Nicolas Jarry (scénario)
Gianluca Maconi (dessin)

Elfes tome 2 :

L’Honneur des Elfes Sylvains

Bande dessinée, fantasy / heroic fantasy
Publiée le 02 mai 2013 chez Soleil

Les Elfes sylvains se sont retirés du monde et préservent jalousement leur indépendance et leurs lieux sacrés. Quiconque pénètre sur leur territoire devient une proie… Eysine, Cité-État de l’Est, a toujours vécu dans le respect des anciennes lois liant les Elfes et les Hommes. Pourtant, quand une puissante armée de mercenaires Ork assiège le royaume, Llali, la fille du roi de la cité, décide de rappeler aux Elfes le traité qui autrefois liait leurs deux races. Ce récit est celui de deux peuples qui ont oublié leur passé commun… Il est aussi celui d’un Elfe et d’une femme qui portent en eux le pouvoir de faire renaître ce passé.

Re-lecture, donc re-critique pour ce tome 2 de la série Elfes intitulé L’Honneur des Elfes Sylvains. On change de lieu, on change de personnages, mais on voit aussi qu’on change d’époque avec l’apparition des armes à feu… Encore une fois des clins d’œil très sympa à Tolkien et à Jackson même si l’univers high fantasy lorgne sans doute ce coup-ci plus du côté de Warhammer que du SdA malgré la final assez Rohirrims vs Peaux Vertes !

Globalement une belle histoire : une humaine et un elfe croient en la fraternité entre les peuples envers et contre tout. Pas facile quand la haine divise les races, les peuples, les États. Une haine sciemment attisée par une ploutocratie insulaire qui parle libre échange, esprit d’entreprise, taux d’intérêt, stock options… tandis qu’on saccage les ressources, qu’on spécule sans vergogne pour mieux exploiter les gens, qu’on attise les conflits pour mieux assurer son contrôle sur les États et les sociétés. Bref tandis que certains s’empiffrent dans l’opulence, d’autres crèvent dans une misère noire. Nicolas Jarry nous a pondu un joli pamphlet antilibéral de la plus belle eau… Dommage qu’il soit un peu brut de décoffrage, même si sur le fond il a totalement raison : à chaque fois qu’une entreprise devient plus riche qu’un État, on rajoute des clous au cercueil des peuples !

Mine de rien cette BD possède un vrai souffle en alternant action, émotion et humanisme (nous assistions alors au début de la gemmellisation de Nicolas Jarry). Llali a envie de croire en la bonté des Elfes quitte à rompre à les siens ; Yfass a envie de croire en la bonté des Humains quitte à combattre les siens. Le binôme qui veut réconcilier les peuples apprend à se connaître, et n’est pas loin de former un couple quand le destin frappe cruellement. On savait que les Humains étaient capables du meilleur comme de pire, mais nous apprenons en même temps que les personnages que les Elfes aussi : on leur a menti à l’insu de leur plein gré et on nous a menti à l’insu de notre plein gré !

– Beaucoup de mes frères pensent que vous êtes une race mauvaise, que la violence est inscrite au plus profond de votre psyché. Que les druides n’auraient fait que retarder l’inéluctable.
– Ceux-là sont des idiots ! Tous les hommes ne sont pas mauvais.
– Sans doute. Mais d’autres pensent qu’il est trop tard. Que l’équilibre est à jamais rompu.
– Et toi ?
– Moi, je crois qu’aucune race n’est mauvaise par essence. La mort des druides vous a rendus sourds et aveugles envers la nature. Elle vous a corrompus et cette violence qui vous habite n’est que la conséquence d’une souffrance que vous ne comprenez pas. Vous cherchez une palliatif à ce manque, mais il n’en existe aucun. Ni l’or, ni aucune autre possession matérielle, aucun plaisir charnel ne peut combler ce vide qui vous hante.

ATTENTION SPOILERS Llali meurt avant d’avoir commencé sa quête… Yfass défend ses valeurs férocement quitte à mourir inutilement… Les Elfes Sylvains arrivent trop tard et ne peuvent que retarder l’amère fin… Le prince d’Eysine se retrouve seul face à la ploutocratie mondialisée adoratrice du Veau d’Or… Et tout était foutu dès le départ car entre leurs convictions suprématistes et la cohabitation entre les peuples, les Elfes Sylvains ont choisi de commettre un génocide pour la réalité soit en adéquation avec leur mentalité ! FIN SPOILERS

La narration à rebours dans la mise en place du récit est un peu déroutante malgré un première scène assez percutante. Ça aurait quand même été bien de présenter les protagonistes du drames dès le départ (trop de personnages ne sont pas nommés et c’est enquiquinant de voir évoluer autant de personnages qui ne le sont pas)… Les ellipses permettent de tout boucler en moins de 60 pages : c’était nécessaire mais j’ai trouvé cela frustrant car il y a des passages importants qui passent à la trappe (le sacrifice et la mort du père de de Llali et Elian par exemple). En fait tout dans le récit aurait mérité d’être approfondi (histoire, univers et personnages) car les twists sont un peu précipités mais c’est peut-être dû au format stand-alone.

Tout cela est servi par les dessins de Gianluca Maconi assisté aux couleurs de Diogo Saïto (est-ce à lui qu’on doit encore attribuer des détours blancs ou noirs qui n’auraient pas dû passer le cap d’un travail informatique abouti ?) qui ici sont encore entre deux époques de la BD fantasy avant de rentrer dans le moule des nouveaux standards des éditions Soleil. J’ai du mal avec ses graphismes encore typés comics en bandes dessinées, et le travail du dessinateur reste encore un peu hétérogène malgré toute la bonne volonté manifestée (surtout au niveau de l’encrage m’a-t-il semblé)… Les goûts et les couleurs comme on dit !

note : 6+/10

Alfaric

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