Luc Ferry (histoire)
Clotide Bruneau (scénario)
Pierre Taranzano (dessin)
Didier Poli (direction artistique)

La Sagesse des mythes :

Gilgamesh tome 1,

Les Frères ennemis

Bande dessinée, fantasy / mythologie
Publiée le 13 novembre 2019 chez Glénat

À Uruk, dans l’ancienne Mésopotamie, vit le tyrannique roi Gilgamesh qui kidnappe les plus belles femmes de son pays pour les enfermer dans son palais. Afin de faire stopper ses excès, les dieux décide de façonner un homme bête du nom d’Enkidu, seul être capable de rivaliser avec Gilgamesh en force et en courage. Mais alors qu’il apprend peu à peu à devenir un homme, Enkidu découvre les méfaits de celui qu’il est amené à combattre. L’affrontement sera inévitable mais amènera finalement les deux rivaux à devenir camarades, puis meilleurs amis. Leurs plus grands faits d’armes restent à écrire…

Tant qu’on gagne on joue, et la collection La Sagesse des mythes continue de s’agrandir en s’aventurant en dehors de la mythologie grecque pour explorer la mythologie mésopotamienne.

On veut nous raconter L’Épopée de Gilgamesh. Chaque mythe dispose de plusieurs versions, et Luc Ferry a choisi parmi toutes celles dont j’ai connaissance la moins intéressante pour que la réalité colle à ses idées (on va en reparler), et de plusieurs adaptations, et de toutes celles que je connais c’est sans nul doute la plus faible… Les graphismes de Pierre Taranzano ne sont pas mauvais loin de là, mais j’ai eu l’impression d’avoir avoir affaire une version Disney du mythe, les personnages se seraient mis à chanter que cela ne m’aurait pas étonné, donc une version édulcorée voire éco+ de l’épopée ! (du coup ce qu’il y a de plus réussi, c’est encore une fois de plus l’illustration de couverture de Fred Vignaux, mensongère car elle largement au-dessus des graphismes qu’on nous propose)

Bon, Gilgamesh est très méchant car il transforme ses sujets masculins en esclaves et ses sujets féminins en prostiputes et il passe à ripailler avec moult victuailles et moult alcools. Les gentils sujets victimes de leur méchant souverain prient les dieux de les aider, et ceux-ci créent Enkidu pour le châtier. C’est un sauvage (WTF ses cornes et ses oreilles animales ???), et Gilgamesh lui envoie la courtisane « La Joyeuse » pour le civiliser et le gagner à sa cause (la scène de cul pages 21-22 est bien le seul élément qui n’ait pas été contaminé par le virus Mickey, donc on ne peut même pas recommander sereinement cette BD à un jeune public, et du coup je ne sais vraiment pas où les auteurs ont voulu en venir). Mais les gentils sujets victimes de leur méchant souverain lui rappellent que Gilgamesh est très méchant, et qu’il est là pour le punir. Arrivé à Uruk ils se foutent sur la gueule, mais finalement deviennent copains et vont ripailler ensemble avec moult victuailles et moult alcools… Franchement, qu’est-ce qu’il y a d’épique et/ou de philosophique là-dedans ?

Quand je pense que Glénat va offrir 3 tomes à un truc moyennement moyen, alors qu’on n’a laissé aucune chance au chef-d’oeuvre de Julien Blondel et Alain Brion j’ai envie de pleurer…

[Gilgamesh] Notre amitié a commencé dans le combat.
[Enkidu] Elle n’en sera que plus forte.
[Gilgamesh] Nous ferons de grande chose tous les deux.
[Enkidu] Comme faire trembler les murs de la ville en se battant ? Hahaha ! Mieux vaut pour Uruk que cela ne se reproduise pas trop souvent !
[Gilgamesh] Non, bien plus que cela. Des exploits dignes de nous ! On parlera encore de nous dans des milliers d’années.

Dans ses appendices on sent Luc Ferry très ému par ce mythe, mais il blablate durant 6 pages de sa manière alambiquée habituelle pour finalement arriver à la conclusion du Candide de Voltaire « Il faut cultiver notre jardin »… Pourtant c’est ses appendices les moins mauvais, ils sont même presque intéressants. Mais chassez le naturel il revient au galop, et il veut absolument caser ses idées à lui et on est obliger de se « facepalmer » : pour lui Gilgamesh dans sa quête d’immortalité accède finalement à la sagesse, il passe de la religion à la philosophie, de la croyance religieuse à l’intelligence laïque. Soupirs…

Gilgamesh n’agit pas en « tyran », il est d’ascendance divine et il épuise ses sujets en travaux innombrables et interminables parce qu’il ne comprend qu’ils ne soient pas aussi forts, aussi endurants et aussi résistants que lui. Ce n’est pas la civilisation d’Enkidu qui au centre du récit, qui passerait de l’animalité à l’humanité avec ses joies et ses peines, mais la sociabilisation de Gilgamesh qui passe à la seule conscience de soi à la conscience de tous ceux et toutes celles qui l’entourent. La mort d’Enkidu est une 2e leçon : quel que soit la force et le pouvoir que l’on possède on ne peut pas résoudre tous les problèmes car il y a des choses qu’on ne peut faire et qu’on ne peut pas défaire… C’est là qu’on voit encore une les lacunes de Luc Ferry : il a beau être un intellectuel et un philosophe, tu ne peux pas analyser un mythe sans faire de mythologie comparée et avec Gilgamesh on voit le Melkart punique, les Héraclès et Achille grecs, ainsi que le Siegfried germanique. Oui mais non Luc Ferry lui le compare à Ulysse ! Personnellement en me replongeant dans le mythe, j’ai tout de suite pensé à Anakim Skywalker dans La Revanche des Sith : après un choc psychologique causé par la mort d’un proche, il se retrouve à avoir peur pour tous ses proches car quelque soit sa force il ne peut rien contre la mort… et c’est ainsi que dans quête de l’immortalité il se laisse séduire par le Côté Obscur qui lui fait miroiter qu’on puisse y accéder !

Ayant compris que la mort est indissociable de la vie et que c’est le destin de chaque être humain, Gilgamesh retourne à Uruk et Luc Ferry nous que la fin ouverte ne livre aucune sagesse constituée (ce qui lui permet de placer une fois de plus ses propres idées). Là aussi, il a oublié d’avoir faire un tour du côté des autres versions de l’épopée qui elles sont très claires : Gilgamesh devient un bon souverain car il a compris que l’important n’est pas ce qu’on est ou ce qu’on fait mais ce qu’on laisse aux vivants en partant, et c’est ainsi qu’il est entré dans l’Histoire pour ensuite devenir une Légende !

note : 5/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

 
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