Tony Valente
(scénario & dessin)

Radiant, tome 1

Manga, Fantasy
Publié le 04 juillet 2013 chez Ankama 

Seth est un aspirant sorcier de la région des Pompo Hills. Comme tous les sorciers, c’est un « infecté » : un des rares êtres vivants ayant survécu au contact des Némésis, ces créatures tombées du ciel qui contaminent et déciment tous ceux qu’elles touchent. Son apparente immunité lui a fait choisir une voie qui lui semblait toute désignée : devenir Chasseur et combattre les Némésis. Mais plus que ça, Seth souhaite s’engager dans une quête qui dépasse la simple chasse aux monstres… Entouré d’une faction de sorciers, il parcourt le monde à la recherche du Radiant, le berceau présumé des Némésis, sous l’œil terrible de l’Inquisition…

En 2013 a déboulé le Radiant du très humble Tony Valente (les spécialistes disent « ça ne révolutionne pas le genre », parce que le mot « humilité » ne fait pas partie de leur vocabulaire et/ou de leur cursus universitaire). Et je l’avais trouvé sympathique, dynamique et bien dessiné. Mais je n’avais pas donné suite. Quand j’ai appris que les Japonais avaient décidé de l’adapter à l’écran j’ai été pris de curiosité, et j’ai trouvé cela sympathique et dynamique, bien coloré et bien animé. Et j’ai donné suite malgré un passage à vide rempli de fillers, pour arriver à l’Arc Rumble Town et aux fameux épisodes 17 et 18 de la saison 1. Sans prévenir on m’a plongé une nouvelle fois dans ce chaudron de potion magique qu’est le shonen nekketsu !

Le mangaka toulousain Tony Valente n’a jamais caché qu’il était fan du Dragon Ball d’Akira Toriyama et du One Piece d’Eiichirô Oda (en sachant qu’Eiichirô Oda a a toujours été fan d’Akira Toriyama), du coup difficile de savoir si Radiant c’est Dragon Ball scénarisé par Eiichirô Oda ou One Piece dessiné par Akira Toriyama. On retrouve les qualités et les défauts des deux auteurs japonais (on aurait pu se passer du Toilet Humor d’Akira Toriyama, assez horripilant au départ puis épisodique par la suite, et on aurait pu se passer des cabotineurs d’Eiichirô Oda qui ne cessent de gueuler et de gesticuler, assez horripilants au départ puis épisodiques par la suite), mais je ne sais pas si c’est conscient ou inconscient mais Tony Valente sublime leurs héritages en les mariant à ceux des X-Men de la grande époque de Chris Claremont. Oui les sorciers sont être singuliers qui ont survécu aux mystérieux némésis (Tony Valente a bien écrit que le donner le nom de la déesse de la vengeance est un choix assumé qui sera expliqué plus tard dans la série), à qui le destin a confié de grands pouvoirs donc de grandes responsabilités malgré leur surnom d’« infectés » et leur traitement de « pestiférés ». Ils peuvent donc devenir dieux ou diables, et c’est pour cela que l’Inquisition veut les neutraliser (comme la Marine de One Piece) et que les Barons marchands veulent les exploiter (comme les Dragons Célestes de One Piece). Mais c’est aussi pour cela que les sorciers terroristes (les Domitors) veulent renverser l’ordre établi à leur profit, que les sorciers cannibales (la Mesnie) dévorent les plus chanceux d’entre eux pour absorber et combiner leurs dons pour atteindre le pouvoir absolu… Dans un monde où comme IRL les élites autoproclamées recourent à la peur et à l’ignorance dans l’optique de mieux diviser pour mieux régner, que peuvent faire les âmes de bonne volonté comme les pioupious de l’académie pour surdoués de Lord Master Majesty ou les chevaliers-sorciers de la Reine Boadicée ?

Le monde créé par Tony Valente est immense (il est d’ailleurs arcanepunk et largement inspiré par les JRPG) … Il reprend l’idée des quatre quarts de One Piece, on nous découvrons au départ la partie Nord-Ouest d’un monde divisé entre l’univers d’en-bas et l’univers d’en-haut. C’est ainsi qu’on fait la connaissance des Pompo Hills, des Royaumes d’Estrie, de Cyfandir, des États Ponantins, de l’Inlandsis ou du Septentrium. C’est plein de nations et de factions, et je ne doute pas un instant qu’on va tôt au tard se balader dans les autres parties du monde, ou que tôt ou tard on va croiser des personnages issus des autres parties du monde. L’auteur recourt à mort à la technique du foreshadowing, et comme ses arcs sont courts contrairement à One Piece où ils peuvent atteindre jusqu’à 20 tomes et plus on n’a pas l’impression que c’est de la fumisterie (au contraire on a l’impression que chaque chose viendra en temps utile). C’est ainsi qu’il approfondit son univers dans le temps et qu’il pose une question cruciale : si les sorciers tirent leurs pouvoirs de leurs contacts avec les némésis (souvent mortels pour le commun des mortels), monstres capables d’utiliser la magie qui tombent du ciel n’importe où et n’importe quand, comment ont-ils pu dominer l’humanité et établir une magiocratie mondialisée à une époque où les némésis n’existaient pas encore. D’ailleurs s’ils étaient si puissants que cela, comment un simple paysan a-t-il pu organiser la révolution mondiale, les chasser du pouvoir et fonder l’Inquisition pour qu’ils ne l’obtiennent plus jamais ? (contrairement aux mangakas qui agissent avant de réfléchir, Tony Valente a promis qu’il savait où il allait et que toutes les questions trouveraient leurs réponses)

