Stephen Deas

Les Rois-Dragons, tome 1 :

Le Palais Adamantin

Roman, fantasy
Publié en VF le 15 juin 2009 chez Pygmalion
Publié en VO le 19 mars 2009 chez Gollancz (« Memory of Flames 1: The Adamantine Palace »)

Le Palais Adamantin se dresse au cœur d’un empire né sur les cendres d’un monde autrefois dominé par les dragons. La race des hommes faillit bien disparaître sous les crocs de ces êtres tyranniques, mais ils découvrirent un jour un procédé alchimique grâce auquel ils soumirent leurs prédateurs. Les terribles créatures de jadis servent aujourd’hui de montures aux chevaliers impériaux et de monnaie d’échange dans le jeu de pouvoir auquel se livrent les grandes maisons aristocratiques. L’empire a prospéré, attirant bien des convoitises, comme celle de cet homme qui rêve de le diriger. Un homme prêt à empoisonner l’empereur comme il a empoisonné son propre père. Un homme prêt à assassiner sa maîtresse et à coucher avec la fille de cette dernière. Mais, bien qu’il l’ignore encore, des flammes vont lui barrer la route du pouvoir. Un dragon s’est échappé. Or, un dragon insoumis retrouve ses pleines capacités intellectuelles, toute sa fureur… A lui seul, il pourrait déjà bien causer la perte de l’empire. Et il n’est pas seul…

Les Rois-Dragons possèdent tous les ingrédients du TdF like, sauf qu’il ne faut pas attendre 3000 pages pour que les dragons passent enfin à l’action… D’après les prescripteurs d’opinion ayant pignon sur rue nous sommes dans la « fantasy dynastique », qui n’a pas attendu GRR Martin pour émerger puisqu’elle existe depuis toujours, et que personnellement j’appelle « Dallas Fantasy » quand c’est réussi et « soap nobiliaire » quand c’est trop mainstream pour être honnête. Mais avec cette horrible mode du grimdark pour le grimdark, qui consiste à tout assaisonner de sexe, de violence et d’amoralité pour mieux coller à notre Monde De Merde, même quand c’est réussi cela peut vite devenir insupportable ou addictif en fonction de votre niveau de sensibilité…

La bonne idée, c’est qu’on a tout un monde médiéval-fantastique qui fonctionne entièrement sur les dragons domestiqués pour ne pas dire lobotomisés. On revisite la féodalité qui est basée sur la possession et la maîtrise de la plus grande quantité et de la plus grande qualité de dragons possibles puisqu’on ne fait plus la guerre à dos de cheval mais à dos de créatures reptiliennes volantes pouvant carboniser une unité entière en un seul souffle. Toute la hiérarchie nobiliaire repose sur son nombre de dragons et sur le bon travail de son aire, et économie et société ont été réorganisées pour soutenir leur existence parce que l’élevage de dragons, ça nécessite du personnel et des ressources ! Donc on a 20% de nantis qui gravitent autour de l’aristocratie comme fournisseurs et collaborateurs, 60% de travailleurs qui n’existent que pour trimer à leur place, et 20% de parias laissés à leur sort et qui la plupart du temps servent de cibles aux dragonniers en mal d’entraînement, de pâture aux dragons en mal de nourriture et aux « dentus » divers et variés qui doivent dévorer les manants pour subsister…

Bref on est dans le management à la Jack « Neutron » Welch le sinistre patron de General Electrics dont les méthodes feraient honte à Machiavel lui-même mais qui sont enseignées dans les inhumaines business schools du monde entier. Dans ce nouvel ordre mondial, on peut mettre à part les mages de sang devenus alchimistes qui maintiennent les dragons sous la coupe des humains, et les écailleux qui sont les palefreniers des dragons considérés comme des lépreux au vu des maladies draconiques qui les frappent à force de les côtoyer…

– Les dragons sont toute notre vie, ils sont ce qui nous distingue du commun des mortels. Sans eux, nous ne sommes rien.

