Mathieu Gabella (scénario)
Frédérique Neau-Dufour (historienne)
Christophe Regnault & Michaël Malatini (dessin)

Ils ont fait l’Histoire,

De Gaulle 2ème partie

Bande dessinée, histoire / 20ème siècle
Publiée le 03 juin 2020 chez Glénat

Lorsqu’il lance son appel à la résistance, le 18 juin 1940 à la BBC, le général de Gaulle est une homme seul, un illustre inconnu pour la plupart des Français. Il vient pourtant d’entrer dans l’Histoire en devant le Général rebelle, condamné à mort par contumace en août 1940 par le gouvernement pétainiste, mais reconnu par Churchill comme chef des Français libres. Depuis Londres, en s’appuyant sur l’empire colonial, il organise les Forces françaises libres et dote la France libre d’un gouvernement en exil, imposant la France parmi les pays vainqueurs de la guerre.

Ce tome 2 pourrait se résumer à une tirade du Cid de Pierre Corneille :
« Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port, Tant, à nous voir marcher avec un tel visage, Les plus épouvantés reprenaient leur courage ! »

Tomber 7 fois et se relever 8 fois… Au début CDG a un bureau à Londres avec un aide de camp et une secrétaire et il est seul contre tous, condamné par Vichy mais sauvé par Churchill qui a parié sur lui. Et puis tandis que les notables désertent la France pour les États-Unis ou trahissent allègrement leur pays pour en tirer parti (c’est CDG qui le dit : ne jamais faire confiance à la bourgeoisie qui ne souhaite que préserver ses avantages acquis sans rien faire et qui veut détruire ceux que le peuple obtenu de haute lutte), il y a des gens qui viennent de toutes les classes de la société et de tous les horizons, y compris politiques. On fait la sociologie de la Résistance et on retrouve toute la France (d’où un programme de reconstruction universel), on fait la sociologie de la Collaboration et on retrouve une bonne partie de l’autoproclamée haute et bonne société toujours donneuse de leçons (ou plutôt on ne l’a fait pas pour les raisons que l’on sait).

Le récit est mis en scène par une succession de saynètes de 1 ou 2 pages se remplissant peu à peu d’hommes et de femmes venus défendre « une certaine idée de la France » (d’où les nombreux hiatus chronologiques, mais c’est un choix narratif) : citons parmi tant d’autres Leclerc, Jean Moulin, Félix Boué, le Général Catroux, le Général Koening, Robert Schumann… Donc on a régulièrement des planches qui enchaînent des cases montrant les mêmes lieux de la même manière avec un CDG dans la même pose : il voyage aux quatre coins de l’Empire Français, et à chaque problème il doit apporter une solution en fonction de la situation. Et les problèmes c’est les Anglais qui en ont soupé de l’anglophobie et de la germanophilie des élites françaises, et qui donc profitent de la situation pour tailler des croupières à l’empire colonial français en jetant de l’huile sur le feu partout où cela est possible. Mais les problèmes c’est encore plus les Américains qui préfèrent négocier avec Vichy qu’ils caressent dans le sens du poil plutôt que de s’associer à la France Libre qu’il cherche à éliminer (Churchill a mouillé sa chemise pour sauver la peau de CDG à plusieurs reprises) : avec des amis comme cela on n’a vraiment plus besoin d’ennemis ! Et à part la haute trahison à base de gros chèques déposés dans des pays pratiquant le secret bancaire (pourquoi croyez-vous que d’anciens ministres et d’anciens présidents sont grassement payés pour donner des conférences bidons outre-atlantique : c’est juste du blanchiment d’argent !), je ne comprends absolument pas que nos dirigeants baissent systématiquement leur froc devant la Maison Blanche en disant amen à toutes les conneries yankees alors qu’on se fait sodomiser bien profond à chaque fois…

On ne peut pas être guilleret quand on est la France.

