Joe Abercrombie

Double tranchant

Nouvelles, Fantasy

Publié en avril 2017 en VF

Publié en en avril 2016 en VO (« Sharp Ends: Stories from the World of the First Law »)

Même si tous les soldats de l’Union sont des salopards, un seul d’entre eux se croit capable de sauver l’armée de l’offensive gurkienne : le colonel Glokta. Curnden Craw et son équipe doivent récupérer un mystérieux objet au-delà de la Crinna. Le problème : visiblement, personne ne sait de quoi il s’agit. Shevedieh, meilleure voleuse de Styrie, va de désastres en catastrophes aux côtés de la Lionne d’Hoskopp, alliée à ses heures, ennemie le reste du temps. Et après des années de chaos, le chef de clan Bethod souhaite plus que tout faire régner la paix sur le Nord. Ne reste qu’un obstacle : son champion lunatique, l’homme le plus redouté du Nord – le Neuf-Sanglant…

Double Tranchant est un recueil de 13 nouvelles situées dans l’univers du Cercle du Monde. Entre western et cape et épée nous redécouvrons ainsi Glotka, Nicomo Cosca, Vissenbruck, Khadia, Cordial, Shylo Vitari, Monza Murcatto, Bremer dan Gorst, Curnden Craw, Whirrun de Bligh dit Whirrun le Cinglé, Temple, Farouche Sud, Bethod, Logen Neuf-Doigts dit le Neuf-Sanglant… Et nous découvrons aussi en fil conducteur une Sword & Sorcery féminine et féministe avec Shev, Javre, Carcolf, Léanda et les guerrières assassines du Temple de l’Ordre Doré… Ces nouvelles précèdent, succèdent ou complètent la trilogie de La Première LoiServir FroidLes Héros ou Pays Rouge, comme la nouvelle intitulée L’Enfer qui nous plonge dans la tragédie de Dagoska qui ne nous avait pas été racontée jusque là… Joe Abercrombie est égal à lui-même avec style très visuel plein de scènes d’actions et de dialogues truculents entre Michel Audiard et Quentin Tarantino : c’est une véritable mine à citations ! (grand merci à la traductrice Juliette Parichet^^) Mais il est aussi égal à lui-même avec un traitement des personnage à la Sergio Leone, et des réflexions humanistes à la David Gemmell dont il est quelque part le digne successeur (beaucoup plus que d’être un GRR Martin anglais se vautrant avec délices dans le grimdark pour le grimdark). Mais ce qui frappe c’est qu’à chaque nouvelle on change de lieu, d’époque, de personnages, mais que tout est absolument raccord (à un exception près) ! Et personnellement j’ai été surpris des similitudes entre Joe Abercrombie le nouveau maître anglais de l’heroic fantasy, et Richard Ford qualifié de sombre tâcheron par les prescripteurs d’opinion franco-français… Encore une fois on mesure la différence entre le Royaume-Uni où la BBC n’hésite pas à passer en prime time des émissions consacrées à la Fantasy, et la France où la Fantasy c’est un truc bidon et chelou pour adolescents adorateurs de Satan… FDM quoi !

Un beau salopard : Kadir, printemps 566
A travers les yeux du quartier maître Salem Rews nous revivons les dernières belles heures de Glotka, à l’époque où les femmes l’adulaient et où les hommes l’enviaient (et vice versa ^^), avant que les Gurkhiens ne le torturent durant des années pour le transformer en épave mutilée et handicapée (vu le beau salopard que c’est, j’ai presque envie de dire que c’est bien fait pour sa gueule !). Le bonhomme a tout pour lui, mais au lieu de mettre son talent au service de tous non seulement il n’en fait qu’à sa tête mais en plus il exploite le reste du monde à son seul profit, prenant plaisir à écraser tout ceux qu’il juge inférieurs à lui c’est-à-dire tout le monde… Bref le connard carriériste et narcissique qu’on a tout malheureusement croisé au moins une fois dans sa vie (que tous ces crevards aillent au diable, et le plus vite sera le mieux !)
Dans la grande tradition du naturalisme à la Emile Zola l’auteur vivisèque les forces vives de la crevardise avant que la justice immanente ne fasse son œuvre : bouffi d’orgueil, imbu de lui-même, persuadé que le monde n’existe que pour son bon plaisir, il commet l’acte d’hybris qui scelle son destin…

