Frank Miller

Xerxès. La chute de l’empire de Darius et l’ascension d’Alexandre.

Comic, histoire / peplum
Publié en VF le 08 mai 2019 chez Futuropolis
Publié en VO entre avril et août 2018 (« Xerxes: The Fall of the House of Darius and the Rise of Alexander »)

« Nous sommes en 490 avant J.C. Poséidon est mal luné.  Il le fait savoir à quelques visiteurs indésirables. Un petit groupe de Perses. Une centaine d’hommes, pas plus. Venus sonder nos défenses… Ou peut-être assassiner notre chef. »
Ainsi débute la célèbre bataille de Marathon, première victoire des grecs sur l’armée Perse. Et première pierre du nouveau récit de Frank Miller, qui revient sur cette période historique après son ouvrage 300, en reprenant les moments marquants des guerres menées par le Roi des rois, Darius, dont l’empire s’étendait, durant plus de deux siècles, de l’Asie Centrale
au golfe persique et à la Mer Égée, et ses successeurs, Xerxès en particulier, face à la Grèce.

L’Histoire ne se répète pas mais elle bégaye volontiers : après avoir dessinée Robocop 2 après avoir scénarisé le film du même nom Frank Miller a réalisé Xerxès après avoir scénarisé le film 300 : La Naissance d’un Empire. Donc ici plus qu’un « graphic novel », Xerxès est un fix-up graphique dans lequel s’enchaîne les époques, les événements et les ellipses en sachant qu’on se s’embarrasse guère de véracité historique sur tous les plans :
– dans le chapitre 1, nous assistons à la victoire des Athéniens et des Platéens à la Bataille de Marathon (qui les impérialistes athéniens ont laissé à leur triste sort avant d’essayer de les faire disparaître de leurs annales : l’ingratitude des puissantes est sans limite, et peut se résumer dans la maxime « fait du bien à un vilain et il tu chieras dans la main)
– dans le chapitre 2, les Athéniens garant des valeurs de la civilisation occidentale assassine le Shahanshah Darius durant les pourparlers de paix pour mettre fin à la guerre en obligeant les ¨Perses à rentrer enterrer leur souverain
– dans le chapitre 3, nous assistons comme dans le film 300 : La Naissance d’un Empire à la transfiguration de Xerxès, car le fils devient un homme et le roi devient un dieu (l’acteur Rodrigo Santoro qui incarnait le personnage disait qu’il s’agissait d’une voyage au pus profond de son ego)… et pour épouser un dieu il ne faut rien de moins qu’une déesse… (l’auteur réécrit l’histoire de la fête juive « purim » : j’ai envie de dire que de la même manière qu’il ne faut pas laisser la guerre aux seuls guerriers et la politique aux seuls politiciens, il ne faut pas laisser l’histoire juive et la lutte contre l’antisémitisme aux seuls sionistes)
– dans le chapitre 4, c’est Darius III qui marche dans les pas de Xerxès pour devenir lui aussi un dieu et entrer dans la légende… sauf qu’il a en face de lui Alexandre le Grand qui lui aussi veut devenir un dieu et entrer dans la légende non en gouvernant le monde mais en le conquérant ! Des deux prétendants, il ne peut en rester qu’un !!!
– dans le chapitre 5, c’est le choc des titans : Gaugamèles, Baylone, Suze, Persépolis… En 330 avant Jésus-Christ le satrape Bessos assassine son souverain légitime : Alexandre le fera cruellement exécuter pour régicide et rendra tous les hommages funéraires à son adversaire, car désormais il est seul face à l’éternité et porte tout le poids du monde sur ces épaules…

Les acclamations, les chants et les célébrations durent après l’aube… Tandis que dans son cabinet Xerxès veille. Il réfléchit, médite, dessiner et planifie… Tant de millions de gens n’ont encore courbé l’échine devant lui… Tant de millions de gens n’ont pas encore vu la lumière… Il reste tant de travail à accomplir…

Après son brûlot islamophobe intitulé Terreur Sainte accompagné d’un flopée d’interviews suintant l’intolérance, le fascisme et le suprématisme on pouvait s’attendre au pire mais au final Frank Miller fait du Frank Miller. L’auteur américain réactionnaire a toujours été persuadé que la civilisation ne peut survivre à la barbarie qu’en confiant sa protection et donc son destin aux éléments les plus brutaux et les violents qu’elle contient dans son sein (ainsi Marv sorte de guerrier viking égaré au XXe siècle qui rendait la justice en lieu et place des autorités corrompues dans Sin City), c’est donc tout naturellement qu’ici il nous dépeint le dramaturge Eschyle en ninja et le stratège Thémistocle en gros bras. C’est ainsi que nous voyons défier au fil des pages des guerriers grecs en pagnes, lances et boucliers tous plus patibulaires les uns que les autres pour massacrer des hommes, des femmes et des enfants au nom des valeurs occidentales jusqu’au moment où comme dans tout bon régime totalitaire qui se respecte on leur retire leur visage et leur apparence. Pour le reste il ne va ni plus loin ni moins que les élites autoproclamés occidentales : « le monde nous appartient, et il est inadmissible que des métèques dirigent un empire plus grand, plus riche, plus avancée et plus prospère donc plus heureux que le notre donc c’est la Destinée Manifeste qui nous ordonne de leur prendre par le force car on vaut mieux que les basanés qui sentent les épices » (sic)…
Frank Miller fait partie des quelques auteurs a avoir révolutionné le monde des comics dans les années 1980 (est-il une sorte de Philippe Druillet américain ?), de nombreux auteurs lui doivent d’ailleurs beaucoup de choses sur le fond ou sur la forme, voire parfois leurs carrières toutes entières, mais il faut quand même avouer que son style a vieilli car très ancré justement dans les années 1980. Mais s’il a vieillit, il a quand même de beaux restes (même si je ne suis pas fan du tout ces personnages plus minéraux et métalliques que de chair et de sang qui ressemble à des super-héros / super-via lins cosmique) : si Alex Sinclair a remplacé Lynn Varley aux couleurs il se passe quelque chose, il a un souffle volontiers épique, et des planches pètent une classe ouf où on tutoie l’éternité… Et tout cela est bien mis en valeur par le format à l’italienne choisi par les éditions Futuropolis qui a ont réalisé un travail soigné et il faut le signaler !

note : 6/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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