Dean Koontz

Jane Hawk, tome 4 :

La Porte interdite

Roman, thriller / horreur / anticipation
Publié en VF le 04 février 2021 chez l’Archipel
Publié en VO le 09 octobre 2018 chez Bantam (« The Forbidden Door »)

Jane Hawk, que la presse a surnommée le « Beau Monstre », vient d’être inculpée pour espionnage, trahison et meurtres. Autant de crimes dont elle est innocente… L’organisation secrète aux nombreuses ramifications qu’elle combat a décidé de resserrer son étau. Mais Jane, qui se rapproche du cerveau du complot, contre-attaque. Ses ennemis vont bientôt apprendre le sens du mot « peur ». Leur riposte ne se fait pas attendre. De nouvelles menaces se dressent devant elle. Objectif : la neutraliser. Et Travis, son fils âgé de cinq ans, est enlevé. S’engage alors un combat sans merci entre Jane et l’organisation secrète, qui redoute que la porte interdite soit franchie…

Merci Masse Critique, Merci Babelio, Merci L’Archipel ! Mais désolé je n’ai pas apprécié ce titre, donc je vais devoir endosser le rôle ingrat du pisse-froid, et donc je vais hérisser les poils de ceux qui ont kiffé. Désolé donc, je n’ai pas trouvé cela mauvais, j’ai trouvé cela très mauvais.… C’est ma première incursion chez Dean Koontz un maître de l’horreur, donc j’ai vérifié les retours des amateurs de l’auteur pour voir s’il n’y avait incompatibilité d’humeur. Alors pour résumer la série Jane Hawk commençait bien avant de finir en eau de boudin, la série Jane Hawk sortait initialement du même moule que celui de la série Odd Thomas, et de toutes les manières Dean Koontz écrivait mieux dans les années 1980 que maintenant (quand il donnait dans le fantastique et l’horreur, et pas dans genre codifié voire lénifiant du techno-thriller)…

Déjà, La Porte interdite est le tome 4 d’une série qui en compte 5. Je ne suis pas responsable éditorial, mais ça me paraît évident qu’il vaut mieux en informer lecteurs et lectrices… Parce que là, je me suis retrouvé au milieu du gué et je n’ai tout compris hein, surtout concernant les enjeux de la guerre entre le camp des méchants et le camp des gentils. Et pour ne rien gâcher rien n’est résolu à la fin de ce tome de transition, les Américains étant très forts en gras littéraire et en tirage à la ligne pour pondre des trilogies en 5 tomes…

 

Ensuite, on passe du conspirationnisme au complotisme pour mieux brosser l’électorat de Donald Trump dans le sens du poil (celui qui considère les légendes urbaines de QAnon comme paroles d’évangiles), surtout s’il est partisan du deuxième amendement de la constitution américaine (« armez-vous jusqu’aux dents, pour tirer comme des lapins tout ce qui pour vous constitue une menace, surtout avec le brainwashing des réseaux asociaux »).

Car pour faire peur aux lecteurs on nous explique que les Illuminati (ça existe déjà IRL : c’est la ploutocratie) se sont emparés du gouvernement (ça existe déjà IRL : c’est l’État profond), et qu’ils veulent abrutir les gens pour mieux les asservir (ça existe déjà IRL : c’est le pain et les jeux, et l’hypercapitalisme ultralibéral). On surfe donc sur la mode complotiste avec le contrôle des médias et tous ces attentats qui n’en seraient pas. Mais on surfe aussi sur les modes technophobe et antivax, car on précise à plusieurs reprises qu’ils faut des « ampoules » et des « piqûres » pour injecter les nanomachines qui vont transformer les gens inférieurs en robots (parce les élites préfèrent les robots aux gens, c’est plus moderne, c’est plus plus hype, et les gens inférieurs c’est con et c’est chiant en plus d’être sales et puants).

