Yu Kinutani, Boichi, Tompnori Inoue, Masayuki Yamamoto, Yu Imai, Nokuto Koike, Nobuaki Tadano, Takumi Oyama, Tony Takezaki, Akira Hiramoto
(scénario & dessin)
d’après Masamune Shirow

The Ghost in the Shell Tribute

(pour public averti)

Manga, science-fiction / cyberpunk
Publié en VF le 18 mars 2020 chez Glénat
Publié en VO en 2017 par Kodansha dans Young Magazine Kaizokuban (« Kōkaku Kidoutai – Ghost in the Shell – Comic Tribute / 攻殻機動隊 ゴースト・イン・ザ・シェル コミックトリビュート»)

L’univers riche de « Ghost in the Shell » ne cesse d’inspirer les auteurs actuels. Ce recueil réunit ceux-ci, avec des développements très différents : là où Yu Kinutani (« GITS Stand Alone Complex »), Takumi Oyama (« GITS Arise ») ou Nokuto Koike (« 6000 ») restent plutôt fidèles à l’ambiance des films de Oshii, Boichi ose partir dans un joyeux délire sexy propre à Shirow. En couverture, une belle Motoko Kusanagi dessinée par Akira Hiramoto hackera immédiatement votre esprit pour vous inciter à prendre ce tome dans les mains !

Après l’hommage à Parasite, voici l’hommage à Ghost in the Shell : décidément Glénat nous fait un revival vintage… Dans les années 1980 Masamune Shirow a incarnait déjà son époque avec ses séries cyberpunk comme Appleseed et Dominion Tank Police quand il sort Ghost in the Shell dont l’adaptation ciné par Mamoru Oshii par va le rendre célèbre dans le monde entier. Grosso modo on suit dans un Japon futuriste, où on fait de moins en moins la différence entre cyborgs et androïdes et où les « tout chair » deviennent des sous-citoyens s’ils n’ont pas les moyens de se faire prothétiser, l’enquête criminelle de la Section 9, et la Major Motoko Kusanagi qui n’a plus grand-chose d’organique en elle se pose beaucoup de questions en poursuivant le cyberterroriste surnommé le Marionnettiste qui change de corps en hackant hommes et machines et qui s’avère probablement ne pas être pas humain… Comment l’auteur a marqué la science-fiction et toute sa génération a-t-il quasiment arrêté le manga en 1995 alors que quelque mois auparavant il déclarait avoir plein de projets dont la poursuite du manga Appleseed ? L’attentat du métro de Tokyo avec 13 morts, plus de 6300 blessés dont un certain nombre avec de séquelles à vie… Lui qui parlait souvent de terrorisme et de lutte contre le terrorisme dans ses mangas s’est-il autocensuré ou a-t-il été censuré ???

 

Yu Kinutani, A Day In The Life : 8+/10
Le mangaka nous offre moins un hommage à Ghost in the Shell qu’une version post 11/09/2001 d’Appleseed. En effet nous suivons une opération militaire pour dézinguer un leader terroriste, ces commandos tombent dans un guet-apens, et les soldats veulent faire retraite et sauver leur peau tandis que les mercenaires veulent aller de l’avant pour toucher leur paye.
Le récit met en avant Saito, un super-sniper connecté, qui est le seul capable de leur dégager un chemin en flinguant les snipers ennemis et en repérant et tuant le leader terroriste pour que la mission ne soit pas un échec. Il est dans l’impasse quand une mystérieuse militaire que nous connaissons tous les prêtent ses yeux par connexion wi-fi, et Saito se demande qui des deux a le plus grosse paire… Mine de rien, cela ressemble à du Hiroki Endo donc je valide !

