Christophe Semont

Soleil noir

Roman, policier / thriller
Publié le 18 septemblre 2015 chez Critic

Promu sergent dans le nord de l’Argentine, Esteban Pantoja s’apprête à fêter son avancement en compagnie de sa femme et de sa fille. Pour eux, ce soir-là, tout va basculer… Adela est serveuse dans un bar de nuit de La Paz. Un boulot comme un autre, en attendant mieux. Depuis quelques mois, elle se bat contre des visions qui la hantent jour et nuit. Ils s’appellent Sergio, Kamila, Federico et Diego. Ils sont jeunes, ils ont la vie devant eux. La vie… et un énorme conteneur, abandonné au cœur de la jungle. Rien ne les vouait à se rencontrer.  Et pourtant, leurs destins sont liés. Tous vont être les témoins de la folie d’un homme. Car au plus profond de la forêt amazonienne, tapi dans son antre, un serpent attend son heure…

Merci Babelio, merci Masse Critique et surtout merci aux éditions Critic !
J’avais arrêté le polar il y a pas mal de temps pour cause d’overdose de séries policières à la télé, conjuguée à ce que rien de ce que je lisais dans le genre ne sortait du mot. Du coup quand j’ai vu que les éditions Critic dont je trouve le travail fort appréciable proposait un polar en opération Masse Critique, je me suis jeté dessus !

Le début m’a fait un peu peur : chapitres de quelques pages seulement, une prose simple faite de phrases courtes qui donnent une impression de faux rythme ronronnant, un braquage qui tourne mal, une jeune femme qui a des visions, un homme des bois amazonien, quatre enfants découvrant un mystérieux sarcophage métallique… J’ai eu peur qu’on tombe dans tous les travers des scenarii de téléfilms français, mais non en fait on suit un chouette cahier des charges qui transforme tout ça en plaisant page-turner… (Oui alors maintenant avec les sas à double porte et vu qu’il n’y a plus d’argent dans les banques à part le distributeur protégé par une cartouche d’entre, les histoires de braquage requièrent de ma part une forte suspension d’incrédulité)
L’usage d’un vocabulaire espagnol est plutôt pour faire style, et j’ai eu l’impression que l’intrigue et les personnages étaient facilement transposables à n’importe quel continent, et que la progression du récit était un peu facile voire artificielle, mais mine de rien l’auteur connait bien son affaire : christianisme, paganisme, syncrétisme, Espagnols, Incas, Aymaras, métissage, salar d’Uyuni, El Camino de la Muerte, pampa, altiplano, jungle amazonienne, crimes du présent et crimes du passé…

La quête de vengeance du sergent Estavan Pantoja prend l’allure d’un road movie nous faisant voire du pays avant de rejoindre la quête de vengeance du vieil Antonio, tandis que peu à peu les mystères se dévoile avec les malheurs de la pauvre Adela et les enquêtes administrative de l’idéaliste mais résolue Amanda.

– Si tu remues la merde, ne t’attends pas à ce que cela sente la rose.

Les magouilles des grandes multinationales américaines, qui répondent aux mouvements agraires par un terrorisme sur lequel les autorités ont fermés les yeux au nom du sacro-saint Argent Roi (appelé Veau d’Or dans l’Antiquité, une divinité bien plus terrifiante que le Moloch).

Alfredo Stroessner, le caudillo paraguayen, le brillant dirigeant latino-américain d’origine allemande (dixit les Etats-Unis) qui fait fuir un tiers de sa population à grand coup d’arrestations et d’exécutions supervisées par des agents de la CIA et d’anciens officiers nazis… Et dire que Josef Mengele, un des pires monstres de l’Histoire de l’Humanité, a vécu des jours tranquilles jusqu’en 1989, alors que Kurt Gerstein qui a tout fait pour informer l’Occident des monstruosité nazies a été condamné par les Alliés… On se dit que les puissants de ce monde ont vraiment de drôles de priorités ! Celui qui dit la vérité doit être exécuté… VDM et MDM !!!

La « guerra sucia », l’Opération Condor et les sombres heures de la dictature argentine… Au minimum 30000 disparitions donc 30000 morts rien qu’en Argentine, l’assassinat d’un président élu au Chili, des milliers d’arrestations et d’exécutions, une chape de plomb sur les nations… et tout ça pourquoi ? Pour continuer à exploiter tranquillement les richesses du continent sans répondre à personne de ses actes et à faire gonfler ses comptes à l’étranger…Au secours !!!

Mais bon, au fond de la Boîte de Pandore se trouve l’espoir (du moins on a tellement envie d’y croire face au TINA) : ce pays a renoué avec la démocratie, a créé la CONADEP pour faire la lumière sur les crimes de la dictature, et la CEANA pour faire la lumière sur les accointances de certains avec les criminels nazis, avant d’envoyer chier les Chicago Boys en 2000…

Le pays d’ailleurs ne s’était jamais mieux porté que depuis lors, malgré les médias presstitués qui parlent de pays en crise politique et économique alors qu’ils non jamais mis le pied dans le pays et jamais parlé aux gens qui y vivent (genre la une sur la manifestation anti-gouvernementale de 40000 personnes qui ne mentionne pas la contre-manifestation pro-gouvernementale de 400000 personnes… Tiens, aux dernières élections présidentielles un peu plus d’1% de voix séparent le candidat de centre-gauche et le candidat conservateur, en sachant que le premier dispose d’un ballottage bien favorable avec les 20% de voix du candidat dissident de son propre camp, mais les médias presstitués parlent d’une écrasante et historique défaite : les journalopes achetés par la ploutocratie mondialisée ont permis le retour de ces salopards de Chicago Boys et le peuple argentin s’en mord les doigts pour le plus grand plaisir des élites autoproclamées qui se frottent les mains (quels services publics vont-elles détruire pour augmenter leurs rentes ?)…
Il faut savoir que toutes les heures noires de l’Amérique du Sud ont été cautionnées et encouragées par les Chicago Boys qui ont écrit noir sur qu’« il vaut mieux une bonne dictature de droite qu’une réforme de gauche », et ces derniers sont aujourd’hui à la tête des multinationales, des banques mondiales, de nombreux Etats et des institutions internationales… Vous êtes prêts/prêtes pour revivre les années 1930 ? Parce qu’on peut vite y revenir hein… VDM et MDM !!! (écrit en 2015, et en 2019 c’est pire que jamais avec cette saloperie de Macronie qui semble tout faire pour que les extrêmes finissent par prendre le pouvoir, à moins que l’extrême ne se soit pas déjà La Régresssion En Marche)
ATTENTION SPOILERS Bon j’ai retiqué à la fin avec le bunker caché, qui n’a pas de système de sécurité digne de ce nom mais un système très sophistiqué d’autodestruction, ainsi qu’avec ce savant fou et son grand projet (qui consiste à créer ce qui existe déjà : des homines crevarices, c’est-à-dire des connards sociopathe). FIN SPOILERS
Ça fait quand même un peu nanar des familles, mais on peut aussi un voir une horreur médicale à la David Cronenberg (brrr), et c’est plutôt pas mal compensé par une fin nihiliste dans le plus grand style « noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir. »…

Cela se lit facilement, cela se lit rapidement et on passe un bon moment. Pas de la haute littérature certes (et après tout je m’en tamponne un peu le coquillard de la haute littérature), mais de l’agréable littérature populaire, l’équivalent d’une bonne série B de deuxième partie de soirée… Et moi j’adore les séries B de deuxième partie de soirée, donc la collection thriller des éditions Critic m’attend à bras ouverts ! (les autres collections aussi, d’ailleurs… blink)

note : 7/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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