Je n’ai rien compris aux Techno Arcadiens. Ils prétendent changer le monde en pacifiant l’humanité et en éradiquant la misère. Mais avant leur grand complot ils n’ont rien absolument rien fait contre la guerre et la misère (ben oui, comme les bobos hipsters IRL). Et vu le profil psychologique des adhérents du mouvement plein de pervers narcissiques persuadés qu’ils sont tout et que les autres ne sont rien, les choses ne risquent pas de s’améliorer hein (ben oui, comme les bobos hipsters IRL)… D’ailleurs ce n’est pas comme si les hommes n’étaient pas destinés à devenir des machines à tuer (soupirs), les femmes destinées à devenir des esclaves sexuelles (soupirs), et les opposants destinés à ce suicider pour ne pas transmettre les gènes du libre arbitre à leur descendance (soupirs). Ils se posent en révolutionnaires organisés en cellules autonomes les unes des autres pour ne pas se dénoncer les unes des autres, mais ce sont d’abord et surtout des néoconservateurs qui agissent au mépris des règles élémentaires de la clandestinité en obéissant aveuglément aux ordres du Grand Ordonnateur. S’ils ont pris le contrôle du gouvernement pourquoi ils agissent dans la clandestinité ? S’ils n’ont pas pris le contrôle du gouvernement pourquoi ils agissent sous son couvert au risque d’être découverts ? Ça n’a aucun sens, mais on retombe dans les travers américains de mélanger méchants établis et méchants résurgents pour faire plus cool et plus fun même si cela n’a aucun sens !!!

Jane Hawk les a vus. Pour elle, tout a commencé par une nuit sombre, le long d’une route solitaire de campagne, alors qu’elle cherchait un raccourci que jamais il ne trouva. Cela a commencé par une auberge abandonnée et par une femme devenu trop lasse pour continuer sa route. Maintenant, jane Hawk sait que les envahisseurs sont là, qu’ils ont pris forme humaine et qu’il lui faut convaincre un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé…
On est dans la grande parano du seul / seule contre tous / toutes. Cela a été incarné par la série télé culte Les Envahisseurs, mais avant c’était L’Invasion des profanateurs de sépultures de Jack Finney, Les Marionnettes humaines de Heinlein, et Celui qui chuchotait dans les ténèbres de Lovecraft… On aurait donc pu jouer à fond la carte de la parano, mais dans ce tome ce n’est absolument pas le cas ! (et j’ose espérer que cela a été le cas auparavant dans la série, sinon l’auteur n’aura vraiment rien compris au truc)

Et quand tu insères la technologue dans ton récit il faut être rigoureux sinon c’est la foire à la saucisse !
– les nanomatériaux sont toxiques pour l’organisme qui les rejettent systématiquement
– avec toute la bonne volonté du monde, les nanotechnologies sont encore au stade de la fabrication de nouveaux matériaux, et pas de la fabrication de machines dotées d’Intelligence Artificielle
– on veut manipuler le cerveau humain, mais malgré des efforts considérables on ne sait toujours pas comment fonctionne le cerveau humain donc c’est la foire aux apprentis sorciers de pacotille

Mais bon je sais d’où vient tout ce bousin : par contrat, les studios et les networks US doivent présenter un pays supérieur au reste du monde d’un point de vue technologique (remember Mulder et Scully dans X-Files, qui avaient des téléphones portables à une époque où cette technologie n’existait pas encore). Donc à force de s’auto-intoxiquer les Américains sont persuadés que ce qui relève de l’anticipation sinon de la science-fiction existe déjà, donc ils sont constamment dans la surenchère technologique quitte à donner dans le ridicule nanaresque ! (bon, on a quand même un moment où un mec pète un câble, et transmet sa folie par wifi aux autres « modifiés », ce qui amènent quelques scènes à la George Romero… Sauf que ce wifi est limité à 30 kilomètres alors que les communications sont globales grâce aux satellites en orbite, mais ça tombe bien pour les besoins du scénario que la folie soit limitée à quelques kilomètres carrés)

Une révolution digne de ce nom n’est jamais terminée. C’est un mode de vie.