Nous suivons donc les pas de Seth un sorcier cornu qui contrairement à ses confrères et consœurs peut manipuler la magie à mains nues, élevé par Alma un traqueuse indépendante qui vit de la chasse de némésis. On aurait pu les nommer Goku et Gohan tellement ils vivent à l’écart du monde, mais cela va beaucoup plus loin que cela. Seth a toujours vécu dans la haine et la violence, le mépris et l’indifférence, mais Alma lui a fait jurer de en jamais céder à la colère pour devenir un monstre… C’est ainsi que naïvement il a décidé de partir en quête du Radiant, la légendaire source des némésis car pour lui plus de némésis, plus des sorciers / infectés, donc plus de différences entres les peuples, donc plus de haine de violence, plus de mépris et d’indifférence. Il se lance à l’aventure et s’entraîne comme un fou, et dès le tome 3 il tombe sur son âme sœur passée du Côté Obscur. Il n’est pas meilleur moyen de vaincre un ennemi que de le transformer en ami, et grâce à la force de l’espoir et l’amitié il parvient à la ramener du Côté Clair mais pas la sauver… Parfois toute la force du monde ne sert à rien, et Seth se prend la dure réalité du monde est plein visage. Son Goku n’avait pas d’objectif, Luffy avait un objectif personnel, Seth lui a un objectif universel : il est un nouvel avatar du Héros aux mille et un visages, et la tragédie qu’il a vécu le fait passer d’adolescent égoïste à adulte altruiste. Il n’est plus en quête d’une chimère mais en croisade contre les forces obscures de la crevardise, et chaque instant de sa vie est dévolu à la défense de la liberté, de l’égalité et de la fraternité (ces valeurs oubliées par la ploutocratie mondialisée qui ne voient les gens que comme des « ressources humaines » corvéables, exploitables et jetables à merci). Il devient le changement qu’il veut en son monde, car tous les hommes et femmes doivent devenir frères et sœurs ou mourir comme idiots. Face l’Armada de Torquema et à l’Argent-Roi des Barons-marchands il croit être seul contre tous, mais il est désormais le dépositaire des rêves et des espoirs de tout un monde, et peu à peu ses convictions comme ses doutes assaillent ses amis et parfois ses ennemis : qu’il le veuille ou non il devient un « nexus », à savoir que le monde regarde là où il tourne la tête… Mais à cause des amnésies d’Alma il ne sait pas qui il est ni d’où il vient, ses rencontres avec ses frères appartenant à différentes factions ne font que jeter la confusion dans son esprit (l’un d’entre eux œuvre-il au retour de la Bête Immonde ?), les différentes personnalités de son amie Mélie pourraient lui réserver bien des surprises alors même qu’il fait alliance avec Grimm, un mystérieux sorcier aux nombreux secrets qui parle de lui à la troisième personne et qui semble avoir de sérieux comptes à régler avec les plus dangereux magiciens du monde… Peu importe, il sait ce qu’il veut et où il va, donc To Be Continued et merci à Tony Valente qui dans sa catégorie joue désormais dans la cour des grands !!!

On ne naît pas humain, on le devient.

Dans ce tome 1, nous découvrons le duo formé par Alma, sorcière traqueuse acariâtre, manchote et amnésique, qui élève Seth, sorcier cornu, naïf, puissant mais insouciant. Et les valeurs et compétences de notre jeune adolescent orphelin sont mises à rude épreuve quand il doit simultanément affronter un némésis et les sorciers criminels du Bravery Quartet. Mais Seth élevé à la bonne école d’Alma est un individu de conviction : il ne lâche rien et combat les uns et les autres pour sauver la communauté qui l’a toujours bolossé et grâce à la force de l’espoir et de l’amitié il finit par triompher…
Quand arrive Doc, le sorcier chercheur de l’Artémis (avec sa trouillitude et ses savoureux tics de langage), Seth prend la décision qu’il doit voler de ses propres ailes. C’est avec moult déchirements qu’il se sépare de sa mentor Alma pour partir vers d’autres horizons, et c’est ainsi qu’il fait connaissance de Mélie la sorcière trappeuse victime de de personnalités multiples (complètement calquée sur le personnage de Lunch de Dragon Ball, et c’est très très cool), de Monsieur Boobrie son indéfectible animal de compagnie, de Yaga le super-sorcier du Covent des Treize qui va le prendre sous son aile, de Lord Master Majesty le chat jaune qui gouverne un havre de paix pour les sorciers (et pourtant on lui avait dit de se méfier de lui hein !), ainsi que de Dart Dragunov le veilleur des Pompo Hills qui bon an mal an exécute les ordres de Torque le Fauve le général en chef des Inquisiteurs (et sans s’en rendre compte Seth plante en lui les germes du doute : son plus ancien adversaire pourrait bien devenir à l’avenir son plus puissant allié)…

Bon force est de constater que Tony Valente n’est pas encore au sommet de son talent, scénaristique comme graphique. Mais toutes les grandes choses doivent commencer petitement… C’est tellement concentré que cela en devient trop rythmé, l’auteur se sentant obligé comme bon nombre de ses collègues français de balancer une vanne par case voire par phylactère. Seth gesticule et de vocifère pour occuper le devant de la scène, pourtant il n’a aucunement besoin de cela pour y parvenir (et puis son humour de caillera toulousaine est selon mes goûts plus ou moins sur courant alternatif)… Le mangaka français suit encore ses mentors japonais sans s’en affranchir : la route est droite, mais la pente est forte !

note : 6/10

Alfaric

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