France Richemond (scénario)
Germano Giorgiani (dessin)
sous la direction de Bernard Lecomte

Un Pape dans l’Histoire, tome 5 :

Le Sacrifice des Templiers

Bande dessinée, histoire / moyen-âge
Publiée le 20 janvier 2021 chez Glénat

Lyon, 15 novembre 1305. Philippe le Bel, le puissant monarque, assiste personnellement au couronnement de Bertrand de Got qui devient ainsi le pape Clément V. A la sortie de la basilique Saint-Just, un pan de mur s’écroule sous le poids de la foule, faisant onze morts, parmi lesquels le Duc de Bretagne, et le jeune frère du pape. Cet événement dramatique marqua, comme un mauvais présage, le début d’un pontificat difficile. A l’époque, Rome connaît de dangereux désordres et le nouveau pape s’installe en Avignon terre pontificale où lui succéderont, pendant 70 ans, six autres souverains pontifes. C’est là qu’il tente de résister à la volonté de puissance de Philippe le Bel, auquel il va abandonner le sort des Templiers, ces riches et puissants chevaliers revenus de Terre Sainte que le roi va faire arrêter, juger, torturer et exécuter impitoyablement.​​

​Décidément cette collection est intéressante, en confrontant l’Église et la religion aux événements de leur temps à travers un personnage important. De Clément V on a retenu la malédiction de Jacques de Mollay, dernier Grand Maître de l’Ordre des Templiers, le citant à comparaître au tribunal de Dieu avant la fin de l’année 1314 ! Contrairement à ce qu’a écrit Maurice Druon dans Les Rois Maudits, ce dernier n’a même pas assisté à sa mort sur le bûcher car gravement malade il était déjà en train de préparer son dernier voyage…

L’Église vit en effet sous le pontificat du girondin Bertrand de Got alias Clément V un moment crucial. La guéguerre entre Philippe IV le Bel et Boniface VIII, énième épisode de la rivalité entre le temporel et le spirituel, a ébranlé l’équilibre des forces dans la chrétienté. Jamais un roi n’avait été aussi loin, et jamais un pape n’avait autant été bafoué… La papauté en position de faiblesse doit faire face à un roi de fer arbitre de l’Europe, et après la mort du pape de fer le conclave doit déjà choisir un successeur qui ne déplaît pas au roi français sans pour autant lui être inféodé d’office !

Clément V est un méridional passionné de poésie (donc de l’amor célébré par la langue d’oc) et d’œnologie (il a en effet transplanté dans le Rhône les cépages de la Gironde), donc il n’était pas taillé pour faire face à un roi froid et implacable, rusé et sournois. Mais comme Philippe IV, Clément V est un juriste chevronné donc nous assistons à une partie d’échecs entre le roi et le pape, chacun demandant quelque chose pour obtenir autre chose, et tout cela devient à la fois une partie de poker menteur et une partie de billard à trois bande les duettistes ayant des tous les deux des plans à l’intérieur de ses plans…

La peur est mauvaise conseillère.

Les pauvres Templiers sont au centre de leur affrontement (avec Célestin V en procès de béatification, et Boniface VIII en procès de damnation). Après avoir racketté et éliminé les Juifs et les Lombards, Philippe le Bel qui préfère prendre l’argent des roturiers que celui des nobles par solidarité de classe lorgne sur le Trésor des Templiers que pas mal de gens cherchent encore… Alors on reproche aux Templiers d’avoir perdu la Terre Sainte, mais d’un autre côté personne d’autre qu’eux n’a autant fait pour ne pas la perdre (les nobles locaux ayant refusé par principe une taxe de 1% pour leur défense commune : c’est bien connu plus tu en as et plus tu en veux, donc plus tu es riche et plus tu es radin, ce qui invalide par l’exemple la doxa ultralibérale qui nous gouverne depuis 1973 avec les résultats que l’on sait des conneries reagano-thatchéro-macronistes comme la « théorie du ruissellement »). Par orgueil ou par calcul politique Jacques de Molay a blessé l’orgueil de Philippe le Bel (ah s’il avait accepté la fusion des Templiers avec les Hospitaliers, cela aurait été beaucoup plus dur de les éliminer), et encore une fois force est de constater que la rancune des puissants est autant effroyable qu’effrayante (et vous savez tout le mal que je pense des élites autoproclamées qui nous gouvernent mais qui se comportent comme des sociopathes qui n’ont pas jamais su dépasser le stade infantile du « non »). Bref, Jacques de Molay a joué avec Philippe le Bel à « qui a la plus grosse ? », et le résultat est sans appel…

Philippe le Bel a donc instruit un procès politique où tous les moyens sont bons pour trouver les preuves et les témoignages qui vont dans le sens du pouvoir, aussi grossiers et factices soient-ils. Sauf que des religieux doivent être jugés par des religieux, et que c’est au pape de statuer sur leur sort. Sauf que la papauté sans domicile fixe doit faire face à une royauté française qui ne se déplace qu’accompagnée de la fine fleur de son armée (comme le disait Al Capone, on obtient plus de choses avec une arme et des mots qu’avec seulement des mots). Donc le roi comme le pape placent leurs pions pour prendre légalement les « bonnes décisions » avec les conséquences que l’on sait…

Malgré ses échecs Clément V a fait bonne figure, surtout au vu des moyens à sa disposition et de sa santé fragile (il a été la majeure partie de sa vie victime de violents maux de ventre). Sous son pontificat, la papauté se fixe à Avignon juste parce que le pont sur le Rhône qui est y mène libre de toute taxe royale (donc tout un symbole)…
Dans ce tome Bertrand Lecomte s’efface devant le texte de France Richemond toujours très forte en bons mots, et les beaux dessins de Germano Giorgiani joliment colorisés par Florence Fantini. L’alchimie m’a semblé très réussie donc j’ai passé un très bon moment. A vous désormais de vous faire une idée !

note : 8/10

Alfaric

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