Edmond Hamilton

Les Rois des étoiles

Roman, science-fiction / space opera
Publié en VF en 1951
Publié en VO en 1949 (« The Star Kings »)

John Gordon et Zarth Arn : un petit employé new-yorkais de notre époque et un prince de l’empire galactique qui vit 200 000 ans dans le futur. Tout sépare ces deux hommes… A priori. En fait, Zarth Arn a échangé son esprit avec celui de Gordon. Mais une guerre à l’échelle de l’univers les empêche de regagner leurs corps respectifs. John Gordon est alors projeté dans un tourbillon d’intrigues et s’éprend de Lianna, la fiancée du prince. Il ne sait pas que le vrai Zarth la hait… Les événements placeront bientôt le sort de l’empire entre les mains de John qui, seul, peut utiliser le « disrupteur », l’arme absolue dont Zarth détient le secret. Mais ce secret, John Gordon l’ignore…

Merci, oh oui merci aux auteurs qui ont fait rêver des millions de lecteurs, et à leurs successeurs qui continuent à faire rêver des milliards de spectateurs ! C’est pour le roman Les Rois des étoiles qu’on a inventé l’expression « space opera », et c’est pour son auteur aussi qu’on a inventé l’expression « sens of wonder » ! C’est dire l’influence d’Edmond Hamilton sur la Science-Fiction populaire (vilipendée par les tenants d’une SF élitiste, que je maudis à jamais car ils ont failli me faire détester la SF à jamais !)

Le schéma narratif reprend la trame du Prisonnier de Zenda, et la WWII remplaçant la Guerre de Sécession l’élément déclencheur est quasiment le même que celui de Princess of Mars.

 

Tout commence à New York après la WWII : John Gordon est comptable dans une compagnie d’assurance, transfiguré par sa vie de pilote de bombardier… Durant le conflit il n’a rêvé de retourner à la maison, et de retour à la maison il ne rêve que d’action, adrénaline et d’aventure… Quand Zarth Arn, voyageur temporel en quête de savoir lui propose sa place situé 200000 ans dans l’avenir, il n’hésite pas un seul instant…

 

Et il découvre une galaxie dominée par les Rois des Étoiles : l’Empire Canopéen (les Etats-Unis), les Royaume Polaire, de la Lyre et du Cygne (l’Europe), les baronnies de la constellation d’Hercule (l’Amérique latine), les Comtes des marches (les colonies) et dans la Nébuleuse Noire la Ligue des Mondes Obscurs (hum… ça sent les méchants ça… l’URSS évidemment !)…

L’auteur qui s’inspire très largement de la littérature d’aventure britannique s’emmêle un peu les pinceaux entre monarchie et démocratie, et tente de rattraper le coup en comparant les royaumes des étoiles au Commonweath terrien. Bon on retrouve aussi les fusils atomiques, les pistolets atomiques et les munitions atomiques, propre à l’univers de Flash Gordon, et l’atome encore associé au radar pour les voyages spatiaux, encore que les rayons subspectraux, les moteur masse/énergie et les champs de stase sont loin d’être inintéressants…
Il y a une part de tourisme intergalactique, et John Gordon pourrait largement être un client de chez Recall ! Mais rapidement il est emmené dans les intrigues amoureuses de celui qu’il remplace, puisqu’il se retrouve coincé entre sa maîtresse, une petit brune piquante qui le laisse froid, et son épouse officielle, une grande blonde marmoréenne qui en affolant son cœur reprend le rôle de Flavia de Ruritanie… Puis il est emmené dans une Guerre Froide intersidérale : la Ligue veut obtenir l’arme absolue dont le secret n’est connu que des membres de la famille impériale, et alors que l’Empire se demande si la Ligue n’a pas déjà mis la main dessus la Ligue qui ne l’a pas encore ne sait pas si l’Empire est prêt à l’utiliser… Oui le roman a été écrit en 1947, donc oui il s’agit d’une allégorie de la bombe nucléaire !
Nous sommes dans un pulp d’aventure donc on retrouve les espions, les enlèvements, les chantages, les séances d’interrogatoires musclées, les évasions rocambolesques, les cavales, les fusillades, mais aussi un crash sur une planète d’épouvante, la confrontation avec les traîtres et la Bataille de Déneb ou le sort de la galaxie repose entre les mains de John Gordon, et au bout du bout il renonce à tout pour respecter la parole donnée au Prince Zarth Arn…
Les mêmes causes produisant les mêmes effets on touche parfois du doigt le blockbuster hollywoodien et ses mécanismes hollywoodiens, et que serait un bon film sans un bon méchant ? Shorr Kan le tyran totalitaire de la Ligues des Mondes Obscurs est censé être l’alter ego de Staline, mais on reconnaît bien plus en lui la parfaite canaille qu’était Rupert de Hentzau (le meilleur vilain jamais écrit avec un certain Long John Silver que comme hasard on reconnaît aussi)…