 

Boichi, L’Éminence Grise : 5,5/10
Boichi aime la SF, le cul et la grosse déconne… Donc il nous raconte une mission de la Section 9 pleine de cul et de grosse déconne qui parodie à mort la série d’origine !
Le vieux gourou tantrique Double-S a piraté le cerveau du Premier Ministre. Au Japon comme aux États-Unis dès que c’est religieux c’est exempté de charges, de taxes, d’impôts et de respect de la loi, et au Japon comme au États-Unis on n’est habitué à la corruption et aux turpitudes des puissantes. Mais au Japon comme aux États-Unis, on est nationaliste donc quand Double-S se met à vendre des secrets d’État au plus offrant, il faut l’éliminer au plus vite. Sauf qu’avec les milliards qu’il a détourné, Double S s’est doté d’un corps invincible de bombasse hermaphrodite. Le seul moment où il baisse la garde c’est durant l’orgasme, donc c’est la Major Motoko Kusanagi qui s’y colle pour le plan à trois et la mission d’assassinat…
Bref Boichi se fait plaisir avec des dessins magnifiques dans un grand n’importe quoi, mais je ne sais pas s’il fait un clin d’œil ou une insulte à son compatriote mangaka comme lui venu de Corée du Sud Double-S !

 

Tomori Inoue : La Ville close / Closed City : 7/10 (8+ pour l’histoire / 6- pour les dessins)
Sans doute le récit le plus troublant donc le plus intéressant, mais comme il court et riche en twists je passe directement en ZONE SPOILERS :
La Section 9 doit enquêter dans un bidonville sur une meurtre qui n’a pu être commis que par un cyborg surpuissant. On inverse les rôles quand la Major Motoko Kusanagi doit protéger un trafiquant d’organes de ses victimes. Mais les victimes sont mortes et ont été transformés en poupées de chair avec une puce à la place du cerveau, comment peuvent-elles vouloir se venger ? D’ailleurs tous les habitants du bidonville ne sont pas censé être d’une épidémie il y a quelques années… et si les pauvres avaient trouvé un moyen d’évoluer pour survivre et que malgré leurs corps mécaniques et les cerveaux électroniques les membres de la Section 9 étaient les seuls être humains de la Ville close… vertigineux, donc dommage que les dessins volontairement ou involontairement old school !

 

Masayuki Yamato, Meeting Again : 5,5/10
Dessins moyens, scénario moyen : j’ai connu des mangas amateurs bien plus inspirés que celui-là, et/ou de bien meilleur qualité graphique… L’idée c’est que Batou travaille désormais en freelance et qu’il en galère niveau financier parce que les prothèses cybernétiques ça coûte un bras. Grosso modo il est chasseur de primes, il s’attaque à trop fort pour lui et s’en sort grâce à un mystérieux appel. Et ce dernier c’est le fantôme de Daisuke Aramaki qui réunit tous les anciens membres de la Section 9 pour faire un pic-nique… Aussitôt lu, aussitôt oublié !

 

Yu Imai, Major Laglande : 4/10
Enfin des bons dessins, mais pour le récit c’est OSEF. L’idée c’est que les membres de la Section 9 deviennent les membres d’une famille et qu’on fait l’éloge de la paresse dans un pays où on ne vit que par les quantités parfois inhumaines de travail effectué… Pourquoi pas, mais j’ai envie de dire : « qu’est-ce que cela vient faire là ? »

 

Nokuto Koike, Classique : 8/10
Un fable philosophique très belle, très mélancolique mais pour y accéder il faut que le lecteur fasse un effort. Batou a un coup de blues, et il veut absolument retrouver la musique qu’il a entendu lors d’un opération militaire en Europe Centrale mais avec le même son. Il réalise des efforts surhumains d’électronique vintage, mais ne trouve pas pour autant ce qu’il cherche… parce qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, et cela prend tout son sens quand à la fin on découvre que le morceau de musique dont il recherchait à reconstituer le son plutôt que l’état d’esprit qui l’a marqué, c’est ceci :

Un récit court à l’ambiance mélancolique, bien dessiné et bien maîtrisé. IMPOSSIBLE de ne pas penser à cette arme de destruction massive qui dans Pluto déclarait à un pianiste aveugle et misanthrope voulant mettre un musique les paysages de son pays ces simples mots : « je veux apprendre à jouer du piano, je ne veux plus faire la guerre… » Mais ceci est une autre histoire !

Les guerres vont continuer tant qu’il y aura des pontes avec des armes à écouler…

Nobuaki Tadano, La Prison du Plaisir : 8,5/10
Un récit à chute très court délibérément Hard Boiled qui commence d’ailleurs par une citation de Raymond Chandler. Un agent de la Section 9 doit protéger un pourriture médicale dont les créations intéressent le gouvernement. Tous les junkies qu’il a transformés en monstres lui courent après pour lui faire la peau, et le mec qu’il doit protéger est tellement arrogant et méprisant envers tout ceux qu’ils jugent indigne de son génie qu’il décide non de le buter mais de le laisser entre les mains de ses victimes pour que justice soit faite ! Graphiquement cela ressemble tellement à du Yukito Kishiro au meilleur de sa forme que cela en était confusant !