Un peu de gentillesse : Port Ouest, automne 573
Shev a été la meilleure voleuse de Styrie, mais passée 20 ans elle a décidé de prendre sa retraite en ouvrant un fumoir à Port Ouest en compagnie de Severard l’un des pauvres bougres qu’elle a la mauvais habitude de secourir… Le jour où une fois de plus elle se fait doublée par Carcolf la vamp lesbienne (héritière d’une certains Milady de Winter ^^), les choses se gâtent quand Crandall le fils pourri du parrain de la cité Horald le Doigt vient lui réclamer des comptes… Sauf qu’elle se fait sauver la mise par Javre, la Lionne de Hoskopp, la dernière pauvre bougresse qu’elle a la mauvaise habitude de secourir… Ainsi commence des heures de grandes aventures, mais ceci est une autre histoire ! ^^
Impossible de ne pas voir en Javre la guerrière croqueuse d’hommes venue du nord et Shev la voleuse corruptrice de nymphes venue du Sud une parodie des légendes Fafhrd et le Souricier Gris de Friz Leiber, véritables légendes de la Fantasy qui ont marqué à jamais le genre de leurs empreintes !!! (Et notez bien la présence de Severard, appelé à un grand avenir dans les rangs de l’Inquisition de l’Union ! ^^)

Une mission foireuse : Est de la Crinna, automne 574
Toute la bande de Craw est enfoiré récupérer un artefact magique sur le territoire ennemi…Il s’agit d’une nouvelle à chute mais on devine la chute dès l’annonce du pitch, donc l’essentiel est de revoir en action la bande de joyeux drilles qui sera au centre la batille d’Osrund entre le Nord et l’Union que dont un prêtre-guerrier grave et sérieux : Whirrun de Bligh avant qu’il ne devienne le jovial, bon vivant et insouciant Whirrun le Cinglé ! (parodie du Druss de David Gemmell ^^)

Quitter la ville : Le Pays Proche, été 575
Javre et Shev ont crapahuté un peu partout dans le Cercle du Monde, et Shev est persuadée que ses problèmes la poursuivront au bout du monde quand elle découvre que les problèmes de Javre sont prêts à aller beaucoup plus loin de que les siens… Et les lecteurs découvrent un Kill Bill inversé dont Javre présumée parjure et traîtresse est la clé !

L’enfer : Dagoska, printemps 576
Dans cette nouvelle nous assistons à la chute cruelle de la cité lâchement abandonnée par l’Union après avoir agité le chiffon rouge devant l’Empire gurkhul : une pensée émue pour les patriotes hongrois lâchement abandonnés par les Etats-Unis après avoir agité le chiffon rouge devant l’Empire soviétique (ils n’ont été ni les premiers ni les derniers, mais ce qui s’est passé à Budapest en 1956 a été tragique). Nous errons avec Temple à travers les décombres d’une ville en train de mourir, dont les rues sont désormais hantées par des créatures anthropophages en quête de chair fraîche…
Les rats comme Glotka, Nicomo Cosca et les homines crevarices habituels que sont les nababs et banquiers ont déjà quitté le navire, et le commandant Vissenbruck et le haddith Khadia font cause commune pour sauver ce qui peut encore l’être : le Blanc et le Noir savent qu’ils ne passeront pas la journée que c’est au paradis des justes qu’ils se retrouveront… Et tandis que le premier organise le dernier carré, Khadia fait face seul aux Dévoreurs de Khalul ! Au fond de la Boîte de Pandore des forces obscures de la crevardise il reste l’Espoir, et c’est bien un Nouvel Espoir que le mahatma Khadia a offert au monde en plantant la graine du bien en chacun… Ne reste qu’aux gens de bien d’en prendre soin pour la faire germer : quand viendra le temps du Grand Soir qui débarrassera le Cercle du Monde des banquiers de Bayaz et des religieux de Khalul, c’est sûr que Temple en sera !!!

Jamais deux… Quelque par dans le Nord, été 576
Au milieu de nulle part, au milieu d’un pont délabré Javre la Lionne d’Hoskopp et sa partenaire / seconde / acolyte Shev rencontrent Whirrun de Bligh dit Whirrun le Cinglé et la Mère des Epées… Les premières ont à leurs trousses Golyin, Ahum et Sarabine Shin les exécutrices du Temple de l’Ordre doré, et le deuxième a à ses trousses les sicaires de Bethod menés par Torrent. Et après moult bastons tout se finit avec Shev plus désespérée que jamais, obligée d’assister à la joute horizontale de Javre et Whirrun, la version masculin de Javre… mdr

Plus la réalité s’assombrit, plus on a envie de belles histoires.

Au mauvais endroit, au mauvais moment : Port Ouest, été 580
Canto Silvine, banquier de Valint et Balk est en plein entretien avec un envoyé de la maison mère quand il s’écroule mortellement empoisonné… Onna est une péripatéticienne de la Maison des Plaisirs de Cardotti, et elle réconforte un solide guerrier à la voix de fillette quand éclate un terrible incendie… Bon à tout bon à rien, Predo décide définitivement de changer de vie en s’engageant dans l’armée du grand-duc Orso, mais sa nouvelle famille est anéantie et il est à deux doigt de mettre fin aux jours du Serpent de Talins quand il en est empêché par un grand nordique borgne…
On voit de l’extérieur la quête de vengeance de Monza Murcatto contée dans Servir Froid, le remake de Kill Bill à la sauce fantasy spaghetti, et les nombreuses victimes collatérales qu’elle a laissées dans son sillage…

Sacrée hors-la-loi : Le Pays Proche, été 584
Farouche Sud est une hors-la-loi dont la tête a été mise à prix à 4000 marks, et elle est en cavale avec les 2000 marks qu’elle a ravi aux trois branques avec lesquelles elle a braqué une banque… C’est à pied qu’elle trouve refuge dans une petite ville fantôme : commence alors un très chouette survival à la sauce western spaghetti qui initialement a été publié par GRR Martin et Garder Dozois dans Dangerous Women… Perso j’ai trouvé que cela ressemblait beaucoup à La Froide Lumière de Karl Edward Wagner, une des meilleures références qui soit dans l’univers des nouvelles fantasy !