Le personnage principal, c’est superwoman :
Jane Hawk est super belle et super forte, super intelligente et super cultivée, super courageuse et super intrépide et pour ne rien gâcher elle est super gentille et super empathique. C’est un vrai top model et tous les mecs tombent follement amoureux d’elle, sauf les méchants cruels et brutaux qui veulent absolument lui faire subir les pire sévices… Alors certes dès qu’il y a un peu de danger, elle se transforme en Chuck Norris en talons aiguilles, mais c’est quoi son plan contre les méchants ?
Alors qu’elle est l’ennemie public n°1 recherchée par tous les autorités des États-Unis, elle va exfiltrer son fils bien planqué dans un bunker sécurisé pour le transporter dans un endroit moins planqué et moins sécurisé. Les fugitifs du monde entier ont toujours eux le choix entre deux options : rejoindre la frontière la plus proche au plus vite pour se jouer de la territorialisation policière ou judiciaire, ou se planquer et faire le mort / la morte le plus longtemps possible. Jane Hawk agente surdouée du FBI choisit elle de traverser tous les États-Unis alors qu’elle est recherchée morte ou vive… C’est une génie certes, mais bien malin sait comment elle pourrait avoir la moindre chance de vaincre ses adversaires ! (et donc pourquoi ses adversaires s’acharnent sur elle alors qu’elle ne peut rien faire contre eux avec le contrôle des médias, le netwashing et tout ça)

Les personnages secondaires sont creux et inutiles :
Les méchants sont à la poursuite des beaux-parents de Jane Hawk, mais c’est une véritable chasse au dahu. Il y a une intrigue secondaire avec Juan Saba dans leur ranch, mais c’est juste un tour de chauffe. Il y a une intrigue secondaire la famille Longrin, amie d’enfance de feu le mari de Jane Hawk. Du coup on fait du suspens sur une prise d’otages avec une pré-ado qui doit sauver sa famille, mais ça n’a aucune incidence sur l’intrigue principale (mais c’est l’un des rares moment où il y a un peu de tension)…
On a le vieux shérif afro-américain du Middle-West, le pépé juif forcément survivant de la Shoah comme tous les pépés juifs des États-Unis (alors que les survivants de la Shoah ont surtout rejoint la terre promise), le bandit mexicain au grand cœur mais forcément joli cœur, et le geek survivaliste forcément atteint de tocs divers et variés… C’est la foire aux clichés certes, mais surtout aucun de ces personnages n’est nécessaire à l’avancée du récit car super Jane n’a aucunement besoin d’eux pour faire ce qu’elle a à faire…

Les méchants sont stupides donc ridicules :
La grande idée de Dean Koontz c’est de longuement s’attarder sur les POVs des méchants. Sauf qu’il passe son temps à nous montrer qu’ils sont cruels et brutaux avec tous les clichés possibles et imaginables, et qu’ils passent leur temps à s’auto-congratuler d’être cruels et brutaux avec tous les clichés possibles et imaginables. D’ailleurs ils ont rejoint le mouvement des Techno Arcadiens pour ne pas faire parti du « bétail sur patte » dans un monde qu’ils jugent cruel et brutal, et ils sont en concurrence les uns avec les autres pour monter en grade le plus vite possible et être à l’abri de leurs collègues cruels et brutaux qui veulent se défouler sur « les merdeux incultes » (mais comme les États-Unis vouent un véritable culte à l’ignorance, ce sont eux-mêmes des merdeux incultes qui ne savent rien sur rien)…
– Egon Gottfrey est un illuminé persuadé que rien n’est réel donc que ses actes n’ont aucune conséquence, y compris buter ses propres collègues pour améliorer son rôle au sein du scénario…
– Janis Dern est une psychopathe en colère contre la terre entière, et elle veut faire souffrir tout le monde y compris et surtout ces saloperies d’enfants de merde (sic)…
– Carter Jergen et Radley Dubose sont les Laurel et Hardy de la crevardise, et le patricien ne cesse de se quereller avec le plébéien nouveau riche niveaux cruauté, brutalité et perversion.
– Ivan Petro est un sadique qui aime tourmenter et torturer son prochain, surtout s’il s’agit de strong independant women bien roulées, car c’est la destinée manifeste des supérieurs et des inférieurs…
Les gentils s’en sortent uniquement parce que les méchants sont cons comme leurs pieds, refusant de collaborer pour être les premiers à capturer leurs cibles (heureusement pour le scénario les gentils sont suffisamment cons pour les remettre en scelle en jetant de fausses plaques d’immatriculation toutes neuves au bord de la route). Ils insultent et menacent systématiquement et immédiatement tous les gens qu’ils rencontrent, grillant leur couverture aux premiers mots qu’ils prononcent… Et après ils s’étonnent que les choses ne marchent pas comme ils l’avaient prévu, mais bon la morale sauve car ils meurent tous connement les uns après les autres (et de façons plus connes les unes que les autres)…