CDG est toujours parti de l’idée que la WWII on pouvait et on devait la gagner : d’un point de vue français tant que l’empire colonial est mobilisable rien n’est perdu, et dans une guerre industrielle personne ne peut pas battre les États-Unis première puissance industrielle. Pour lui le sort en est jeté avec l’attaque des Japonais sur Pearl Harbor : non seulement les Yankees vont ne cesser de pourrir la vie des Alliés (diktat envers les Anglais, diviser pour régner envers les Français, matériel arrivant abîmé et en retard en URSS, et j’en passe des vertes et des pas mûres), après avoir servi la soupe au IIIe Reich jusqu’à la déclaration de guerre en 1939, mais en plus ils vont prolonger inutilement la guerre en refusant les offres de reddition de l’Italie, de l’Allemagne et du Japon pour mieux imposer leurs conditions (à base de contrat commerciaux juteux). Bon après on ne va pas se mentir, au final c’est l’Armée Rouge qui a botté le cul de la Wehrmacht, à un coût humain et matériel exorbitant, ce qui a obligé les USA a passer des bombardements aux opérations sur le terrain puis à utiliser la bombe atomique pour mettre tout le monde d’accord. Je le dis, je le répète : avec des amis pareils, plus besoin d’ennemis…

On a voulu mettre la France Libre hors-jeu pour faire passer notre pays de l’occupation allemande à l’occupation américaine, ou pire une Espagne bis avec un Franco bis. Sauf que la France Libre a sauvé les miches des Anglais en Afrique, avant de sauver les miches des Américains en Europe, et qu’entre-temps elle a libéré Paris toute seule comme une grande. CDG a mis la tête des Yankees dans leur caca : Churchill est mort de rire et peut fréquenter à nouveau son vieux pote sans se faire taper sur les doigts par les sicaires de F.D. Roosevelt (vous savez celui qui refusait de serrer les mains d’un individu de couleur contrairement à Adolf Hitler).

Le récit commence par l’appel gaulliste et optimiste du 18 juin répondant à l’appel vichyste et pessimiste du 17 juin*. Mathieu Gabella nous régal de dialogues truculents principalement basé sur l’opposition entre les divergences de vues entre résistants, collabos, alliés et ennemis. Ça ferait une série télé du tonnerre comme les anglo-saxons savent si bien les faire, mais ne sous-estimons pas la médiocrité des producteurs franco-français. Raconter toute la WWII en 48 pages oblige à survoler le sujet ce qui limite les ambitions de l’œuvre…

L’avant-dernière page évoque la nécessaire réconciliation après la guerre civile. Mais il y eut deux poids deux mesurse : sur la Résistance a été miséricordieuse avec les Collabos, les Collabos ont-ils eu la moindre pitié avec les Résistants qu’ils ont envoyé à la torture et à la mort ? La nièce de CDG s’indigne devant le sexisme de son oncle : on n’a pas fait de faveur aux femmes qu’on a envoyé en déportation, alors pourquoi faudrait-il gracier les femmes qui les ont envoyé en déportation ? On a réhabiliter des racismes de la pire espèce, et on s’étonne que la décolonisation ait très mal tourné ; on a réhabiliter des suprématistes de la pire espèce et on s’étonne qu les mouvements sociaux aient mal tourné : tu es naïf CDG, et tu as raté l’occasion ou jamais de nous débarrasser de la chienlit élitiste…

La dernière page évoque l’exil à Colombey, CDG étant dégoûté par le parlementarisme qui favoriserait les calculs et les petites carrières avant l’intérêt général. Avec la Constitution de 1962 il a fondé la Ve République qui a muselé les calculs et les petites carrières, mais depuis sa mort en 1969 a-t-on eu des dirigeants n’agissant pas sans calculs et sans petites carrières : chaque président est pire que celui d’avant, et nous fait redouter celui qui nous le fera regretter. J’avais dit que j’avais peur du président qui nous ferait regretter François Hollande : on a été bien mal servi, et le prochain sera sans aucun doute encore pire !

 

* En ce 18 juin 2020 les élites bien pensantes s’empressent de se poser en héritières du gaullisme, pourtant elles se réclament toutes du reagano-thatchéro-macronisme qui année après année ne cessent de dépecer morceau par morceau tous les héritages du CNR qui nous a offert 30 années de prospérité grandissante contrairement au reagano-tharchéro-macronisme qui nous a offert 50 ans de pauvreté grandissante…

note : 8+/10

Alfaric

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