Edmond Hamilton

Les Loups des étoiles, tome 1

L’Arme de nulle part

Roman, science-fiction / space opera
Publié en VF en 1971 chez Opta
Publié en VO en 1967 chez Ace (« The Weapon from Beyond »)

Des pirates et des mercenaires, des mondes oubliés et des races très anciennes et, au milieu, Morgan Chase, le Loup des étoiles. Des étoiles l’observaient et il lui sembla qu’elles murmuraient : “Meurs, Loup des Etoiles, ta course s’achève ici.”

Edmond Hamilton et Leigh Brackett sont passés à la postérité respectivement comme pape et papesse du Space Opera. Conjoints à la ville et collègues à la maison, ou collègues à la ville et conjoints à la maison, ce n’est pas un hasard si fans du Sword & Planet d’Edgar Rice Burroughs ils aient tous les deux créé un tarzanide aux fortes allures de Conan le Cimmérien dans l’Espâce… Ah ça oui, on bondit souvent « comme un fauve » et on plonge souvent « telle une panthère », sans parler de l’antihéros cheveux noirs, regard sombre, épée au poing, un voleur, un pillard, un tueur aux accès de mélancolie tout aussi démesurés que ses joies – pour fouler de ses sandales les trônes constellés de joyaux de la galaxie » ! Si vous êtes comme moi un enfant des « guerres des étoiles » (voir le beau livre du même nom), je vous souhaite la bienvenue dans un univers de grande aventure !!!

Lord Greystocke a été élevé parmi les indigènes africains, Eric John Stark a été élevé parmi les hommes-singes mercuriens, et Morgan Chane a été élevé parmi les hommes-loups varnans : les mêmes causes produisent les mêmes effets, et on va explorer les frontières de l’humanité avec une bête déguisée en homme.
Planète inhospitalière à forte gravité, Varna a développé une civilisation sans foi ni loi ressemblant fortement à celle des Vikings du Haut Moyen-Âge. Morgan Chane enfant de missionnaires chrétiens a survécu contrairement à ses parents, pour s’ensauvager et être adopté par sa nouvelle communauté. Les Varniens disposent de capacités physiques hors-normes qui leur permettent de supporter les G des manœuvres spatiales beaucoup mieux que n’importe quel peuple : personne ne peut les vaincre sur les champs de batailles intersidéraux, et ils vivent du pillage avec les faibles et du commerce avec ceux qui sont encore trop fort pour eux…

Le récit de ce tome 1 intitulé L’Arme de nulle part et publié en 1967 débute par Morgane Chane blessé dérivant dans une rivière de poussières cosmiques. Il a tué son chef Ssander lors du partage du butin, et ses frères d’armes partis en vendetta l’ont obligé à fuir comme un paria. En cavale dans l’Amas de Corvus, il tente le tout pour le tout en s’éjectant de son vaisseau avant de le faire sauter pour attirer l’attention d’une navette à proximité (et pour que personne ne s’aperçoive que bien qu’humain, il est l’un des loups des étoiles dont la tête est mise à prix dans toute la galaxie et dont la mort donne lieu à des réjouissances nationales sur des milliers et des milliers de mondes). C’est ainsi qu’il est recueilli par le chef mercenaire terrien John Dilullo qui l’embarque bien malgré lui dans un conflit tiers-mondiste : la planète technologiquement évoluée Vhol veut mettre la main sur la planète Kharal technologiquement moins évoluée mais très riche en matières premières hautement convoitables et hautement convoitées… Les salopards commandés par Dilullo doivent identifier et neutraliser la fameuse arme secrète dont parlent toutes les rumeurs amies comme ennemies, et après une phase aventure, une phase espionnage et une phase militaire, mercenaires terriens, soldats vholiens et pillards varnans se lancent dans une course au trésor avant d’assister à une très fantastique rencontre du Troisième Type que n’aurait pas renié H.P. Lovecraft car n’est pas mort ce qui à jamais dort…

Il y a beaucoup de personnages secondaires sympathiques qui ne demandaient qu’à être développés, mais fort malheureusement le récit n’est pas choral. Tout repose donc sur le chouette duo formé par John Dilullo et Morgan Chane. Militaires expérimentés voire chevronnés l’Italien et le Gallois s’entendent comme larron en foire, mais personne n’est dupe : Morgan Chane élevé pour piller et tuer est le fauve prêt à déraper à tout instant, et Dilullo formé pour remplir une mission est le dresseur prêt à l’éliminer à tout instant. On retrouve la dualité civilisation / barbarie si cher à R.E. Howard, et comme les héros et anti-héros du maître américain de l’heroic fantasy Morgan Chane est un « problem solver » : dès qu’il y a un souci, il vient débloquer la situation par la force ou par la ruse… To Be Continued pour tous les fans de SF vintage !