Et on retrouve des tics d’écritures issus des ateliers d’écriture yankee :
On ne s’ennuie pas parce qu’on fait succéder à une vitesse folle des chapitres de 1, 2 ou 3 pages maximum. Cela donne du rythme, mais ce rythme est parfaitement artificiel. Du coup on fait défiler des pages et des pages de répétitions de remplissages…
Il y a aussi ce fétichisme des Américains pour les flingues et les bagnoles. Ils se sentent obligés de donner la marque, le modèle et le calibre de toutes les armes à feu utilisées (ou non utilisées d’ailleurs), et ils se sentent obligés de donner la marque, le modèle et la couleur de tous les véhicules utilisées (ou non d’ailleurs). Au bout de quelques dizaines de pages, je n’en pouvais déjà plus du 4×4 Rhino GX, et du 6×6 VelociRaptor. Et pour ne rien gâcher, on a du placement commercial pour les vêtements, les i-machins et les dernières applis à la mode sur smartphone…
Le rythme déjà est calculé pour une adaptation ciné ou télé, car aucune scène ne représenterait plus de quelques minutes à l’écran. Mais en plus on reste évasif sur l’apparence des personnages pour qu’ils puissent être incarnés par tout le monde (à moins de faire des clins d’œil à tel ou tel acteur / telle ou telle actrice pour forcer la main du futur producteur), on se garde bien de faire des descriptions des lieux pour pouvoir tourner n’importe où et n’importe quand, et on ne pose pas d’ambiance pour que l’adaptation puisse faire ce qu’elle veut à ce niveau-là…

 

Si j’ai bien compris, la série joue sur le jeu pourchasseuse / pourchassée. On aurait pu être comme dans le film Ennemi d’État dans un combat du David incarnation des droits individuels contre le Goliath incarnation des impératifs étatiques, mais au final on est dans le gros nanar (genre ce gars qui hack les satellites militaires chinois les doigts dans le nez, avant de devoir laborieusement affiner ses recherches avec Google Street View : mais oui, ruinons joyeusement la suspension d’incrédulité)…

Alors comme Graham Masterton, passé un cap on a un alternance de clins d’œil à la culture classique (Munch et Fussli par exemple) et de clins d’œil à la culture populaire (La Quatrième Dimension et L’Invasion des profanateurs de sépultures par exemple). Mais ici c’est forcé, donc ce n’est pas drôle…

Franchement j’ai lu bien mieux chez David Khara bon artisan de Série B, et chez Ian Manook malgré sa tendance à effectuer des « jump the shark »… Et pourtant Dean Koontz n’est pas dupe, puisque qu’il se moque des délires d’Egon Gottfrey qui se croit dans Matrix, du milliardaire apatride Elon Musk qui essaie de fabriquer des cochons cyborgs, ou de ses méchants avec ce personnage qui se demande si une telle concentration de psychopathes n’est pas contre-productive, ou avec tous ses clins d’œil aux œuvres dont il s’inspire et auxquelles il veut sans doute rendre hommage…

note : 3-/10

Alfaric

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