Eric Corbeyran (scénario)
Jean-Paul Bordier (dessin)

Elfes tome 4 :

L’Elu des Semi-Elfes

Bande dessinée, fantasy / heroic fantasy
Publiée le 23 octobre 2013 chez Soleil

Les semi-elfes n’ont ni pays, ni patrie, ni roi, ni unité. Ce sont des bâtards dégénérés qui vivent éparpillés et disséminés. Détestés par les races « pures », ils sont persécutés, chassés, bannis, emprisonnés, lorsqu’ils ne sont pas purement et simplement éliminés à la naissance. Certains se regroupent en tribus, d’autres vivent éparpillés, tous tentent de survivre dans le monde des Hommes. Mais les temps changent et le récit d’une ancienne prophétie se fait entendre. L’annonciation d’une marque, d’un élu, d’un renouveau… leur sort semblait scellé, leur destin infortuné. En réalité, leur histoire ne fait que commencer.

Re-lecture, donc re-critique pour ce tome 4 de la série Elfes intitulé L’Élus des Semi-Elfes. On change de lieu, on change d’époque, on change de personnages… A première lecture j’étais persuadé que ce tome-ci était le maillon faible de la saison 1, mais à deuxième lecture je n’en suis plus si sûr !

Pour une fois je vais commencer par la forme : je ne suis pas fan du travail de Jean-Paul Bordier, mais force est de constater que c’est très soigné ! C’est graphiquement l’album le plus homogène donc le plus abouti de la saison 1, car quand le dessinateur change de braquet on sent réellement tout le travail effectué (notamment avec découpage impeccable). Visuellement il y a un côté « spaghetti » avec des clins d’œil peplum ou western et les scènes d’action ont de la gueule. Sans doute sur consignes d’Eric Corbeyran on voit apparaître des personnages punks, et cela va s’amplifier quand Vukic va à son tour dessiner les Semi-Elfes. Sauf qu’on n’a dû briefer le dessinateur sur l’univers des Terres d’Arran car les Elfes Bleus ressemblent à des ondins, il y a une pelletée de personnages qui semblent sortir de World of Warcraft (équivalent cartoonesque américain de Warhammer qui lui emprunte tout ou presque en moins bien Virus Mickey oblige), et pour ne rien gâcher la reine sylvaine locale ressemble à une Galadrielle eco+ en bikini… C’est dommage !

– Et voilà ! La vieille histoire se répète…
– La guerre n’est pas une vieille histoire, May-liss… Elle est enfouie dans le cœur de chacun… Qu’il soit homme, elfe ou semi-elfe… Et il suffit d’une parole ou d’un geste pour la voir resurgir !

Sur le fond au départ je croyais que changer de personnage principal en cours de route était une catastrophe scénaristique dans un récit de 50 pages. En fait c’est plus compliqué que cela… De la même manière je croyais qu’Eric Corbeyran n’avait pas su offrir de fil directeur aux récits consacrés aux Semi-Elfes… Mais pas du tout en fait !

Car il y a bien un fil directeur avec le thème de l’élu : ici Nah-Thaal croit être l’Élu, Sanah-Liih veut être L’Élu, et Borh-Naha est L’Élu… Trois Élus en un seul tome, c’est carrément trop (et qu’est-ce c’est que ce naming débilement compliqué digne d’une parodie fantasy ?). Cette thématique de l’élu donc de la prophétie va être couplé à celle du leader et du grand soir : à chaque tome « semi-elfique », dans la lutte des classes les personnages attendent le héros qui va les sauver et le personnage principal croit être celui-ci. Et puis vont arriver les anarchistes punks Tein-Nooh et Oranth’al qui vont affirmer haut et fort « aide-toi et le ciel d’aideras ! », et comme pas hasard la chance va enfin tourner pour nos pauvres Semi-Elfes rejetés de tous les côtés…

On a aussi le fil directeur de la haine, avec le suprématiste Kreeh-Hee qui complote et qui intrigue pour jeter de l’huile sur le feu car il a des envies de purification ethnique, et avec l’indigéniste Sanah-Liih qui complote et qui intrigue pour jeter de l’huile sur le feu car il a des envies de revanche et de massacre (les deux auraient collaborés pour déclencher une guerre que le résultat n’aurait guère été différent)… Cela aurait pu être bien, mais la caractérisation est complètement ratée : Nah-Thaal le Spartacus elfique est d’une naïveté incroyable, quitte à baisser les bras à la première difficulté, son second Juh-Biin se laisse mener par le bout de nez de façon comme le dernier des demeurés, Sanah-Liih retourne les Semi-Elfes comme des crêpes avec un seul discours haineux, May-Liiss nous fait du féminisme pas très subtil, et que dire de Borh-Naha qui débarque de nulle-part, fait un petit tour et puis s’en va alors que ses positions anti-haineuses étaient intéressantes lui qui avait su vaincre la haine en lui-même…

C’est quand même complètement frustrant que les points les plus intéressants du récit soient traités hors-champ : la quête de liberté de Nah-Thaal, la quête de guerre de Sanah-Liih entre haine et ambition, la quête de paix de Borh-Naha entre empathie et rédemption… Mais de manière générale on est effectivement entre deux époques de la BD Fantasy, et ici Eric Corbeyran appartient encore au monde d’avant !

note : 6-/10

Alfaric

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