Doug Headline (scénario)
Emmanuel Civiello (dessin)
d’après R.E. Howard

Conan le Cimmérien, tome 11

Le Dieu dans le sarcophage

Bande dessinée, fantasy / heroic fantasy
Publiée le 13 janvier 2021 chez Glénat

​Profitant d’une discrétion que seule la nuit permet d’offrir, Conan s’infiltre dans un somptueux palais pour y subtiliser une coupe représentant un rapide enrichissement. Aussi discret qu’un félin, il ne se fait repérer par le garde Arus que parce qu’il croit reconnaitre en lui un camarade malfaiteur. Sans le savoir, Conan vient de se présenter comme le coupable idéal pour le meurtre de Kallian Publico, le riche et détesté propriétaire du temple dans lequel il est venu voler…

Nous voici au tome 11 adaptation du récit intitulé Le Dieu dans le sarcophage, et force est de constater que les récits de R.E. Howard sont toujours aussi percutants malgré les années qui passent car c’était un auteur très visuel et très viscéral :
– visuel dans le sens où en les répétant encore et encore avec ses amis sportifs il chorégraphiait toutes ses scènes d’action avec la même minutie que les cascadeurs professionnels qui ont travaillé et qui travaillent toujours à Hollywood, et où il se documentait longuement pour retranscrire avec minutie les espaces clos oppressants comme les grands espaces infinis (et je ne parle même pas des « décors » et des « accessoires »)…
– viscéral dans le sens où l’auteur écorché vif remplissait tous ses personnages inspirés de faites réels de sentiments si forts et si profonds qu’on se sent immédiatement concerné par le récit… (on est loin de ces littéros qui considèrent que la culture se résume aux « vrais livres » des « vrais auteurs » parlant de « vrais sujets », à savoir le nombril de gens dont tout le monde se contrefout royalement)

Nous avons ici un récit simple mais efficace qui glisse du récit policier au récit d’horreur, et on passe d’Arthur Conan Doyle à Howard Philip Lovecraft. Conan a été engagé pour voler une coupe en diamant dans un temple (dans l’Antiquité les temples servaient de musées). Mais son cambriolage est éventé et il se retrouve le principal suspect du meurtre d’un notable corrompu (pléonasme), qui sans sa présence aurait été un bon vieux crime commis en chambre close… Le « barbare » défend sa cause face aux « civilisés », et il apparaît bien vite qu’une créature antédiluvienne hante les salles du temple / musée, et qu’elle constitue bien sûr une menace mortelle pour tout le monde ! C’est donc tout naturellement qu’après la fuite des élites autoproclamées notre antihéros prolétaire va se retrouver au centre de la guerre entre le Bien et le Mal !!!

Qui n’a jamais vu un cimmérien gravir une falaise abrupte ignore ce dont un homme est capable… 

J’ai lu maintes fois ce récit, et j’ai toujours pesté qu’on glisse d’un récit policier équilibré à un récit survivaliste incomplet, Conan tirant trop facilement son épingle du jeu face à ceux qui l’avaient accusé avant de fuir la queue entre les jambes plutôt que de se rallier au barbare cimmérien jugé inférieurs à eux. Mais ce n’est qu’aujourd’hui que j’apprends que l’auteur s’est inspiré d’un fait divers survenu à la Nouvelle Orléans le 09 août 1932 : un Afro-Américain passé à tabac par des policiers WASP se rebiffe et tue deux de ses agresseurs avant d’en blesser grièvement un troisième. Le Conan de ce récit est un hommage, et la fiction survit là où la réalité a péri… Donc on a un auteur de fantasy qui dénonce dans les années 1930 les violences policières commises envers les personnages de couleurs : bien qu’aucun Prix Nobel de Littérature n’ait combattu le racisme dans les années 1930, les petits cercles intellos prout prout d’hier et d’aujourd’hui ont décrété que l’auteur était raciste parce qu’il écrivait de la « fantasy » et pas de la « vraie littérature » forcément mieux que tout le reste… (D’ailleurs, quand quelqu’un dit la fantasy est raciste, vous pouvez être presque sûr que c’est un gros raciste qui ne s’assume pas !)

Le scénario de Doug Headline
est très fidèle au récit d’origine mais ici il signe un récit choral où on glisse d’un point de vue à l’autre. C’est ainsi qu’après Conan nous suivons Arus le garde, Demetrio l’inquisiteur, Enaro le cocher, Posthumo le tortionnaire, Promero le commis, Dionus le policier, et Aztrias le noble…

Les graphismes d’Emmanuel Civiello
possèdent une fois de plus un vrai cachet. Il est certes meilleur illustrateur que dessinateur mais qu’on aime ou qu’on aime pas il offre une belle vision de l’Âge Hyborien. Mais pour cela il faut lui pardonner un trope pour les personnages « freaks » (c’est-à-dire anormaux et fiers de l’être, en portant sur le visage et dans leur corps tous les vices du monde : le Baron Harkonnen n’a qu’à bien se tenir !)…

note : 8+/10

Alfaric

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