Vincent Mondiot

L’Ombre des Arches

Roman, fantasy / dark fantasy
Publié le 08 novembre 2019 chez Mnémos

Elsy et Elodianne sont deux amies d’enfance. L’une est mercenaire, rompue aux bagarres de rue et aux affaires retorses ; l’autre est une mage du gouvernement, au cœur des intrigues politiques du Palais central. Envoyée en mission diplomatique dans la lointaine province d’Aurterre avec Elsy pour garde du corps, Elodianne y voit une opportunité pour sa carrière mais aussi une occasion de décompresser. Pourtant, ce voyage prendra une dimension qu’aucune des deux femmes n’aurait osé cauchemarder. De cité en cité, entre ports resplendissants et villes industrielles chargées de poussière, Elsy et Élodianne écriront malgré elles une page cruciale de l’histoire de l’État des Arches, qui pourrait commencer par À l’aube de la révolution…

Après Les Mondes-Miroirs, Vincent Mondiot continue en solo à nous faire parcourir l’univers des « Chimères de Mirinar » (enfin en solo c’est vite dit, puisque qu’à l’origine on part d’une création collectif avec Raphaël Lafarge et Matthieu Leveder).

Pour rappel :
l’État des Arches s’est construit sur des structures de plusieurs kilomètres de haut reliant les régions de Loffrieu, Aurterre, Hurquoine, Lazirac, Carando et Atépéha, en leur centre la capitale tentaculaire de Miricène (une Bespin arcanepunk aux bon vieux relents de XIXe siècle industriel donc prolétaire et révolutionnaire) et de part le monde des statutes titanesques (personne ne sachant qui les a construites, pourquoi elles ont été construites et pourquoi, ni même ce qu’elle représente). Puis vient la Guerre de Loffrieu que l’ont peut qualifier apocalypse lovecraftienne puisque les créatures des Grands Anciens se sont mis à contaminer de façon pandémique toutes les contrées avoisinantes faisant dangereusement muter l’environnement.

L’Ancien Régime ayant fait preuve de son incompétence en toutes autres choses que de conserver et augmenter ses privilèges, Teliam Vore, Corbès Salven et ont pris la tête de l’armée pour lancer le Grand Soir, pour abattre le régime théocratique d’un côté et pour stopper l’invasion horrifique d’un autre côté. Les révolutions ça tournent toujours mal, surtout quand dans un société très croyante et très religieuse on s’aperçoit que Dieu n’existe pas ! Teliam Vore est mort, Corbès Salven se prend pour Frédéric-Guillaume Ier, et seul face à l’État de siège Ocreste Damnis est haï de tous soit parce qu’il a renier la révolution pour endosser le rôle de despote éclairé, soit parce que ses réformes démocratiques et méritocratiques hérissent le poils des aristocrates et des théocrates. Parce qu’il doit moderniser à marche forcé son pays s’il de dernier veut avoir une chance de survivre à l’apocalypse : des paysans illettrés ne peuvent faire dans ce qui ressemble à une guerre bactériologique, donc il faut l’éduquer pour qu’il puisse fabriquer et utiliser les nouvelles armes ce qui fait entrer la population dans l’âge industrielle (la magie étant traitée dans les romans comme la science IRL). Tout cela est passionnant, mais la guerre bactériologique contre les créatures lovecraftienne reste une toile une fond, et les thématiques politiques toujours d’actualités puisque plus les changent et plus elles restent les mêmes sont finalement abordées essentiellement en interludes. Alors on le temporel et le spirituel qui se tiennent par la barbichette et qui sont obligés de se supporter et de collaborer, car l’État ne peut supprimer l’Église sauf peine qu’une énième « marche pour tous » ne dégénère en contre-révolution, et l’Église ne peut supprimer l’État car sans lui les créatures lovecraftiennes déferlerai dans tous les pays. Mais on aussi les conservateurs qui ne comprennent pas que le propre d’une révolution c’est qu’on ne peut pas revenir en arrière, et les réformateurs qui ne comprennent que si on va plus vite que la population on déclenche une nouvelle révolution… *

C’est en forgeant qu’on devient forgeron :
Clairement Vincent Mondiot a beaucoup appris de ses premières expériences d’écrivains : j’ai trouvé l’ensemble mieux écrit et mieux construit, on lâche du lest sur le trash talking moderne dans des dialogues qui gagent en fluidité donc en qualité. Il ajoute ce qu’il manquait au « tome 1.2 » pour trouver un meilleur équilibre et un meilleur rythme, mais il retranche aussi 2 ou 3 trucs donc ce n’est pas encore totalement abouti. Mais il est près, très près, tellement près de passer le cap pour entrer dans le cercle fermé des maîtres de l’epicness to the max capables d’associer et de mélanger grande aventure et grande tragédie… Vivement le prochain, hein !
Ce qui manquait au « tome 1.2 » c’est l’approfondissement de la relation entre Elsy et Elodianne, et ici on est un plein dedans (même si Basilien et Ohya en font les frais). Grosso modo grâce aux terroristes ayant usurpé le nom de Teliam Vore le défunt super-magicienne, la science magique a réalisé un formidable bond en avant qui pourrait changer toute la société. En tant que mage miroitiste de grand talent Elodianne « la tête froide» doit réaliser une tournée de présentation dans tout le royaume, et elle invite Elsy « les jambes chaudes » comme garde du corps. Elle est toujours d’en l’esprit de se réconcilier avec elle avec des « vacances entre filles », puisqu’Elsy qui est restée au ghetto lui reproche toujours d’avoir rejoint les beaux quartiers. Sauf que cela part rapidement en cacahuètes…

 

Ce qui importe, ce n’est pas le pouvoir. C’est ce que l’on en fait.