C’était bien cela. Depuis la fin de la guerre, il ne se sentait plus dans son assiette à New York. Il est facile de prendre un petit comptable, de l’arracher à sa compagnie d’assurance, d’en faire un pilote capable de manier des bombardiers de trente tonnes avec aisance. Oui, c’est facile, et c’est ce qu’on avait fait à John Gordon. Mais le phénomène n’est pas tout à fait réversible. Après trois ans de vie militaire, un feuillet de démobilisation et les remerciements anonymes de la patrie ne suffisent pas à renvoyer un pilote vers son ancien bureau. Gordon le savait ; il avait fait l’amère expérience.

Oui cela a vieilli, mais cela a bien vieilli car l’auteur maîtrise les codes du page-turner et je me suis surpris à bien kiffer un paquet de bons cliffhangers. Mais je ne suis pas objectif car le cape et d’épée dans l’Espâce, ça marche toujours avec moi car je revendique fièrement d’être un enfant des guerres des étoiles qui a grandi avec Cosmos 1999, Star Trek, Galactica, Buck Rogers, Flash Gordon, Capitaine Flam, Albator, Ulysse 31Les Rois des étoiles est un bon récit d’aventure, et il suffirait juste d’approfondir les thèmes qui n’y sont qu’effleurés (les traumatismes et les déchirements du héros, la lutte des classes dans l’Espâce, l’impérialisme et le colonialisme dans l’Espâce, le spectre des armes de destruction cosmique…) d’une modernisation du style, et d’une traduction plus punchy pour obtenir quelque chose de carrément supracool ! Mais les autres enfants des guerres des étoiles l’ont déjà fait : le petit comptable newyorkais en quête d’aventure, c’est Johnson de Space Adventure Cobra, la géohistoire de la conquête de l’espace c’est Les Héros de Galaxie, les quiproquos royaux d’un lointain futur c’est l’anime El Hazard, le Disrupteur c’est le Négateur dans la saga du Traquemort, la Bataille de Déneb c’est la Bataille de Qujaga dans Farscape… Oh oui, des heures de grande aventure dans l’Espâce !

Le Sword & Planet s’est transformé en Space Opera avant de revenir à ses premières amours sous la dénomination de Sword & Laser face à une flopée de NSO résolument cyberpunks se perdant dans les méandres de la matrice et du TINA, mais, je retiens qu’au XXe siècle Edmond Hamilton a fait le pont entre la littérature populaire du XIXe et celle du XXe siècle en offrant à ses successeurs les moyens de réaliser Starwars et Farscape, et à ses côtés Edward Elmer Smith a fait la même chose en offrant à ses successeurs les moyens de réaliser Star Trek et Babylon V… Deux stars de la Science-Fiction dont l’héritage sur la culture populaire est incommensurable, et je ne vous parle même pas de Leigh Brackett qui elle a carrément mis les mains les cambouis en scénarisant L’Empire contre-attaque qui a changé à tout jamais le destin de la Science-Fiction en la faisant entrer par la grande porte dans la culture et l’inconscient collectif de l’humanité ! (ah les tenants d’une SF élitiste rouspètent que la culture populaire ce n’est pas de la culture, mais ces derniers on n’en a rien à carrer !!!)

 

PS1: carton jaune à la dernière couverture en date de J’ai Lu, le pop-art c’est bien mais le roman date de bien avant le pop-art donc si elle correspond parfaitement aux clichés littéros sur le space opera elle n’a rien à voir avec le ton et le contenu de l’œuvre… Quand on voit tous les grands artistes SFFF qui envoient du bois sur deviantart, il faut absolument qu’on passe par la case stéréotypes cheap ??? Le niveau de flemmardise et le manque d’imagination des décideurs français n’en finit plus de m’affliger…

PS2: va au diable Alain Dorémieux / Dorépire ! lui qui est déjà enfer sait déjà le pourquoi du comment…

note : 8/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

 
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