Stefan Wul

Terminus 1

Roman, science-fiction
Publié en 1959 chez Fleuve Noir

Sur Argole, à la suite d’une partie de cartes qui a mal tourné lorsque ses adversaires ont deviné ses dons de télépathie, Julius, un aventurier de l’espace, retrouve Marje, une ancienne amie, qui lui propose une chasse au trésor sur la planète Walden. « Il s’agit d’un cimetière de fusées, d’un gisement de vieilles carcasses d’astronefs bonnes pour la casse. Mais ces astronefs sont farcis de boulons et de pièces de palladium, ce métal introuvable dont un gramme vaut des kilos de platine ! » Et c’est reparti pour une nouvelle aventure au cours de laquelle Julius, équipé de la valise-transmetteur que lui a remise Marje, devra affronter les singes volants, les Velus et les arbres-hommes…

Encore un récit d’aventure particulièrement frustrant, car ne tenant pas ses belles promesses initiales : tous les ingrédients sont bons, mais la mayonnaise ne prend que partiellement en raison de problèmes de construction, de narration voire de caractérisation.

Dans une ambiance très western, tout commence par le jeune Julius qui s’échappe d’un tripot de la planète Argole dans lequel un partie de poker a tourné au vinaigre : on dirait Han Solo à Mos Easley 20 avant Star Wars ! Julius est un aventurier qui profite de ses talents télépathiques résultant d’un contact douloureux avec des guêpes aliens (un concept génial* bien utilisé, quand l’auteur ne le laisse pas carrément de côté).
Ce don est une malédiction car il fait de lui un paria rejeté par ceux qui ont peur qu’on lise dans leurs pensées, quand ce n’est pas lui-même qui rejette autrui trop dégoûté de ce qu’il lit dans leurs sombres pensées. Et la vie est d’autant plus dure pour Julius qu’il ne peut même pas compter sur son don psionique qui agit par intermittence…

Il accepte de s’associer à Marje, son ancien amour de jeunesse la pirate de l’espace aux cheveux de feu qui a vieillit prématurément à force de brûler la chandelle par les deux bouts. Celle-ci a tout investi dans un dernier coup : piller une décharge de vaisseaux spatiaux riche en palladium, ultime élément non transmutable, en utilisant un lot de valises quantiques faisant office de téléporteurs portatifs (un concept génial, bien utilisé, du coup je vous laisse le plaisir de la découverte ).

Mais encore faut-il arriver sur place vivant et en un seul morceau car localisé dans une région à l’environnement particulièrement hostile ! Marché de dupes ou accord gagnant / gagnant ?
– Marje est persuadé que Julius encore amoureux d’elle ne la trompera jamais…
– Julius est persuadé que ce coup facile le mettra définitivement à l’abri du besoin…
Mais durant le trajet qui le mène vers l’Eldorado, il tombe amoureux de la jeune et innocente Stella, voyageuse stellaire clandestine en rupture de ban… Décidément l’auteur est un indécrottable romantique !

Du verre, du verre à l’infini. Des aiguilles de verre, de la mousse de verre, des effilochures de verre qui flottaient ça et là comme des fils de la vierge ou des flocons de neige. L’étrangeté du paysage était due à la fusion du silicate de soude sous les pluies d’orage. Il le savait. Rebelles à cette fusion, les silicates de chaux s’étaient dégagés de leur gangue et dressaient partout leurs pointes menaçantes, diversement colorées suivant les oxydes qu’elles contenaient : rouges, bleues, jaune laiteux, violettes… Des irisations, des halos et des spectres ondoyaient un peu partout, feux changeants de lumière décomposée.

La deuxième partie renoue avec l’esprit western. Sur la planète Walden, Julius rejoint la ville pionnière de Terminus 1 et ses prospecteurs, et après avoir rencontré Kang le contact local de Marje, il part avec le guide Diaz dans un trek qui a tout de l’odyssée vers l’enfer… Montagnes escarpées, désert aride, jungle sombre et poisseuse (qui a dit Dagobah de Star Wars ?), flore létale, faune mortelle, indigène mutants sauvages et meurtriers…

Mais au fil du voyage d’exploration de Julius, on glisse du récit d’aventure western western au récit d’aventure colonial, entre Tarzan à la recherche du cimetière des éléphants et Allan Quartermain à la recherche des mines du Roi Salomon. Dans tous les cas, on accumule les péripéties survivalistes avant que le héros ne résolve tous ses problèmes à coup de trocs quantiques.

Dans le dernier acte et le dénouement, qui arrive malheureusement un peu comme un cheveu sur la soupe, on entre dans la poésie pure :
ATTENTION SPOILERS Julius tourne immédiatement le dos à sa fortune nouvellement acquise pour partir au secours de Stella, partie à sa recherche dès le lendemain de son départ… Il repart donc en enfer pour trouver son âme sœur qu’il finit par retrouver transformée en hybride végétal par les arbres sirènes telle Daphnée transformée en laurier, et finalement décide de partager le sort de sa bien aimé pour l’éternité… Un indécrottable romantique je vous dis ! (et un amoureux des belles lettres antiques aussi) FIN SPOILERS

 

La note est un peu sévère car cette lecture d’un centaine de page ne fut nullement déplaisante. Mais je commence à connaître l’auteur, ses qualités et ses défauts, et avec une meilleure maîtrise de l’intrigue et de sa narration, on aurait pu tenir un récit de haute-volée tant certains passages peuvent se comparer à ceux d’un Dan Simmons par exemple. Deux trucs auraient facilement pu être améliorés pour tirer l’ensemble vers le haut : que le don télépathique de Julius serve autant dans la mise ne place de la première partie que dans le survival de la deuxième partie, et qu’on suive à parts égales les quêtes de Julius et Stella au lieu que les deux odyssées ne se croisent que dans le final… Dans tous les cas, c’est éminemment visuel, et il ne faudrait pas grand-chose pour en tirer un bon film ou une bonne BD !

* guêpes aliens qu’on retrouvera dans L’Orphelin de Perdide… et concept tellement génial qu’on le retrouve dans tel quel un épisode de Farscape, la série télé SF la plus cool de tous les temps. Comme j’ai l’impression qu’il y a de grandes similitudes entre les œuvres de Stefan Wul et au moins une demi-douzaine d’épisodes de cette série, il y a comme anguille sous roche… Mais je soupçonne que les auteurs ont se sont largement inspirés de la VF vintage de l’Âge d’Or pour leurs scenarii…

note : 6+/10

Alfaric

0 commentaires

Laisser un commentaire

Pin It on Pinterest

Share This