Gabriel Rodriguez
(scénario & dessin)

L’Épée Sacrée

Comics, science-fiction / planet-opera
Publié en VF le 24 avril 2019 chez Delcourt Comics
Publié en VO entre novembre 2017 et juillet 2018 (« The Sword of Ages »)

La culture et la popculture regorgent de récits traditionnels mettant en scène des épées sacrées. D’Excalibur à Stormbringer en passant par Durandal, elles ont toujours fait rêver. Une jeune fille, fort justement prénommée Avalon, devient la détentrice d’une épée sacrée. Mais elle va devoir unir les forces de son monde derrière elle pour le sauver des hordes d’aliens belliqueux.

J’ai trouvé très moches les premiers travaux de Gabriel Rodriguez, et je suis totalement passé à côté de la hype Locke & Key. Je ne voulais pas mourir idiot et j’ai laissé sa chance à l’artiste chilien avec L’Épée Sacrée / The Sword of Ages où il a réalisé à la fois le scénario et le dessin, assisté aux couleurs de Lovern Kindzierski : grand bien m’en a pris !

Grosso modo il transpose la geste arthurienne dans un Planet Opera qui sur le fond comme sur la forme ressemble peu ou prou à L’Incal du duo New Age Moebius / Jodorowsky, mais pas que : d’un côté on retrouve moult clins d’œil à Edgar Rice Burroughs le créateur de Tarzan et John Carter, d’un autre côté on retrouve les univers baroques et bariolées de Jack Vance.

Le vaisseau Pendragon fuit la civilisation avant de se crasher volontairement sur un exoplanète, mais les choses ne se passent comme comme prévu pour son équipage… L’aîné Morgan est rapatrié vers l’humanité, la cadette Avalon restée sur place est élevée non par des singes mais par des tigres à dents de sabres intelligents et parlants. Fatalement vient le jour où les humains impérialistes jettent leur dévolu sur cette exoplanète pour en piller les ressources et en asservir les habitants sous couvert de discours libéraux et moralisateurs aussi ennuyants que lénifiants : l’auteur ne se gêne absolument pas pour montrer du doigt une certaine puissance nord-américaine qui n’hésita pas à bafouer toutes les règles de la démocratie et à instaurer une sanglante dictature dans un pays sud-américain juste pour augmenter les marges bénéficiaires de certains intérêts privés (marre des crevards reagano-thatchéro-macroniens qui placent l’argent au-dessus des gens, votre député macroniste pourrait sans nul doute se reconnaître).

Morgan des Templiers de l’Étoile Noire est en charge d’exploiter, euh pardon d’amener la civilisation, à grand coup de « diviser pour régner », euh pardon à grands coups de pédagogie (macronie copyright). En face de lui sa sœur Avalon qui a pris fait et cause pour les Aliens et qui sous l’égide de Merlin fonde les Gardiens de l’Épée avec Lancer / Lancelot, Gawyn / Gauvain, Trystan / Tristan qui veulent fédérer tous les Bretons / tous les Aliens contre l’envahisseur saxon / l’envahisseur humain. La Team Avalon défend bec et ongles les Moines Blancs des Lunes Jumelles pour défendre ce qui peut encore l’être, et les Templiers de Lune Noire use et abuse de Clan du Soleil Rouge pour s’emparer au plus vite des richesses locales avant de piller et d’exploiter une nouvelle exoplanète (conformément aux doctrines de l’hypercapitalisme et de l’ultralibéralisme)…

– C’est une défaut courant chez les hommes… Le manque d’imagination. Vous êtes trop prompts à foncer dans le tas quand il y a des problèmes.

J’ai bien aimé le scénario et le dessin de l’auteur. Le genderswap est intelligent (le roi de réflexion devient une femme d’action, l’enchanteresse passionnée devient un scientifique froid voire sociopathe), et si on pousse plus loin il peut même devenir très intelligent (avec Guenièvre, Lancelot et Mordred). C’est dense, c’est rythmé, c’est plein d’action, d’émotion et de retournements de situation. Pour ne rien gâcher on se torche le cul du cahier des charges des comics mainstream… Mais il y a deux gros trucs qui posent vraiment problème :

– je ne sais pas si je dois remercier ou blâmer l’auteur mais il m’a mis sur la piste d’une défaillance récurrente dans le monde des comics… on nous montre des personnages copains comme cochons qu’on ne connaît ni d’Eve ni d’Adam : ça marche très bien avec des franchises qui existent depuis plus d’un demi-siècle, mais ça fait très bizarre voire très bancal dans une série originale, sauf que les auteurs de comics sont tellement habitués aux franchises qui existent depuis plus d’un demi-siècle qu’ils ne se donnent même plus la peine de travailler le relationship drama dans une série originale 

– la série est au point mort depuis bientôt 2 ans, et si on en restait là cela serait juste un vaste coup d’épée dans l’eau… Aucune exploitation de la relation Avalon / Morgan, aucune exploitation de Trystan et Isolt farouches partisans de camps opposés, aucune exploitation des entités cosmiques qui font de l’exoplanète l’échiquier de leurs confrontations… Autant de foreshadowing sans aucune suite cela serait complètement naze !

note : 7/10

Alfaric

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