Jean d’Aillon

Guilhem d’Ussel, chevalier troubadour tome 03 :

Londres, 1200

Roman, histoire / moyen-âge 
Publié le 26 février 2011 chez J’Ai Lu

Après la mort de Richard Cœur de Lion, son frère Jean lui succède. Mais le roi de France, Philippe Auguste, apprend qu’un testament de Richard désignant son neveu Arthur de Bretagne est dissimulé à Londres, dans la grande tour blanche construite par Guillaume le Conquérant. Seul Guilhem, qui avait déjà sauvé la vie du roi, sera capable de ramener le précieux manuscrit. De grands dangers guettent le chevalier troubadour, la troupe de cathares qu’il escorte vers Albi et son ami de toujours, Robert de Locksley. Réussira-t-il à déjouer les complots, à éviter les brigands et Anglais, à regagner, enfin, son fief de Lamaguère ?

Autant pour les tomes 1 et 2 j’avais essayé d’être bienveillant et indulgent, bref de prendre des gants, autant là non ça suffit… Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu un bouquin aussi mal fagoté de la première à la dernière ligne. Durant plusieurs centaines de pages, impossible de m’enlever de la tête le sketch des Inconnus sur Le Chevalier de Pardaillec… Le pire étant que quelque part, c’était un peu ça !

On commence par une présentation pédagogique des rapports de forces entre Plantagenêts et Capétiens au lendemain de la mort de Richard Cœur de Lion, puis on enchaîne sur un résumé pédagogique des événements de tome 2.
Guilhem d’Ussel accompagné par son Scooby Gang va prendre possession de son fief dans le Comté de Toulouse, tout en escortant le convoi de ses amis cathares qui vont route vers le Sud-Ouest. On traverse donc à cheval la moitié de la France avec les péripéties de remplissages : les périls sont aussitôt amenés, aussitôt résolus, on rencontre de vieilles connaissances (on me souffle dans l’oreille que leur importance sera montrée dans les préquels qui seront écrits par la suite… n’empêche, c’est un peu importe quoi !) qui racontent immédiatement et artificiellement toute leur vie, et à qui on raconte immédiatement et artificiellement toute sa vie, tandis que Guilhem poursuit sa romance à l’eau de rose avec Sanceline. Le jeune cathare dépeinte comme pure et chaste dans le tome 2 nous est ici décrite presque comme luxurieuse. C’est la magie de la caractérisation des personnages de Jean d’Aillon.
Arrivé à destination le héros doit reprendre son château aux templiers. C’est l’occasion d’une série de petites scènes d’action ou de tractations plutôt pas mal, si Guilhem présenté comme un good guy dans les tomes 1 et 2, ne (re ?)devenait un personnage dur, froid et implacable. C’est la magie de la caractérisation des personnages de Jean d’Aillon. S’il s’agissait de montrer la nature duale d’un personnage à la fois de mercenaire impitoyable et troubadour romantique c’est assez raté…
Après une accalmie digne de « Comment gérer un fief pour les nuls », avec des passages explicatifs sur l’agriculture, l’élevage, l’artisanat textile, le fermage, le métayage, les loyers et les taxes, le groupe remonte sur Bordeaux pour que Locksley puisse faire son rapport des événements du tome 2 à la vieille Aliénor d’Aquitaine. C’est là que l’auteur veut absolument caser la mort de Mercadier, et il le fait de façon forcée…

Les personnages reçoivent alors une mission du roi de France et font voile vers l’Angleterre. Le livre justifie enfin son titre d’épisode londonien alors qu’on s’approche dangereusement des trois quart du roman… Et c’est donc tout naturellement qu’on entre dans le vif du sujet par une présentation pédagogique de la capitale londonienne, truffée d’anecdotes architecturales et urbanistiques devant censément montrer que l’auteur s’est bien documenté pour maîtriser son sujet, et le rendre plus historique. Personnellement j’aurais préféré qu’il raconte mieux son histoire…
Après que Locksley soit passé à la banque pour solder ses avoirs en Angleterre, le groupe s’attaque enfin à sa mission. Comme dans les tomes 1 et 2, on va se déguiser en troubadours pour infiltrer le château des méchants. (Gros soupir.)
Fort heureusement, quelques sympathiques rebondissements à la Ocean’s Eleven viennent sauver l’intrigue du naufrage. Sauf que tout est expédié en 30 pages, y compris la mort des méchants (en l’occurrence Dinant et son âme damnée Mauluc).

Les 75 dernières pages sont consacrées au retour des nos joyeux compagnons vers de Comté de Toulouse. Ils ont les sbires de John Lackland aux trousses, mais le problème est assez rapidement contourné. Par contre on en profite pour résoudre les « intrigues » laissées en suspens dans cet épisode 3 :
ATTENTION SPOILERS C’était X qui avait tué bidule ? Comme cela fait 300 pages qu’on n’en parlait plus, j’avais totalement oublié le truc. C’était Y qui était responsable de la disparition de trucmuche ? Là aussi cela faisait 300 pages que j’avais oublié jusqu’à l’existence de cette péripétie. En plus, niveau suspens c’est moyen car les coupables étaient décrits comme amoraux et déloyaux depuis le tome 1. Et si untel a si bien simulé le double-jeu, c’est parce qu’il avait vraiment trahi mais qu’il avait ensuite changé d’avis. FIN SPOILERS

– La vérité est si précieuse qu’elle doit parfois être entourée d’un rempart de mensonges, plaisanta Guilhem.
– C’est une histoire insensée ! Balbutia la créature du roi Jean dans un râle.
– Une histoire incroyable racontée avec assurance passe facilement pour une vérité, ironisa encore Guilhem.