Bienvenues / Bienvenus en absurdie :
Tout part très connement. L’ego d’un vieux barbon magicien ne supportent pas qu’une jeune femme soit plus intelligente et plus puissante que lui, donc décide d’organiser un incident pour la discréditer (vieille ficelle politicienne qui ne marche plus que dans l’esprit des politiciens de l’ancien monde). Il est soutenu par la femme du gouverneur, parce que son ego d’aristocrate n’a pas supporté la petite crise de virilisme de son mari. Et ledit mari alias Corbès Salven a des réactions complètement disproportionnée parce que son ego ne supporte pas qu’il ne dirige qu’une seule province alors que son vieille ami dirige tout le pays… Oui parce que l’incident organisé de toutes pièces se transforme en 11/09/2001 arcanepunk, et le gouverneur d’Aurterre ne décide pas d’envahir l’Irak comme George Walker Bush mais de déclencher un insurrection girondine face à l’État jacobin (si « girondin » et « jacobin » c’est pour vous du chinois, je vous invite à vous replonger dans l’Histoire de la Révolution française). Dame Linne Salven in fine responsable de tout ce merdier et qui a failli voir son fils unique mourir sous yeux est missionnée pour sonder les intentions des autres légats quant à une éventuelle sédition, et Elodianne et Elsy sont leurs otages. Elle doit remplir sa mission en sachant qu’elle la réussissant elle ne fera qu’aggraver les choses, donc elle veut mourir avant d’y parvenir. Dans l’autre camp Ocreste Damnis est au courant de tout et essaye de temporiser pour ne pas envenimer les choses, mais rien ne va se passer comme prévu pour les uns comme pour les autres et on sait que cela ne peut que mal finir…

Du road-movie à la tragédie :
Cette mission diplomatique censément secrète est quasiment un prétexte à visiter les différentes provinces de l’État des Arches qu’on avait finalement peu vu dans le « tome 1.2 ». Elodianne et Elsy c’est un peu Thelma et Louise, mais en mode prise d’otage et Syndrome de Stockholm. Les deux amies multiplient les tentative d’évasion, mais comme leurs poursuivants ne font pas de distinction entre amis et ennemis elle sont obligés de collaborer avec leurs kidnappeurs qu’on apprend à découvrir et à apprécier (les victimes du Syndrome de Stockholm, c’est nous en fait) : Dame Linne Salven en pleine épisode dépressif, Rekvan le colosse poète, le naïf Alken Salven neveu du légat et de la légate, Vermeil le mage bacillaire, Aveilla, Lanqui, Lopin, Peressio… Au bout du voyage un élu LREM fait de l’excès de zèle et décide de zigouiller tout le monde et à chaque mort est un crève-cœur.

Elodianne devait utiliser la magie des miroirs pour permettre au groupe de revenir à Aurterre, mais elle savait dès le départ que c’était impossible. Mais qu’est-ce que l’impossible tant qu’on n’a tenté de le réussir ?

ATTENTION SPOILERS Durant tout le voyage la jeune mage miroitiste avant repoussé ses limites et celles de son art, et pour que la Boîte de Pandore qu’est la politique politicienne accouche envers et contre tout de l’Espoir elle se lance dans le truc le plus dingue de la SFFF depuis la création d’une nouvelle marelle par Corwin dans le tome 5 des Princes d’Ambre. Comme les antihéros prométhéens de Roger Zelazny, Elodianne devient déesse en pensant et en agissant comme une déesse : elle devient démiurge et reconfigure la réalité juste pour éviter une mort injuste à deux êtres qui ne méritaient pas de mourir. Comme dans la série Blackwing d’Ed McDonald, un nouvelle Déesse de Justice est-elle née ? Dans tous les cas Corbès Salven sombre dans la folie et rumine sa vengeance en préparant sa Guerre de Sécession : c’est officiel, l’État des Arches est au bord du précipice appelée « guerre civile »… FIN SPOILERS

To Be Continued ! Vincent Mondiot, merci pour ce moment ! (et les autres aussi, hein !)

 

* Régulièrement des gens sans doute coconisés dans leurs tours d’ivoire me reprochent de parler « politique » au lieu de parler « culture », mais dans la culture il y a la politique et dans la politique il y a la culture donc malheureusement les deux sont liés qu’on le veuille ou non… Donc je tenais à faire une mise au point : un réforme c’est censé améliorer la société, donc quand la Macronie nous dit qu’avec ses réformes elle veut amener la France dans le XXIe siècle alors qu’elle nous ramène au XIXe siècle en détruisant tous les acquis sociaux du XXe siècle c’est de la pure novlangue orwellienne (ainsi ce n’est pas parce qu’un esclavagiste se dote d’un smartphone équipé de la 5G qu’il cesse d’être un esclavagiste). Mais bon j’ai encore entendu récemment des CSP+/++/+++ dire que les grévistes et les manifestants c’étaient des anti-français et les syndicalistes des intégristes musulmans à la solde du Moyen-Orient. Je ne sais pas ce qu’ils prennent comme drogue, mais ça a l’air vachement puissant et vachement toxique ! Attention l’excès de macronie peut gravement nuire à la santé !!!

note : 7/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

 
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