Hier, près d’un village nommé Barden… : à proximité de Barden, automne 584
Cette nouvelle originellement publiée dans Les Héros, nous montre la veille de la Bataille d’Osrund donc pas mal de ses protagonistes y participent. On suit le paysan nordique Tinder autant victime des troupes de son roi Dow le Sombre que des troupes d’invasion de l’Union. Bremer dan Gorst n’est pas loin de jouer le rôle de la Brute, et lors d’une escarmouche nous assistons à la mort tragique du Bon et à la survie tragique du Truand… Et par un acte de miséricorde qui résout tous les problèmes de notre Tinder, Gorst nous montre une fois de plus qu’il est un personnage ambigu aux multiples facettes… Quand viendra le temps du Grand Soir qui débarrassera le Cercle du Monde des banquiers de Bayaz et des religieux de Khalul, il est fort probable que lui aussi en sera !!!

… sans trois : Talins, automne 587
Retour en Styrie où après trois guerres avec l’Union nous assistons au sacre du très jeune roi Jappo don Rogon, voulu par sa mère la Grande Duchesse de la Vilenie Monza Murcatto, et organisé de mains de maître par Shylo Vitari son Ministre des Murmures… En obtenant la grâce ducale / royale, Shev pense en avoir fini avec les ennuis, mais Horald le Doigt se rappelle à son souvenir en enlevant Carcolf l’amour de sa vie… N’ayant jamais été une combattante, elle n’a pas d’autre choix que de demander l’aide de Javre la Lionne d’Hoskopp à la fois sa meilleure amie et sa pire ennemie avant de partir dans une opération de sauvetage dans la plus grande tradition du cape et épée ! Mais les apparences sont trompeuses et Javre et Shev sont être confrontés à des choix cornéliens…

Liberté ! Avernock, été 590
Cette nouvelle originellement publiée dans Pays Rouge nous montre l’écrivain Spillion Brisépée essayant désespérément de redorer le blason de son employeur Nicomo Cosca, embourbé dans de sordides opérations de nettoyage politique au service de l’Union… Le panégyrique est tellement grotesque qu’on en arrive à l’inverse du résultat escompté, c’est-à-dire là où voulait nous emmener l’auteur ^^

Les temps sont durs pour tout le monde : Sipani, printemps 592
La Guerre Froide continue entre l’Union et l’Empire, avec elle la lutte éternelle entre le Grand Capital de cet enfoiré du Bayaz et la Bête Immonde de ce taré de Khalul… En Styrie, les agents des uns et des autres s’opposent les uns aux autres pour récupérer un magnifique McGuffin : le paquet mystère passe ainsi successivement des mains de son passeur initial à Carcolf, Kurtis dan Broya, Cordial, Le Carrier, Abymes et Hautfond, Kiam, Jervi, Sifkiss, la Vieille Green, Fallow, Javre, Maître Pombrine et Shev… Car il y a une troisième force qui est à l’œuvre : Joe Abercrombie ne réchappera pas au remake d’Il était une fois la Révolution !
Pas sûr que les destins de Javre et Shev soient raccord avec ceux de la nouvelle d’avant, mais à part ça c’est fendard !

J’ai créé un monstre : Carleon, été 570
Pour la dernière nouvelle, on repart dans le Nord avant les événements racontés par la trilogie de La Première Loi ! On y retrouve Bethod, ainsi que les petits Scale et Calder, coincé entre ses nombreux ennemis et son propre champions Logen Neuf-Doigts, dit le Neuf-Sanglant, qui lui créé sans cesse de nombreux ennemis mais qui se trouve être le seul capable de les protéger desdits ennemis…
D’un côté on a un roi plein de doutes et qui œuvre de tout son cœur pour la paix car il a de grands espoirs pour sa famille, son peuple et son pays, loin de l’émule de Vladimir Poutine qu’on voit par la suite, et d’un autre côté un fou de guerre rendu complètement frappadingue par l’ivresse de ses nombreuses victoires remportées dans la plus grande violence… On connaît à l’avance la chute tragique et la tournure que prirent les choses par la suite, mais la nouvelle est d’autant plus cool et d’autant réussie que l’auteur ici carrément met en scène les versions vikings d’Agamemnon et d’Achille ! ^^

note : 7,5/10

Alfaric

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