des cris aigus » et « des grognements gutturaux » : c’est pas gagné les négociations si on traite ses interlocuteurs d’animaux)…

Et il y a des passages orienté avec la comparaison sur la Guerre de Sécession (les humains 100% américains reprenant les techniques des insurgés contre les aliens qui 100 % antiaméricains qui utiliseraient les techniques des Loyalistes), avec cet amiral patriote qui déclare que Reach ne sera pas un nouveau Pearl Harbor (franchement qu’est-ce que l’humanité en aura à foutre du drame de Pearl Harbor au XXVIe siècle !), et puis avec le projet SPARTAN pour faire des super-soldats d’élite protégeant l’humanité américanisée des aliens qui fait référence aux super-hoplites d’élite protégeant l’humanité grécisée des barbares… Tout cela est du pain béni pour les suprématistes blancs, si on oubliait que l’élitisme d’aujourd’hui a le même horizon que celui d’hier : non le choc de civilisation, mais son extinction par dégénérescence et déliquescence !

 

* Sur la forme :

Comme les explications sont réduites au minimum pour se visualiser l’univers c’est galère, et comme il n’y a aucune description il n’y a aucune ambiance ! Par contre on s’attarde à chaque occasion sur les armes et leur fonctionnement (avec des incohérences bizarres puisque qu’on veut faire de la SF hyper-futuriste tout en ressemblant le plus possible aux opérations commando d’aujourd’hui, ou alors pourquoi enlever des enfants si tu peux les cloner ?, ou ces IA fabriquées avec des engrammes de cerveaux clonés : si on peut cloner des cerveau et les utiliser sans qu’ils sombrent dans la folie pourquoi s’emmerder avec des IA qui doivent coûter un pognon de dingue ???), ce qui est du fanservice pour les membres de la NRA ou une manière de compenser pour les millions d’Américains qui aurait bien aimé faire l’armée mais qui ont été recalé pour obésité…

Les relations / interactions entre les personnages sont réduites au minimum, et la caractérisation est inexistante : qu’est que c’est que ces personnages qui ne sont pas présentés, qui ne sont pas décrits et qui ne parlent même pas entre eux ! Il ne peut aucunement bénéficier de notre attachement faute du moindre capital sympathie, donc j’étais Mort de Rire quand on en fait des caisses sur le sacrifice héroïque du dénommé Sam à grand renfort de pathos : je ne sais pas qui c’est, c’est à peine si on m’a donné son nom donc j’en avais strictement rien à faire qu’il vive ou qu’il meure, et c’est la même chose pour tous les personnages du roman y compris son Steve Rogers éco+ ! D’ailleurs autre gros défaut de la SF militaire mainstream, la distinction de classe voire de race entre militaire et civils : ceux qui ne sont pas soldats ne sont pas nommés, sont considérés comme des sous-citoyens voire comme des sous-êtres quand on parle d’eux, et impossible de trembler pour l’humanité menacée par les Covenants parce qu’on les voit jamais vivants ou morts (d’ailleurs notons bien qu’il n’existe aucune autorité autre que militaire, aucune recherche autre que militaire, aucune information autre que militaire et ainsi de suite). de la même manière le côté « super-soldat » n’est super emballant puisqu’on ne voit guère les soldats normaux pour prendre conscience de qu’ils ont d’extraordinaire, et ça c’est bien dommage !

Déjà que tout cela n’est pas super excitant à suivre, on rush en passant de la petite enfance de John 117 à son arrivée sur Halo ce qui multiplie les ellipses y compris durant la grande bataille finale qui m’a semblé survolée. L’ensemble reste fluide, donc je pourrais le conseiller aux néophytes, aux easy readers, et à tous ceux qui voudraient un truc facile et rapide à lire pour se remettre le pied à l’étrier après un gros pavé plus ou moins exigeant, parce qu’en dépit du manque de tout les scènes d’action de type « commando » ou de « type bataille spatiale » sont plus plutôt bien fichues quoique répétitives car sans doute vidéoludiques (et le vidéoludisme quand tu n’es pas acteur de l’action la manette en main c’est quand même un peu chiant, d’autant plus que comme on ne tremble ni pour les personnages ni pour l’univers ce n’est pas le suspens qui étouffe le lecteur).

Après j’ai trouvé que l’auteur n’était pas dupe, puisqu’à chaque fois qu’on en rajoute une couche dans le manichéisme il se fait une joie de préciser que si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes avant l’arrivée des aliens pourquoi l’armée passait son temps à mater vainement des rébellions ? Halo est un jeu Xbox donc Microsoft donc et il faut suivre le cahier des charge en plaçant dans le récit de manière presque publicitaire les produits et l’idéologie Windows (je suis d’accord avec les Covenants : une civilisation basée sur le système d’exploitation Windows ne mérite pas de survivre), mais à chaque fois qu’on a la mise en scène d’un i-machin on a droit à des « recherche en cours », des « connexions perdue », des « initialisations interminables », des « bugs inexpliqués » et des « plantages généralisés »… C’est presque un running gag, et en ne jouant pas les lèche-cul de Bill Gates, l’auteur est grandement remonté dans mon estime !

 

On a aussi une trentaine de page de bonus : cela n’amène rien à l’univers, rien à l’histoire, rien aux personnages, et ce n’est ni plaisant ni intéressant donc c’est juste du gâchis de papier !

note : 5/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

 
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