Nicolas Jarry (scénario)
Nicolas Demare (dessin)

Nains, tome 10 :

Abokar du Bouclier

Bande dessinée, fantasy / heroic fantasy
Publiée le 24 janvier 2018 chez Soleil

Trente-huit ans ont passé depuis la mort de la jeune Tiss. Abokar a été le seigneur de bataille du grand-père du roi actuel. Il est vieux, très vieux, il combat depuis plus d’un siècle. Il n’est plus que l’ombre du guerrier qu’il a été jadis. Son corps, habitué à la rudesse des campagnes, le fait souffrir, et ses pensées semblent parfois le fuir… Abokar sait qu’il est temps pour lui de tirer sa révérence…

Je ne peux pas vous mentir : ce tome 10 intitulé Abokar du Bouclier aurait pu tout aussi bien s’appeler « Dohan du Bouclier », car ce dernier raconte la vie d’Abokar, puis la sienne, puis celle qu’ils ont mené ensemble avant que ce dernier n’entre à tout jamais dans l’éternité…
Abokar est un maître de guerre autoritaire, inflexible, impitoyable, et surtout une caboche de mulard. C’est le plus grand général de son temps et peut-être un des plus généraux de tous les temps, et un un chef de guerre à l’ancienne d’abord et avant tout soucieux de la protection de ses concitoyens et de la sauvegarde de ses soldats, l’irremplaçable vie passant avant toute autre considération. En cela il est totalement anachronique car il officie à une époque ou gouvernent des crevard politicards et banksters pour qui les individus ne sont que ressources corvéables et sacrifiables à merci, destiné à naître, souffrir et mourir pour préserver leurs biens matériels et financiers, ainsi que les petits intérêts bien calculés…
SPOILER niveau 1
Mais Abokar est proche de la fin, rongé par une maladie débilitante qui emporte morceau par morceau son corps et son esprit, et il ne souhaite plus qu’une seule chose : réussir là où ses prédécesseurs ont échoué, en partant en beauté ! Il réalise le plan de bataille parfait pour remporter une victoire totale qui épargnera le maximum des siens, tout en lui offrant un duel de légende suivi d’une mort glorieuse. Pas de bol, son premier capitaine lui sauve la vie… Abokar pète un câble, déserte son camp et disparaît de la surface du monde, du coup Dohan est accusé d’avoir égaré son auguste dépouille, et par loyauté il n’a pas le cœur à révéler la vérité…
SPOILER niveau 2
Dohan déjà mal vu pour avoir été accepté dans l’Ordre du Bouclier, son handicap ayant été contrebalancé par la mort héroïque de la première naine combattante (voir tome 5), est muté à Talas-Kadrum le Mur des Corbeaux, où la lie de la société naine est envoyée faire le guet en attendant un hypothétique retour des derniers renégats d’Ufgrim (voir tome 3, et les vieux routards reconnaîtront les Nains du Chaos de l’univers Warhammer).

On serait peu ou prou entre GOT et Le Désert des Tartares, si la menace n’était pas réelle : Dohan prend son rôle très au sérieux et lors d’un patrouille d’exploration/investigation découvre les renégats nains soit disant morts et enterrés depuis des siècles mettre la main sur une couronne de sorcellerie permettant d’invoquer les fils de la roche et de la lave…

Comment peut-on simplement prendre sa retraite quand on a été une légende ?

SPOILER niveau 3
Les renégats nains écrasent le Mur des Corbeaux et ses défenseurs, puis font déferler leurs hordes sauvages de soldats-esclaves ogrelins sur les terres des nains, et à cause des terrible golems invoqués par leur souverain nulle forteresse n’est à l’abri de l’anéantissement… Seul survivant des siens, Dohan part à la recherche d’Abokar, car seul le génial stratège peut encore sauver le peuple nain. Dohan et Abokar offrent une solution à leurs souverains (ils ont en commun Tiss : l’un a perdu le meilleur soldat qu’il ait jamais eu, l’autre a perdu la meilleure sœur qu’il y ait jamais eu), mais elle passe par l’abandon des traditions et des privilèges, bref des préjugés à la con des élites à la con (ben oui malgré le suprématisme de mes couilles, on est tout fait pareil, on saigne tous pareil, et on meurt tous pareil)… Les négociations furent âpres, certains préférant extinction de leur civilisation plutôt que que de rogner sur leurs revenus au-delà du réel d’uberrichs au-delà du réel… Mais les nains du Bouclier et les nains des Errants redeviennent compagnons d’armes pour la première fois depuis des siècles, et l’espace d’un instant le fils d’Oösram et le frère de Tiss combattent dos à dos : s’ils avaient pu se parler, la face des Terres d’Arran monde aurait pu en être changée ! (et elles peuvent encore l’être si le TINA reagano-thatchéro-macronien ne parvient pas à l’emporter sur la motivation des auteurs)
SPOILER niveau 4
Pour vaincre il faut attirer adversaire dans un piège, et Abokar s’offre donc en appât donc en sacrifice pour remporter la victoire. Donc tandis que politicards et banksters continuent de donner des leçons en gardant leurs miches bien à l’abri (refrain que trop bien connu), nains et naines de tous les ordres forment un denier carré autour de leur dernier héros…

C’est ainsi qu’Abokar du Bouclier perd la bataille mais gagne la guerre, entrant ainsi dans l’éternité : la mort qu’il rencontre enfin est mille fois plus glorieuse que celle qu’il avait choisi et organisée pour la simple et bonne raison qu’il est passé de l’égoïsme à l’altruisme…

Encore une fois encore un excellent scénario de Nicolas Jarry qui décidément mange du lion depuis qu’il a tout relu Marx et Engels, Michael Moorcock et David Gemmell (quand viendra le Grand Soir, assistera-t-il à la pendaison du dernier banquier avec les tripes du dernier politicien ?), et encore une fois des dessins qui bien que satisfaisants restent en deçà voire très en deçà de la belle histoire qui nous est contée (et pourtant Nicolas Demare est loin de démériter, mais ce n’est pas un top dessinateur).

note : 8/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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