Marie & Thierry Gloris (scénario)
Joël Mouclier (dessin)

Reines de Sang

Cléopâtre la Reine Fatale

tome 2

(pour public averti)

Bande dessinée, histoire / antiquité
Publiée le 07 novembre 2018 chez Delcourt

Cléopâtre a conquis le cœur de Marc Antoine, celui de Jules César et celui du peuple égyptien en régnant sans partage sur la fertile Égypte. La belle Cléopâtre pousse Jules César à faire respecter le testament de son aïeul Ptolémée XII qui souhaitait qu’elle règne avec son frère sur le trône d’Égypte. Évidemment son pharaon de frère ne voit pas cela d’un bon œil et tente de s’en prendre à elle. Le torchon brûle et la guerre s’engage entre les deux hommes, entraînant dans son sillage, mort et destruction.

Ce tome 2 d’une série qui au final devrait en faire 4 est presque un diptyque :
– dans un 1er temps nous sommes dans le game of thrones égyptien et Cléopâtre vampe César et Marc-Antoine pour se débarrasser sans aucune armée de son frère Ptolémée XIII qui en se débarrassant de Plothin et se mettant à dos Achillas scelle sa propre perte… Ptolémée XIII est mort, vive Ptolémée XIV époux, marionnette et paravent de la divine Cléopâtre !
– dans un 2e temps nous sommes dans le game of throne romain et Cléopâtre regarde impuissante César et Marc-Antoine essayer de dompter le peuple romain manipulé de tous les côtés par tous les mécontents d’autant de changement en aussi peu de temps… Et bien sûrs les prétendus défenseurs de la République regrettent bien trop les temps passé de la ploutocratie mondialisée où les riches étaient faits pour être de plus en plus riches avec tous les privilèges qui vont avec et où les pauvres étaient faits pour être de plus en plus pauvres donc asservis et exploités !

Vox populi, vox dei.

Un tome mine de rien très riche qui dépasse largement sa fonction de soap nobiliaire antiquisant. La relation entre César le conquérant qui cherche un héritier à qui léguer le monde et Cléopâtre qui cherche un partenaire à qui léguer sa vision du monde est très intéressante, avec moult dommages collatéraux où elle flirte charnellement avec Marc-Antoine et intellectuellement avec Cicéron. Le parallèle est saisissant entre les Romains qui se sont construits en s’ouvrant aux autres civilisations et qui ici font preuve d’un racisme et d’une xénophobie qui historiquement causera leur extinction, et les Grecs qui n’ont jamais caché leur racisme et leur xénophobie mais qui ici revendiquent fièrement une culture métissée et cosmopolite qui leur permettra de survire à leurs conquérants pendant près de 1000 ans…

Il y a intrinsèquement un dézingage de l’alliance maudite entre élitisme et populisme qui aujourd’hui pourrit tous les pays occidentaux : dans un système-monde, le repli sur soi ne peut être cause de malheurs pour soi et pour autrui, mais ces élites suprématistes qui nous dirigent ne le comprendront jamais donc continueront de nous amener dans les ténèbres pour nous y enchaîner par la peur et l’ignorance… D’un côté nous avons des interludes fantastiques dans lesquels les dieux parlent aux hommes et dans lesquels les hommes parlent aux dieux, et d’un autre côté nous avons un fil directeur centré sur la maxime « vox populi, vox dei » : et si au lieu de subir le fameux « diviser pour régner » si chère aux pervers narcissiques qui nous gouvernent, c’est l’accumulation de petites actions qui permettraient de se débarrasser d’eux pour réaliser de grandes choses ?

 

Les auteurs font certes du foreshawdowing avec Octave servant de nounou à son cousin Césarion, avec tous ces faux-culs traîtres à celui qui les a laissés en vie qui veulent séparer César et Marc-Antoine pour tuer l’un et manipuler l’autre, mais ce qui m’a frappé c’est les similitudes avec leurs multiples avatars : César le météore et Cléopâtre l’étoile ont laissé un trace indélébile non seulement dans l’Histoire de l’humanité mais également dans l’imaginaire de l’humanité, et c’est ô combien fascinant de voir leurs récits être reconfigurés encore et encore pour exercer toujours la même attraction… Et ici entre les dessins stylés de Joël Mouclier et les dialogues à la Michel Audiard du couple Gloris c’est champagne ! (d’ailleurs ils se payent même le luxe de clins d’œil à des œuvres aussi cools que Deux heures moins le quart avant Jésus Christ)

note : 8,5/10

Alfaric

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