Nicolas Jarry (scénario)
Paolo Deplano et Benoît Dellac (dessin)

Nains, tome 13 :

Fey du Temple

Bande dessinée, fantasy
Publiée le 28 novembre 2018 chez Soleil

Alors qu’elle se rend au chevet de sa mère mourante, Fey découvre que la forteresse où elle a grandi est assiégée par des hordes d’orcs. La région, isolée du reste du royaume du Léon, est condamnée. Fey décide de reconstruire un viaduc effondré depuis des millénaires afin de permettre aux secours d’intervenir. Mais les runes qui reliaient les pierres ont été détruites et oubliées depuis longtemps. Le pari semble impossible à relever, jusqu’à ce qu’elle découvre un carnet appartenant à son père, un certain Aral du Temple.

Ce tome 13 est consacré au personnage de Fey déjà vu dans les tomes 6 et 11 (d’ailleurs le présent album se déroule 4 ans après les événements qui sont contés dans ce dernier). Fey a demandé une permission pour raison personnelle, et elle revient sur les terres qui l’ont vu naître et grandir pour se réconcilier avec sa famille (c’est l’un des schémas préférentiels de Nicolas Jarry). Elle ne revient pas à temps pour revoir sa mère, et elle hérite d’un carnet appartenant à son père biologique, un certain Aral, avant que celui-ci ne bascule du Côté Obscur (voir tomes 3 et 8)…

Un projet fou naît en son cœur : réaliser le rêve de son géniteur en reconstruisant le pont de Karz’Karn ! Fey de la Légion de Fer redevient Fey du Temple et dans une région des Terres d’Arran où les royaumes des hommes et où les cités naines vivent avec tristesse et résignation leur crépuscule sous la menace des peaux-vertes, son rêve personnel devient un espoir universel : un pont reliant les nations, les générations et les civilisations entre passé et avenir, fierté et espérance !

– J’avais toujours cru que c’était la mort qui nous dépouillait de tout, qu’elle était l’ultime vérité de ce monde… Je me trompais. L’amour seul à ce pouvoir. C’est une évidence qui balaie tout ce que l’on a patiemment bâti et que l’on a pris pour vérité. A travers le lien qui m’unit à ma fille, je perçois cette force si absolue qu’elle nous aveugle au point de en plus la voir alors qu’elle est en toute chose, en tout être, en tout acte… L’amour est ce qui nous relie les uns aux autres, au-delà de toute affinité, au-delà des distances, au-delà du temps lui-même. Il est un pont entre les êtres. L’amour est tout ce qui restera du monde quand celui-ci aura sombré dans l’interminable nuit de Hej. Il est cette force qui façonne les continents, le monde et même l’univers.

La narration est riche, les textes nombreux et chargés nous faisant partager toutes les réflexions et toutes les états d’âmes de l’héroïne badass sans aucune redondance par rapport aux dessins (encore une fois, je prie sinon je supplie de toutes mes forces Nicolas Jarry de se remettre à l’écriture de romans fantasy !).

Pourtant on est très pudique sur le triste passé de Fey qui s’est exilée parce qu’elle s’est sentie trahie et abandonnée malgré le soutien tacite de sa famille et de sa communauté.
C’est donc pudiquement que je résumerais tout cela en un seul mot : « Weinstein » (ces queutards qui brisent des gens juste pour satisfaire leurs plus bas instincts en profitant de leur pouvoir et de leur argent me débectent au plus haut point, et je demande par quelles tares leurs pairs les couvrent et les soutiennent… sans doute par solidarité de classe aussi surannée que dégénérée ?).

La narration est aussi pudique sur le drôle de triangle amoureux qui se met en place entre une strong independent woman, un amant pragmatique et un soupirant idéaliste (et c’est très bien ainsi)…

Épaulée par Obroc son père adoptif et par le jeune Torun qui n’a jamais cessé de l’aimer et de l’admirer, Fey voit son œuvre grandir peu à peu tant sous ses yeux que dans ses entrailles. Et dans une course contre la montre c’est peu à peu que le monde entier qui se rallie à sa cause du bas en haut de la société à commencer par les oubliés / oubliées du système qui sont les premiers à répondre présent (les autres ne se bougeant le cul que contraints et forcés, mais on a l’habitude IRL des gros retards à l’allumage des classes dirigeantes). Évidemment on enrage de voir les traditionnels lobbies de nantis venir saboter tous les efforts de l’humanité, ces derniers préférant la fin du monde à la fin du capitalisme et de leurs privilèges. Mais nous sommes dans une fiction et non dans notre réalité de merde soumise à cette saloperie de veau d’or, donc ici les crevards ne passent pas ! Mieux encore dans un tolkienisme de bon aloi totalement assumé les Nains se portent au secours des Humains avant que les Humains ne se portent au secours des Nains : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots »… Et ce qui nous manque IRL c’est un projet et un destin commun, et pas ce TINA à la con qui sert de mantra à la ploutocratie mondialisée et à la macronie unifiée !

En bref un très belle histoire, et une fois de plus force est de constater que le travail des graphistes ne peut être à la hauteur du travail des scénaristes… Et pourtant malgré quelques irrégularités Paolo Deplano est loin de démériter hein !

note : 8,5/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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