Qui dit aristocratie dit sempiternels conflits d’ego et d’ambition à la con, donc on a créé le poste d’Orateur / Oratrice des royaumes pour être le médiateur des conflits entre rois, reines, princes et princesses qui se regardent le nombril et veulent tous et toutes être « primus inter pares » (sauf ce crevard de Jehal qui lui veut être « nec plus ultra »). L’homme ou la femme est nommé / nommée par les 7 rois et reines des royaumes dragons, et son mandat de 10 ans est non renouvelable. Et tout commence par la mort de la reine des moissons Aliphera considérée par certains comme un accident, considérée par d’autres comme un assassinat. On suit donc dès les premières pages les intrigues et les complots du Prince Jehal, pourriture de la pire espèce à la fois Geoffrey Lannister et Littlefinger : il ne vit que pour manipuler et faire souffrir autrui, et sa seule ambition dans la vie est de gravir le plus de marches possibles vers le sommet pour manipuler et faire souffrir le plus de monde possible. Il ne s’en cache même pas et se moque même avec arrogance et condescendance de tout ceux qui ne sont pas assez intelligents pour lui mettre des bâtons dans les roues, c’est-à-dire à peu près tout le monde… Tous les autres sont dans leurs complots et leurs intrigues pour monter quelques marches de plus vers le sommet bien qu’ils sachent qu’il ne peut avoir qu’un seul gagnant et une multitude de perdants, mais ne sont pas aussi imbuvables que ce crevard de Jehal. Le suspens vient surtout de savoir si lui et la princesse Zafir agissent ensemble, l’un contre l’autre, ou si l’un n’est que l’instrument de l’autre… En plus ils sont overcheatés car le peuple outremer taiytakei qui veut des dragons à tout prix les fournissent en produits interdits à volonté, et Jehal hérite même d’un système d’espionnage universel « Palantir style » ! Nous avons donc des dizaines de personnages, mais on nous gratifie enfin d’un dramatis personnae pour s’y retrouver, et on met en avant la reine Shezira du Royaume de Sable et de Pierre et Hyram l’Orateur des royaumes qui savent très bien que Jehal est une vipère et qui attendent le premier faux pas de sa part pour l’écraser (mais ce dernier les mènent tellement bien par le bout du nez que les twists à la GRR Martin ne font pas forcément l’effet escompté)…
Fort heureusement tout cela est entrecoupé par la fugue de Neige le dragon albinos. A force d’intriguer les crevards se tirent des balles dans les pieds, et c’est une équipe de pieds nickelés qui part à sa recherche : les mercenaires Kemir et Sollos, l’écuyer Semian, et l’alchimiste Hyros tous persuadés que c’est l’écailleux Kailin qui a fauté. Neige retrouve la mémoire, la pensée et la volonté : la confrontation avec ses poursuivants est rapide et brutale avant d’aboutir à un retournement d’alliance. Et si la la soif de liberté des dragons asservis depuis un éternité rejoignait la lutte des classes des « sans-dents » bolossés et exploités depuis toujours par ces salopards de premiers de cordée ? (ah si on allait vraiment par là, qu’est que cela serait cool et fun !!!)

On a un bel univers qui malgré une carte (qui accorde un bon point à l’auteur) n’est pas exploité faute de description pour finalement être survolé, on a des personnages intéressants qui malgré un bon dramatis personnae (qui accorde un bon point à l’auteur) ne sont pas exploités faute de caractérisation pour finalement être survolés. La chapitrage est trop rythmé pour qu’on puisse développer tout cela voire quoi que se soit, et c’est vraiment dommage qu’avec autant de dialogues on n’arrive pas à donner plus de corps aux personnages trop nombreux pour qu’untel ou unetelle sorte du lot (d’autant que l’antagoniste prend tellement de place qu’il n’y a quasiment pas de protagonistes, et que l’auteur imite GRR Martin en prenant un malin plaisir à trucider un à un ceux qui sortent du lot). Tout cela donne quand même l’impression d’un auteur anglais qui reprend toutes les mauvaises habitudes des ateliers d’écriture américains !

Sinon la saga fait 7 tomes (2 trilogies et 1 stand-alone pouvant rejoindre l’une ou l’autre des 2 trilogies) et dispose d’une série dérivée, mais les éditions Pygmalion qui se contentent d’exploiter les rentes de leurs droits sur les œuvres de de GRR Martin et de Robin Hobb ont abandonné cette saga en cours de route comme toutes les séries ne disposant du statut de « poule aux œufs d’or »… Soupirs…

note : 6/10

Alfaric

Parce que notre avis n’est pas le seul qui vaille, quelle note mettriez-vous à cet ouvrage ?

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