L’intrigue principale n’est pas terrible, et les intrigues secondaires le sont encore plus. On ne sait jamais si l’auteur se sert de l’Histoire pour raconter ses histoires ou s’il se sert de ses histoires pour raconter l’Histoire. Dans le genre, la palme revient à ce passage qui s’appesantit longuement sur les croisades et le royaume sicilien pour expliquer que Richard Cœur de Lion avait rédigé un testament conservé à la Tour de Londres… L’auteur nous montre qu’il s’est documenté, mais qu’est-ce que c’est lourdement exploité… Et encore plus qu’avant, tout est torché en 2 coups de cuillère à pot de manière précipitée et / ou naïve :
ATTENTION SPOILERS Ussel et ses amis découvrent X assassinée, et on retrouve à ses côté la dague de Y. Le Scooby Gang se met route pour se venger de Y. Après un combat dantesque de 2 pages, Y agonisant jure qu’il n’est pour rien dans le meurtre de X. Des témoins fort opinément présents sur les lieux confirment les derniers mots de Y. Ussel se met à cogiter : « Je crois bien qu’il soit possible que nous avons été dupés. Peut-être était-ce un piège ? » Et au cas où le lecteur aurait du mal à suivre le raisonnement, on nous offre ensuite une scène dans laquelle Z explique en long, en large et en travers les tenants et les aboutissants de son plan machiavélique… (Gros soupir) FIN SPOILERS
Alfred Hitchcock le maître du suspens, doit se retourner dans sa tombe…

Le personnage principal est bancal : comme tout se décide à la cour d’Angleterre (ou plutôt aux cours d’Angleterre : Londres, Anjou, Aquitaine, Maine, Poitou, Bretagne) pourquoi raconter l’histoire d’un agent du Comte de Toulouse faisant des piges pour le Roi de France ? D’ailleurs, quand est-ce qu’on le voit ledit Comte de Toulouse… (Dans le tome 4 m’a-t-on dit…)
Les personnages secondaires sont ou falots ou caricaturaux, et seuls quelques figures historiques ou quelques créations de Sir Walter Scott, auquel l’auteur emprunte décidément énormément, sortent du lot, sans pour autant échapper aux Images d’Epinal. Car bien sûr on continue avec des Templiers très très méchants, des Cathares très très gentils, auxquels on ajoute des Juifs très très forts sur les questions d’argent mais très très persécutés… Dans ma critique du tome 2, je m’étais moqué de Jean d’Aillon en écrivant de façon caricaturale qu’il présentait le roi Philippe Auguste comme ambitieux mais calculateur, et dans ce tome 3 il va plus loin en écrivant carrément : « Mais si Philippe Auguste était un roi ambitieux, calculateur et visionnaire, il était aussi un roi prudent. »
Et on a encore des quarterons de figures qui sont longuement décrites et présentées alors qu’elles ne servent absolument à rien :
ATTENTION SPOILERS « Il s’appelle Randolf de Turnham, c’est le demi-frère du shérif du Surrey, Robert, le sénéchal d’Anjou qui a pris le parti de Jean et lui a remis le Chinon. Son oncle, Stephen de Turnham, est le shérif de Lancastre. Son père l’a eu avec une servante et on l’appelle parfois Randolf le Bâtard. En l’absence de son demi-frère Robert, c’est lui qui s’occupe des terres de Turnham. » Est-ce qu’il est important ce Randolf de Turnham ? Même pas, il s’agit juste de l’identité d’emprunt de quelqu’un d’autre. FIN SPOILERS
Et l’auteur s’octroie le temps parmi les lamentations de son personnage sur sa situation de chevalier troubadour célibataire, de lui rappeler le souvenir d’une femme qui n’a jamais été présentée ou mentionnée dans la série jusque là : Amicie, une ancienne maîtresse de Guilhem, qui lui en a préféré un autre pour de l’argent… Foreshadowing ? Non, il s’agit juste de teasing pour De Taille et d’estoc, préquel de la série devant sortir l’année suivante, et la résolution du cliffhanger amoureux final est le point de départ de l’épisode 4 devant sortir l’année suivante…

 

Pour résumer le livre date de 2011 mais m’a donné l’impression d’avoir été écrit un demi-siècle plus tôt au bas mot tellement il m’a parut vieillot sur le fond comme sur la forme. Comme pour les tomes 1 et 2, j’aurais aimé me prêter au jeu du roman de plage, mais non seulement c’est une série faiblarde, mais en plus je n’étais pas d’humeur à lui pardonner ses nombreuses faiblesses.

note : 2/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

 
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