C’est quand on est mort qu’il n’y a plus d’espoir.

Edmond Hamilton n’a pas usurpé sa réputation, bien qu’il n’ait jamais prétendu à autre chose que d’écrire de la littérature d’aventure donc de divertissement. Ce récit court est aussi bien rempli que bien fichu, et si tout avait été aussi bien écrit que l’introduction véritable poésie en prose truffée de descriptions vertigineuses ça aurait facilement pu être qualifié de chef d’œuvre. Oui cela a vieilli, mais cela a bien vieilli : cela se lit rapidement et facilement car l’auteur a le sens du rythme et de la mise en scène, mais il aborde aussi beaucoup de thèmes intéressants quoique que de manière trop succincte. Du coup je vais sans doute dire pas mal de trucs que j’avais déjà dit pour le Retour aux étoiles écrits à la même époque… Les Rois des Étoiles était un remake du Prisonnier de Zenda dans l’Espâce. On passait donc tout naturellement du « cape et épée » au « Sword and Planet », mais tous les codes de ces récits restaient dixneuvièmistes. Ici du temps s’est écoulé et l’Histoire s’est déroulée : on est à la fin des années 1960, et le positivisme et le triomphalisme de l’Occident bien-pensant sont déjà morts mais ils ne le savent pas encore…

Déjà la Terre est un trou du cul du cosmos.
Ses habitants sont pauvres et exploitent son seul savoir faire : la guerre… Des millions et des millions de terriens s’expatrient ainsi comme mercenaires, en se vendant au plus offrant entre les exploités ou les exploiteurs, tantôt outils de conquête et de répression, tantôt outils de résistance et de libération…

Ensuite on voit bien que l’auteur est tenté de renvoyer dos-à-dos dominants suprématistes et dominés communautaristes car pour lui ni les uns ni les autres ne sont universalistes, car ils privilégient le racisme à outrance.
Pour lui le mal est plus profond : quand un individu ou un peuple accède au moyens d’entrer en relation avec les autres, il tente de s’emparer des richesses des autres plutôt que de partager les siennes pour imposer son pouvoir et rouler des mécaniques en se vautrant avec délice dans les préjugés suprématistes. Pour lui, nous sommes tous pareils et seuls les aléas des événements nous mettent en position d’user et d’abuser des autres (quelque part les harceleurs du présent seront ainsi tout naturellement les exploiteurs du futur)… C’est un dénonciation des actes et des paroles du « mâle cis hétéro blanc », mais d’abord et surtout aussi un avertissement pour tous les autres : n’agissez pas mal et ne parlez pas mal quand cela sera votre tour d’être en position dominante sinon le cycle infernal de la haine ne s’interrompra jamais… Que disait Matin Luther King déjà ? Vivre comme des frères ou mourir comme des idiots…

Enfin même si nous sommes dans une SF anthropocentrée, l’homme n’est en rien la mesure de toute chose.
Si l’humanité se partage la galaxie, c’est en tant que collection de sous-espèces d’une civilisation plus ancienne qui s’est éteinte depuis longtemps. Nous autres terriens ne sommes que les dernières arrivés, aucunement les plus forts ou les plus avancés, et encore moins les bienvenus… Les nombreuses et diverses peuplades humaines roulent des mécaniques face à des peuplades non-humaines encore plus nombreuses et encore plus diverses, mais les uns et les autres ne sont rien face à l’immensité de l’espace et du temps parcouru par des Grands Anciens. Nous ne sommes tous que des insectes face à des êtres antédiluviens qui parcourent le vide entre les étoiles depuis des millions voire des milliards d’années. Mais si ceux de H.P. Lovecraft comme ceux d’H.G. Wells étaient prêts à nous écraser par inadvertance ou par malveillance, ceux d’Edmond Hamilton sont des érudits écologistes qui trouvent les turpitudes de l’humanité passionnantes à étudier certes mais aussi totalement insignifiantes à l’échelle de toute la création cosmique…

note : 7+/10

Alfaric

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