Matt Fraction (scénario)
Terry Dodson (dessin)

Adventureman, tome 1 :

La Fin et tout et ce qui s’ensuit

Comics, science-fiction / super-héros
Publié en VF le 27 janvier 2021 chez Glénat
Publié en VO chez Image en 2020 (« Adventureman: The End of Everything After »)
Tic. Toc. Tic. Toc… L’horloge sonne l’heure fatidique de l’affrontement final entre Adventureman et son rival, le Baron Bizarre. Accompagnés de leurs frères et sœurs d’armes, héros et vilains déploient leurs forces dans un duel titanesque, digne d’une bataille olympienne. Mais tout cela est vain, car la règle est implacable : les héros vont gagner, le bien va l’emporter… Le bien l’emporte toujours. Pourtant cette fois, Adventureman est vaincu. Le Baron Bizarre a gagné. Tombée de rideau ? Dans le monde réel, Tommy ferme le dernier roman de la saga Adventureman et s’indigne auprès de Claire, sa mère. Comment une telle histoire peut ainsi s’achever ? La réponse : la suite n’existe pas. C’est du moins la conviction de Claire jusqu’au jour où une mystérieuse femme lui confie une édition inédite des récits d’Adventureman…
​Claire Connell est une mère célibataire qui élève seule son fils Thomas. Avant elle était policière, mais après perdu l’audition d’une oreille et 70 % de l’audition de son autre oreille elle est devenue libraire en reprenant la boutique de sa mère. C’est ainsi que livre après livre elle est devenue fan des aventure d’Adventureman, un héros de pulp (sosie de Doc Savage, les vrais savent). Elle partage sa passion avec son fils, et l’un comme l’autre enragent que la saga se soit fini sur un cliffhanger insoutenable jamais résolu. En effet la série c’est terminé sur le combat à New York entre les super-héros d’Adventure Incorporated et les super-vilains du Baron Bizarre, et alors que l’Apocalyspydre sonne son dernier coup et que la Bible de l’Oblitération sort de la Presse de Judas la victoire du mal semble aussi inéluctable et qu’irréversible…

Sauf qu’un jour une mystérieuse cliente oublie un livre dans sa boutique avant d’être enlevée par des mec chelous, et que ce dernier est une aventure inédite d’Adventureman ! La mère et le fils dévore ce nouveau récit, qui indique un information jamais révélée jusqu’à présent : l’adresse du Quartier Général des super-héros ! Par curiosité Claire va vérifier sur place pour découvrir un sublime immeuble Art Déco (que personne ne voit sauf elle). Et comme la curiosité a toujours été un vilain défaut, elle passe sans hésiter de l’autre côté du miroir… C’est ainsi qu’elle oublie tout de sa journée après avoir retrouvé son audition ainsi que 40 centimètres et 45 kilos, et un groupe sanguin universel de type inconnu ! C’est aussi ainsi que l’histoire reprend son cours, et que la fiction s’apprête à prendre le pas sur la réalité…

 

Avant de m’énerver je préfère parler du travail de Terry Dodson. C’est un dessinateur accompli, tellement accompli d’ailleurs qu’on finit par acheter les yeux fermés les œuvres signées de son nom (et ah ça oui, c’est très réussi). La première partie 100% pulp est d’une immense supracoolitude, et tout ce qui s’ensuit n’est pas en reste (voire pas mal du tout). Le travail sur les onomatopées avec une héroïne atteinte de surdité est intéressant, mais pas toujours maîtrisé donc pas toujours agréable à l’œil. Ladite héroïne change de gabarit en cours de route, et j’ai dû revenir plusieurs fois en arrière pour m’en assurer car le trait du dessinateur est tellement dynamique que c’est tout sauf évident…

Parfois, nos histoires préférées n’ont pas droit à une fin. Parfois les choses cessent. Et c’est tout.

Ils font chier les Social Justice Warriors !

