Howard Chaykin (scénario)
Mike Mignola (dessin)
d’après Fritz Leiber

Le Cycle des Épées, tome 1 :

Mauvaise Rencontre à Lankhmar

Comics, fantasy / sword & sorcery
Publié en VF en janvier 1991 chez Zenda
Publié en VO en octobre 1990 chez  Epic Comics (« Ill Met in Lankhmar »)

Par-delà les abîmes du temps et les dimensions inconnues rêve le monde antique de Nehwon, avec ses tours, ses crânes et ses joyaux, ses cavaliers, ses sortilèges et ses épées. C’est là que, loin au sud, aux bouches sableuses du fleuve Hlal, entre la Mer Intérieure et le Grand Marais Salé, se dresse la métropole de Lankhmar, aux murs massifs, aux rues sinueuses, pleine de voleurs, de prêtres tondus, de magiciens maigres et de marchands bouffis. La Cité de la Toge Noire était un lieu de rencontre approprié pour Fafhrd et le Souricier Gris, ces deux crapules fantasques. A travers le brouillard, à la lueur des torches lointaines, ils se jetèrent un regard de défi. Fafhrd, un barbare des Déserts Froids, on le voyait bien. Le Souricier, plus mystérieux, mais qui faisait penser à des espaces brûlés de soleil. Deux fragments d’un même héros. Leur amitié serait plus longue que mille quêtes. Mais ils ne le savaient pas encore.

Le parcours d’auteur de Fritz Leiber est au départ pas si éloigné que cela de celui de R.E. Howard (la grande différence entre les deux étant que l’un piochait dans le passé du théâtre et l’autre dans l’avenir du cinéma) : à une époque où les genres de l’imaginaire sont confondus les uns avec les autres il est proche des mentors H.P. Lovecraft et Edgar Rice Burroughs… Mais lui a toujours gardé la triple casquette Science-Fiction, proximité avec Heinlein et Asimov oblige, Fantastique, proximité avec Richard Matheson oblige, Fantasy, proximité avec Lin Carter oblige. Son Cycle des Épées écrit qui s’étend sur 50 ans d’écriture est un classique du genre parfois copié tel quel par une multitude d’auteurs (Terry Pratchett, Stephen King, Scott Lynch, Pierre Pevel, Thomas Geha pour ne citer qu’eux parmi tant d’autres).

Multiple vainqueur des prix Hugo, Nebula, Locus et World Fantasy, il a été membre de la Science Fiction Writers of America, de la Horror Writers Association, et fondateur de la Swordsmen and Sorcerers’ Guild of America (SAGA, les lecteurs de Wyld vont applaudir des deux mains), avant de rejoindre post-mortem la Science Fiction and Fantasy Hall of Fame. Est-il le précurseur ou le frère caché américain de l’anglais Michael Moorcock ??? Toujours est-il que ce pilier des genres de l’imaginaire a été après la mort de son première femme victime de sévères addictions, un expédient en remplaçant un autre, et qu’il a vécu difficilement avant que TSR ne lui fasse un pont d’or dans les années 1980 pour racheter les droits adaptation de ses créations et qu’il ne retrouve l’amour juste avant de nous quitter pour rejoindre les mondes qu’il avaient crée de son vivant. Car comme Michael Moorcock, Fritz Leiber a toujours été adepte des concepts cycliques et environnementalistes de Carl Gustav Jung, ainsi et de la théorie du Héros aux mille et un visages de Joseph Campbell !