 

Takumi Oyama, Hopeful Monster : 8,5/10
Un récit intéressant sur le transhumanisme et le posthumanisme. Togusa est un « tout chair » et il doit passer du temps en convalescence à l’hôpital là où collègue cyborgs passent à l’atelier se font réparer : pour tous c’est un boulet, pour le grand patron c’est un joker car il ne faut jamais mettre ses œufs dans le même panier… On oppose l’inspecteur « tout chair » qui n’aurait pas sa place dans un société où tout le monde se fait prothétiser, et le serial killer cannibale qui n’aurait plus sa place dans une société où les gens sont d’acier et de plastique et non plus de chair et de sang. Ironiquement c’est le « méchant » qui va prouver ou « gentil » que la richesse d’un groupe humain vient non pas de son efficacité mais de sa diversité :
ATTENTION SPOILERS en utilisant une arme IEM tous les cyberflics buggent sauf le « tout chair » à la plus grand surprise du serial killer cannibale ! Bon dessin, bon récit, des thèmes très intéressant sur le darwinisme appliqué non aux espèces animales mais aux sociétés humaines. FIN SPOILERS
C’est bien cool !

 

Tony Takezaki, Le « Ghost in the Shell de Tony Takezaki » : 3/10
L’auteur se fait plaisir avec une suite de de mangas à gags :
– d’abord un pastiche Ghost in the Shell version « sentaï »
– ensuite un pastiche Ghost in the Shell version « pulp »
– dans Product Out on parle produits dérivés pour financer les opérations secrètes de la Section 9, donc les otakus parlent aux otakus
– dans Simian Smile, le boss renomme ses agents et je n’ai pas trouvé qui était drôle (la barrière culturelle sans doute)
– dans Ai Manzai, deux machines sont victimes d’un virus informatique qui les transforme en duo comique de stand-up et je n’ai pas compris ce qui était drôle (la barrière culturelle sans doute)
– dans Dummy Trap, le Major Mokoto Kusanagi poursuit un parodie du marionnettiste donc elle se met à traquer tous les gadgets connecté à l’apparence de jouets qui traînent dans la rue…
– dans Aging Amazing / Apprend du passé de la SF 1, Batou se prend pour Captain Flam et là j’ai enfin ri…
– dans Monkey Magic, Batou doit se connecter à Mokoto Kusanagi en pleine partouze lesbienne et comme ils partagent leurs sensations cela amène une série de gags potaches le plus souvent en dessous de la ceinture
– dans Aging Amazing / Apprend du passé de la SF 2, on nous montre un combat comme dans les tous premiers mangas, avec juste de la poussière et des bruits… Soupirs…
– dans Diet Die Hard, un obèse veut absolument être protégé par la Section 9 et à force de les poursuivre pour obtenir un garde du corps la graisse se transforme en muscle… Soupirs…
– dans Army Arm, Batou montre tout les gadgets utiles ou inutiles de son nouveau cyber-bras au Major Mokoto Kusanagi qui en a rien à secouer…
– dans Aging Amazing / Apprend du passé de la SF 3, le Major Mokoto Kusanagi se rend invisible et se fait percuter par tout le monde et renverser par tous les véhicules… j’ai souri à la blague sur l’Homme Invisible…

 

A première je me suis encore dit qu’il y avait du bon et du monde bon dans chaque recueil, mais que les éditeurs pourraient davantage trier le bon grain de l’ivraie pour qu’on revisite, étende, développe et approfondisse l’univers d’origine plutôt que de donner dans la parodie et le pastiche. Mais finalement sur 9 récits il n’y en a que 3 qui soient vraiment OSEF, mais comme le dernier récit du recueil est le plus long et le moins bon on reste sur une mauvaise voire très mauvaise impression (d’autant plus que les bons récits sont plus court que les moins bons récits)… Bref, à réserver aux amateurs avertis quand même !

note : 6/10

Alfaric

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