Le revival pulp est excellent, bonifié par les liens entre le présent et le passé, et entre la fiction et la réalité. C’est de la Portal Fantasy, mais en mieux ! Sauf que le scénariste Fritchman tourne autour du pot en alambiquant les choses (10 cases et 13 phylactères pour démarrer un scooter en page 73), et qu’il fait passer ses idées avant son œuvre ! Si tu rends rendre hommage aux pulps, mais que ta principale occupation est d’en dénoncer les dérives « fascistes » c’est tu n’as rien compris aux pulps. En appendices il répète à l’envie qu’il faut débarrasser la culture populaire de ses poncifs coloniaux, impérialistes et sexistes* (d’ailleurs il s’autoflagelle de kiffer les figures toxiques que sont Doc Savage et James Bond, donc super la bien-pensance de merde).

J’ai toujours été mal à l’aise avec les résistants de 1946 (parce qu’il est vachement plus facile de dénoncer tout cela en 2020 qu’en 1920). Mais ici on passe un cap ! On est dans la « cancel culture » anglo-saxonne, qui ressemble peu ou prou à du négationnisme : comme on ne peut pas éliminer physiquement ceux qui pensent autrement, on les élimine culturellement en réécrivant l’Histoire par la censure et la propagande. Hitler et Staline en ont rêvé, les bobos hipsters ayatollahs du politiquement correct sont en tain de le réaliser !!!

Il récrée un univers pulpien avec Adventure Incorporated qui sur sept membres comprend trois femmes et quatre homme (un WASP, un Irlandais, un Afro-américain et un Indien sikh en surpoids) : la diversité et la mixité étaient bien respectées, alors pourquoi tout envoyer valdinguer pour ensuite tout centrer sur une sororité 100% « United Colors of Benetton » ?

Ben oui, tout tourne autour de la famille Connell avec le patriarche Ronald qui oblige ses enfants à venir célébrer shabbat chez lui toutes les semaines (on n’avait pas dit qu’on combattait le patriarcat ?). Je passe sur la judéité d’un ancien policier irlandais à la retraite (les Irlandais sont farouchement catholiques, mais Matt Fritchman autoproclamé expert en communautarisme semble ignorer ce fait). Mais je mentionne que ses filles sont brésilienne, indienne, perse, caribéenne, coréenne, afro-américaine et on ne sait pas trop quoi (insérer ici le nom de la communauté qu’on aurait oubliée). Génétiquement ce n’est évidemment pas possible, donc dans un récit de 150 pages il faut attendre les appendices pour qu’on nous explique que la famille Connell a adopté toutes ses filles (Pourquoi que des filles ? Ah oui les valeurs féministes et la lutte contre la toxicité masculiniste)…

D’ailleurs en 150 pages on ne nous explique pas qui est le père de Thomas, pour quelles raisons il n’est pas là, pourquoi Claire a dû changer de métier, et dans quelles circonstances elle a perdu l’audition… Cela fait beaucoup, et c’est fort de café pour un auteur à grosse réputation qui se la raconte un peu ! Un auteur qui donne des leçons de diversité, d’ouverture et de tolérance mais qui ne met en scène que des gens de sa propre communauté, pour moi non seulement c’est contre-productif mais aussi de l’hypocrisie dans toute sa splendeur (faites ce que je dis mais pas ce que je fais). Et pour ne rien gâcher, dans un comic qui ne cesse défendre la parité des sexes et la diversité ethnique, l’enfant au centre du récit est forcément un garçon blond aux yeux bleus (malin et espiègle, comme dans toutes les productions yankee)… Quand on s’érige en éradicateur de clichés, il faut s’assumer à la fin !!!

Par contre, je tiens à souligner le bon voire très bon travail éditorial de Glénat : 150 pages de récits, 15 pages d’appendices, le tout en grand format s’il vous plaît. Pour ne rien gâcher l’ensemble forme un livre objet assez soigné !

* Il faudrait débarrasser la culture populaire de ses poncifs coloniaux, impérialistes et sexistes. Mais d’où viennent ces derniers ? Et ben d’une culture élitiste qui a toujours cultivé le colonialisme, l’impérialisme et le sexisme… Mais ça on ne va jamais le dénoncer, car les lèchent-culs savent bien qu’il ne faut jamais critiquer les riches et les puissants, parce que les lèchent-culs sont prêts à tout et au reste pour être à leur tour riches et puissants… Avec des gens comme Matt Fritchman le poncif comme quoi le peuple est forcément mauvais et les élites sont forcément parfaites a visiblement de beaux jours devant lui ! Putain, mais quel Monde De Merde !!!

note : 7+/10

Alfaric

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