Arnaud Delalande et Simova Mogavino (scénario)
Carlos Gomez (dessin)

Reines de sang : Catherine de Médicis la Reine Maudite, tome 3

Bande dessinée, histoire / XVIe siècle
Publiée le 19 février 2020 chez Delcourt

La santé de Sa Majesté se dégrade rapidement. Un prêtre recueille ses dernières repentances. L’épisode des Noces de Sang la hante. Les images des protestants conviés pour le mariage royal et emplissant les rues de la capitale dans une tension palpable lui reviennent dans un souvenir fiévreux. Le mariage entre le roi Henri III de Navarre et Marguerite de France a eu lieu le 18 août 1572. Dans une semaine, ce sera la tristement célèbre Saint-Barthélémy…

Dans ce tome 3, Catherine de Médicis à l’agonie est toujours en train de se confesser hanté par les prédictions de son ami Nostradamus : éviter le chiffre « 13 » pour sauver son peuple et ses enfants, et plus encore éviter « Saint-Germain » qui lui apportera la mort. Et comme dans le film Jeanne d’Arc de Luc Besson, le personnage principal voit Jésus et lui parle avec lui s’interrogeant si sa place est en enfer parce qu’elle a fait le mal ou si elle lui reste une chance d’aller au paradis car elle a essayé de faire le bien…

Les Guerres de Religions sont une période tourmentée de l’Histoire de France et ici Catherine de Médicis est en est notre guide : le pouvoir royal essaye de ménager la chèvre et le chou entre les Catholiques mené par la Maison de Guise et soutenus par l’Espagne, et les Protestants menés par la Maison de Navarre et soutenus par l’Angleterre, la Hollande et la Suisse. Mais ils se forment moult factions, presque autant que de crevards friqués en quête de pouvoir, à commencer par celle des Malcontents qui jette de l’huile sur tous les feux. Les auteurs arrivent à ne pas se perdre avec tous ces noms, ces dates et ses événements où on ne pense qu’à intriguer, à comploter et à trahir pour grimper quelques marches de plus sur l’échelle du pouvoir. Où la religion, où sont les convictions dans tout cela ? Les élites jouent sur la peur et l’ignorance, en agissant avec haine et violence, mépris et indifférence, manipulant le peuple pour agir à leur place avant de se lamenter qu’il n’agit pas exactement comme elles l’avaient escompté : les politiciens appellent cela la théorie du tube de dentifrice (une fois que c’est sorti, c’est difficile à remettre dedans), moi j’appelle cela la Boîte de Pandore (on sait toujours comment cela commence, mais on ne sait jamais comment cela finit).

La première partie de ce dernier tome s’attarde ainsi longuement sur la tragédie de la Saint-Barthélemy, le saint patron des bouchers (ça ne s’invente pas) : le roi, la reine-mère et leurs rares alliés tirent dans un sens, tout le monde tire dans d’autres sens (bien souvent pour des motifs très bas pour gens situés très haut) et par une galerie de POVs on nous montre le terrible enchaînement des événements qui place le pouvoir royal face à un dilemme insoluble : tuer pour sauver ce qui peut encore l’être, au risque de devoir tuer encore et encore jusqu’à n’avoir plus rien à sauver y compris lui-même… Des journalistes intègres auraient pu poser de bonnes questions à ce sujet à macron (je ne mets pas de majuscule, il ne le mérite pas) durant la crise des Gilets Jaunes (là je mets des majuscules, ils le méritent vu tout ce qu’ils ont pris dans la gueule pour pas un rond), mais la postérité souviendra de la première question qui lui fût posée lorsque que Sa Majesté Jupiter Ier / Napoléon IV décida de prendre la parole : « Monsieur le Président ça va, ce n’était pas trop dur à vivre ? »

Les auteurs ont l’excellente idée de déplacer la reine-mère en cuisine, pour la confronter à des hommes et des femmes qui sont ses sujets avant d’être ses serviteurs. Par le droit de quota de flashbacks leurs témoignages s’additionnent et la terrible vérité est révélée : réunis dans le malheurs français et étrangers, catholiques, protestants ou autres, n’ont été que des victimes aux mains de leurs bourreaux. Et comme souvent les victimes ont été qualifiées de faibles par les bourreaux qui se considéraient comme forts grâce à leurs héritages et leurs privilèges : saloperie de suprématisme, et rien n’a changé depuis quand tu écoutes bien les propos des élites autoproclamées dont la macronie est le porte-étendard déclaré…

L’Histoire vous dépasse, même lorsque c’est vous qui la faites…

La deuxième partie de ce dernier tome nous montre une reine-mère qui essaye désespérément de redresser la barre dans une situation où le pouvoir royal est de plus en plus esseulé car les Catholiques lui reprochent de ne pas en faire assez, les Protestants lui reprochent d’en avoir trop fait et les Malcontents lui reprochent ou ou presque parce qu’il est plus aisé de critiquer que de proposer (et de vouloir être calife à la place du calife ou lieu d’être calife et de gouverner). Les complots et les intrigues se multiplient, et Catherine se rend bien compte que son fils Charles n’est pas apte à être roi, et son choix se reporte sur son fils Henri alors que son fils François multiplie les conneries pour obtenir plus d’influence et de pouvoir…

Catherine de Médicis qui a connu les ravages de la guerre civile à Florence aura tout fait pour éviter la guerre civile en France, mais parfois l’Histoire vous dépasse même lorsque que vous la faites. Elle qui a tant œuvré pour la paix passera à la postérité pour celle qui aura déclenché le pire bain de sang de l’Histoire de France, alors que tous les crevards bien planqués mais forts actifs dont on taira les noms pour qu’ils connaissent l’oubli et non la gloire sont passés à travers les mailles du filet. La dynastie valois s’éteint après le 13e roi depuis la malédiction de Jacques de Molay le 23e et dernier maître de l’Ordre du Temple, et quand le confesseur de la reine-mère révèle qu’il s’appelle Julien de Saint-Germain elle comprend que sa vie est finit et que c’est l’enfer qui l’attend à son corps défendant…

Depuis la série consacré à Aliénor d’Aquitaine, que de progrès réalisés par Carlos Gomez (le changement de coloriste ne peut pas explique à lui seul une telle différence de qualité), et que de progrès réalisés par le duo Delalande / Mogavino ! Finies les romances et les coucheries de telenovelas, on une quasi biographie où la boucle est bouclée par de belles valeurs humanistes et de belles réflexions sur l’intolérance si cher aux élites qui veulent diviser pour régner. Quelque part, ; je suis impressionné par le regard apporté par une Italienne sur l’un des épisodes les plus douloureux de l’Histoire de France (mais bon, il y a les gens qui ont des sentiments humains,et ceux qui en n’ont pas, suivez mon regard)….

note : 8,5/10

Alfaric

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