Dans le domaine de la Fantasy, il a marqué le genre de son empreinte avec son Cycle des Épées, un ensemble de nouvelles et de romans écrits s’étalant sur 50 ans d’écriture qui racontent les heurs et malheurs de deux compères, Fafhrd un grand bourrin venu du Nord, et le Souricier Gris un petit roublard venu du Sud, amis pour le meilleur et pour le pire tous les deux marqués par la perte du grand amour de leur vie. Ils sont morts à l’intérieur, mais ils vont cracher à la gueule du destin en défiant hommes, démons et et dieux ! C’est ainsi qu’ils deviennent des légendes vivantes à leur cœur défendant en sauvant à plusieurs reprises le monde qui les a vu naître, et ils irritent tant les Seigneurs de la Nécessité que ceux-ci missionne la Mort et la Douleur pour se débarrasser d’eux, en pure perte évidemment car ils ne sont pas des hommes mais des idées, mieux ils sont l’incarnation même de la liberté !!! Un jour ils vont retrouver l’amour donc la paix, en sauvant une nouvelle fois le monde de la folie des hommes et des dieux « but that is another story »…

[Fafhrd] Il y a des jours où la civilisation a ses revers.
[Souricier] Certes, certes… Pourquoi sinon, l’appeler civilisation ?

Ce tome 1 justement intitulé Mauvaise Rencontre à Lankhmar et paru en 1990 raconte cette fameuse rencontre entre Fafhrd et le Souricier Gris, deux voleurs agissant en franc-tireurs dans une cité médiévale-fantastique où la Guilde des Voleurs punit de mort les « non-syndiqués »…

On fait l’impasse sur l’origin story de l’un et de l’autre : ce n’est pas gênant, mais cela aurait été bien de mettre en parallèle l’explication de leurs arrivées à Lankhmar (on fait un flashback en bonnes et dues formes pour Fafhrd alors qu’on se contente de quelques phylactères pour le Souricier Gris : ce n’est pas comme si le tome 3 allait au contraire développer un très jolie symétrie à ce niveau-là). Bref nos deux compères braquent les mêmes personne de la même manière, quitte à se mettre à dos la très puissante Guilde des Voleurs : ils font 60/60 sur leur butin avant de rejoindre et de se présenter respectivement leurs dulcinées respectives. D’un côté Vlana l’actrice a arraché Fafhrd à une société matriarcale conservatrice, mais elle a déclaré la guerre à plus puissante qu’elle ; d’un autre côté entre son père Glavas Rho sorcier et tyran et le Sourcier apprenti sorcier et amant Ivrian a fait son choix sans pour autant supporter son changement de statut social…

C’est en mode Cartouche que Fafhrd et le Souricier essaient en duo de rouler dans la farine la Guilde des Voleurs : ils ont visé trop haut et rien se passe comme prévu, mais ce n’est pas eux qui vont payer les pots cassés mais celles à qui ils tiennent et qui vont périr de la pire des manières, à la fois horrible, terrible et tragique. Les deux compères deviennent alors la Colère de Dieu sur Terre, et si la Guilde ne s’en remettra jamais eux aussi car la vengeance ne ramène jamais les morts à la vie…

 

Décidément Mike Mignola a la SFFF dans le sang : après avoir adapté Michael Moorcock il adapte Fritz Leiber son âme sœur avec son style si particulier encore en gestation, et ensuite il développera son propre univers avec Hellboy avant de se lancer dans tel ou tel projet toujours en rapport avec les genres de l’imaginaire (Dracula, The Witcher, et tutti quanti).
Le scénariste Howard Chaykin assure la transition entre l’auteur et le dessinateur dont le style si particulier est encore en gestation, en jouant pour le meilleur comme pour le pire la carte de la théâtralité. Après, et c’est les goûts et les couleurs de chacun, j’ai trouvé que si Al Williamson faisait le taf au niveau de l’encrage, Sherilyn van Valkenburgh nous offrait une colorisation assez terne… Les albums publiés par Zenda étant devenus des objets de collection qu’on ne trouve que chez les bouquinistes les plus aguerris, amis lecteurs et amies lectrices il faudra se replier sur l’intégrale publiée par Delcourt. (Après c’est dommage que l’adaptation en comics soit passé à côté de la plupart des meilleurs récits de la saga d’origine…)

note : 7/10

Alfaric

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